Mardi 5 et mercredi 6 février 2019, il a suffi de deux jours aux députés pour débattre du projet de loi amendant la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption… Pourquoi si peu de temps ? Le gouvernement décide, les parlementaires disposent ? Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, a affirmé, mardi 5 février, que «l'Algérie se soumet à la seule évaluation des mécanismes onusiens en matière de lutte contre la corruption et ne se soucie guère des rapports émanant de certaines organisations non gouvernementales (ONG)», qui feignent, a-t-il dit, d'ignorer ses réalisations positives dans ce domaine. Présentant le projet de loi modifiant et complétant la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption devant les membres de l'Assemblée populaire nationale (APN), M. Louh a indiqué que l'Algérie, qui se soumet à la convention des Nations unies contre la corruption, a été parmi les premiers pays à l'avoir ratifiée (2004), c'est pourquoi elle est tenue de son application. «Nous ne nous soucions guère de ce qu'on rapporte par-ci et par-là quant au classement de l'Algérie dans les rapports de certaines ONG. Nous nous intéressons uniquement à l'évaluation onusienne», a-t-il soutenu. Rappelant que l'Algérie fait partie de la conférence des Etats-parties à la convention des Nations unies contre la corruption au sein de laquelle elle se soumet à une évaluation s'étendant sur plusieurs étapes, M. Louh a déclaré que l'Algérie avait «confiance» en ses institutions concernées par la lutte contre ce phénomène et les mesures initiées dans ce sens, conformément à «la volonté du président de la République». M. Louh a évoqué la proposition présentée par l'Algérie, il y a deux ans, devant la conférence des Etats-parties à la convention des Nations unies contre la corruption à Genève, axée sur la dimension internationale. Elle avait appelé, dans ce cadre, à revoir le système financier mondial et à exercer davantage de pressions sur les Etats dits «paradis fiscaux». «Malheureusement, les rapports de ces ONG n'ont jamais évoqué cette question», a-t-il ajouté. L'application de cette loi «a permis de juguler plusieurs actes de corruption et de sanctionner leurs auteurs» Toujours selon le ministre de la Justice devant les députés, l'Algérie est «soucieuse du respect des délais» concernant la présentation de son rapport devant les pairs, dans le cadre de la conférence des Etats-parties à la convention des Nations unies contre la corruption, sachant qu'elle a finalisé l'élaboration de son rapport relatif à la deuxième phase de cette évaluation. Lors de la 1re phase, s'étendant de 2010 à 2014, l'Algérie a adapté sa législation nationale à ladite convention internationale, à travers la promulgation de la loi n° 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption qui consacre les principes internationaux. Au terme de l'évaluation de cette phase, l'Algérie a présenté le rapport onusien au gouvernement qui a approuvé sa publication intégrale, au lieu du résumé, sur le site de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en sus de son initiative relative à la publication exhaustive du rapport sur les sites de plusieurs instances officielles nationales afin de faciliter la consultation de son contenu, a poursuivi le ministre. L'application de cette loi «a permis de juguler plusieurs actes de corruption et de sanctionner leurs auteurs», a affirmé M. Louh, citant, à ce titre, plusieurs affaires traitées par la justice ou en cours de traitement et qui, a-t-il dit, ne seront pas évoquées par respect au principe de la présomption d'innocence et de l'indépendance de la justice. D'autre part, le ministre a passé en revue plusieurs mesures «audacieuses» prévues dans la loi relative à la lutte contre la corruption en vigueur qui «fait souvent objet de critiques subjectives» et qui est principalement axée sur la lutte contre les crimes financiers. Revenant sur les principaux points contenus dans ce «texte-type», M. Louh a cité l'imprescriptibilité des crimes de transfert des recettes de la corruption vers l'étranger, «qui constitue l'un des points positifs mis en avant dans le cadre de l'évaluation onusienne». Cependant, «ces points ne figurent pas sur les rapports de certaines ONG qui ciblent l'Algérie», a-t-il déploré. «Un impératif pour assurer la régularité des activités économiques et consacrer la concurrence équitable entre différents acteurs» Après l'intervention du ministre, des députés ont valorisé les dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre la corruption, mettant en avant son importance dans la protection de l'économie nationale et la moralisation de l'action politique ainsi que l'impératif d'assurer la protection des lanceurs d'alerte. A ce propos, le député Mohamed Hellali (indépendants) a salué «l'engagement indéfectible de l'Etat en matière de lutte contre la corruption et les efforts consentis dans ce sens», soulignant «le caractère dangereux de ce phénomène, devenu une entrave au développement et qui creuse davantage le fossé entre pauvres et riches». Pour lui, la lutte contre la corruption est «un impératif pour assurer la régularité des activités économiques et consacrer la concurrence équitable entre différents acteurs». Abondant dans le même sens, le député Mourad Hallis (RND) a soutenu que l'amendement de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption était une suite logique à la révision constitutionnelle de 2016, ajoutant qu'il constitue «un jalon supplémentaire dans le processus des réformes du secteur de la justice, initiées par le président de la République». Evoquant l'axe portant sur la protection des personnes dénonçant des actes de corruption (lanceurs d'alerte), le député Hallis a préconisé «la consécration de mesures supplémentaires, plus efficaces». De son côté, le député Salah Eddine Dekhili (RND) a estimé que «les efforts de l'Algérie en matière de lutte contre la corruption commencent à donner leurs fruits», affirmant que cette lutte «se renforcera davantage à travers la prise de conscience collective quant à la gravité de ce phénomène et la ferme volonté dont font montre les pouvoirs publics». «La lutte contre la corruption doit être placée en tête des priorités», a-t-il insisté ajoutant que cet objectif passe impérativement par «le raffermissement de l'esprit de responsabilité, l'engagement politique sincère et la contribution de la société civile». Concernant les lanceurs d'alerte, le même député estime nécessaire de réfléchir à des dispositions de protection «plus efficaces», à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays. «Une société gangrenée par la corruption ne saurait être une société forte et un pouvoir corrompu ne pourrait être efficient et sincère» Pour le député Mohamed Lehiza, de la même formation politique, la prévention contre le phénomène complexe de la corruption «est une consécration des principes sous-tendant l'Etat de droit». Un avis partagé par la députée du parti TAJ, Karima Admane, qui a déclaré qu'«une société gangrenée par la corruption ne saurait être une société forte et un pouvoir corrompu ne pourrait être efficient et sincère». Au début de cette session (audience), la commission des affaires juridiques et administratives avait présenté son exposé, mettant en avant les efforts qu'a consentis et consent encore l'Algérie en matière de lutte contre la corruption, d'amélioration de l'efficacité des parties en charge de cette lutte et de consolidation de la contribution de la société civile dans la moralisation de la vie publique. Saluant les mesures prévues dans le projet de texte, la commission de l'APN soutient que ce dernier «permettra incontestablement de renforcer les mécanismes de prévention contre la corruption, d'œuvrer à son éradication et à la dissuasion des actes nuisibles à l'économie nationale».