On s'attendait à de grandes manifestations de contestation d'un cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika, on a eu droit, finalement, à une extraordinaire déferlante populaire qui, aux quatre coins du pays, a exprimé un impressionnant rejet, massif, unanime et sans appel, du candidat, de son bilan et de son système en général. Une sorte de référendum grandeur nature que les Algériens ont organisé, en cet historique vendredi 1er mars 2019, que le régime n'oubliera pas de sitôt. Une première dans l'histoire de l'Algérie post-indépendance, à l'exception peut-être des manifestations de l'été 1962, qu'à travers tout le pays, les Algériens expriment, en même temps, les mêmes slogans, à travers des marches qui n'étaient chapeautées par aucune structure de quelque ordre que ce soit. Des marches et des manifestations spontanées, synchronisées et, surtout, pacifiques et populaires au sens propre du terme. Le haut degré de civisme qui a caractérisé cette démonstration de rue, où des familles, des femmes, des jeunes filles, des jeunes, des vieux, d'immenses foules qui sillonnaient pendant des heures les grandes artères de toutes nos grandes villes sans le moindre incident, est frappant. Des marées humaines, composées de toutes les franges de la société, exprimaient, dans une ambiance de fête et dans une communion inhabituelle pour ce genre d'événements, leurs opinion et position politique : non à un cinquième mandat pour Bouteflika. Face à ce bel élan populaire, les forces de sécurité ont préféré, à leur tour, jouer la détente et se contenter de former des boucliers autour de certains points et sites stratégiques, notamment dans la capitale. Aussi, et contrairement aux manifestations du vendredi 22 février, l'on n'a pas assisté, cette fois, à des perturbations du débit internet ou des réseaux téléphoniques. A l'évidence, il s'agit là de décisions du pouvoir qui ne voudrait pas, en plus de ce sanglant camouflet populaire, se compliquer l'existence avec des conséquences autrement plus désastreuses pour lui, d'une répression «à l'ancienne». Notamment, à la veille du dépôt de son dossier auprès du Conseil constitutionnel, par le toujours candidat, Abdelaziz Bouteflika. Kamel Amarni