Oui, c'est reparti pour un tour. Une année s'en va, une autre vient s'installer sur le trône. Un peu comme les Présidents ! L'un s'en est allé dans la déchirure d'un cinquième mandat raté ; un autre s'installe, mal élu selon le peuple, dans la gestuelle d'un redresseur de tort. C'est à voir ! Pour moi, l'année écoulée a pris son ballot et s'en est allée, dans un déhanchement de catin, gonfler la crue des souvenirs. L'année actuelle (deux mille vingt, deux mille vain, deux mille vin, selon les internautes) arrive pimpante, comme une nouvelle mariée, maquillée à la poupée japonaise et un sourire aussi vaste qu'un ciel d'été. Je ne sais pas si je dois regretter l'année passée, parce qu'il m'est possible d'établir le solde de tout compte de mes faits et gestes, de mes sourires et mes blessures, de mes rêves et mes déceptions ; ou dois-je faire comme tout le monde, accueillir béatement cette nouvelle année, ne sachant pas ce qu'elle me réserve comme attentes, comme déconvenues, comme inspiration et comme réserve ; à moins de croire au mektoub et de me dire que c'est dans ma destinée de vivre ce qui adviendra demain. Le nouveau Président s'est installé, vêtu d'un costume trop large pour lui. Même s'il connaît les travers du sérail, il n'en demeure pas moins que l'héritage est lourd à porter. Le Président sortant a détricoté les fils du chandail-Algérie ; il y a eu trop d'avanies ; il y a eu trop de déceptions populaires ; il y a eu trop d'affaires marécageuses ; c'est comme après une guerre meurtrière, il faut à l'actuel Président déminer des territoires entiers. Il n'y a nulle part signalé «Attention mines». Il y aura certainement des victimes. Chaque pas posé devant soi risque de faire péter une bombe. Toute la difficulté est là ! Un peu comme moi, il me faut vraiment apprécier l'endroit où poser le pied, pour ne pas avoir à regretter ce geste ô combien naturel. Je sais que le parallèle est fort. Je l'assume. Chacun est président à son niveau. J'avoue cette faiblesse : dans ma bulle, je suis le président ! Ainsi donc, un gouvernement est mis en place. Un gouvernement qui a l'air d'en vouloir. Le volontarisme est une bonne chose ; attention tout de même aux mines ! Oui, ils sont trente-neuf autour du malade. D'aucuns pensent que c'est beaucoup de ministres au temps de la disette et du bas de laine qui bat de l'aile. Personnellement, je pense que c'est peu. Pourquoi ? Parce qu'il y a tellement de problèmes. Et qu'il faut un ministre (donc un ministère) pour chaque écueil. Je vais donner quelques exemples. Il faut un ministre qui va gérer la surproduction de pommes de terre (batata) d'Aïn Defla. Quoi ? Il y a le ministère de l'Agriculture. Je vous dis que ce n'est pas suffisant. ça s'est vu auparavant. Non, il faut un commis de l'Etat qui ne fera que gérer cette surproduction. Gérer le surplus. Gérer les prix. Gérer la distribution. Gérer une éventuelle exportation. Puis une fois le boulot fini, ce ministre fera autre chose. Une voix intérieure me dit : «Tu délires, mon pote ! C'est quoi ton problème ?» Mon problème, c'est de proposer – en citoyen responsable – des solutions. Je ne délire pas. Je veux un ministre de gestion de la surproduction de la patate d'Aïn Defla. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un ministre de la production cinématographique, et pas un ministre des inondations. Donc, je reprends. Il faut bien me suivre. Une fois le problème de la surproduction de la patate réglé, on pourra toujours confier un autre portefeuille ministériel à notre responsable. Bon, le Hirak est toujours là. Plus vivant que jamais. Il pose les problèmes du pays. Il suffit, du reste, de recenser les différents slogans pour en faire les têtes de chapitre d'une Constitution. Pour cela, il faut désigner un ministre. Oui, un ministre du Hirak. Il aura pour mission de négocier avec le Hirak, au nom de l'Etat. Puis, il n'y a pas que cela. Prenons l'école qui est sinistrée. Il lui faut un ministre par palier, puis par segment. Il faut par exemple un ministre de la pédagogie. Un ministre du manuel scolaire. Chaque année, il est signalé un manque dans le livre. Un ministre pour les différents examens. Pourquoi pas un ministre de la cantine et du transport scolaire. Quoi ? C'est sérieux ce que je dis. Et la liste est longue ! Avec des ministres spécialisés, la décision sera ciblée. Précise. Chirurgicale. On a décidé de libérer les détenus d'opinion. C'est bien ! ça apaise les cœurs ! ça calme la colère populaire ! Sont-ils tous libres ? Non, justement ! Un ministre de la gestion de la libération des détenus aurait pu se rendre compte qu'il y a maldonne. Quand on veut faire un geste d'apaisement, zaâma, on doit le faire en gros et dans le détail. Comme la décision, dans ce cas d'espèce, est dispersée, l'apaisement n'a fait qu'augmenter la colère des hirakistes, autrement dit du peuple. Et ce ne sont pas les grosses gueules de la Toile, racistes et sectaires, qui vont changer la donne. La Kabylie est sereine ! Que ça vous chagrine, j'en suis fort aise. Si le Hirak dérange, c'est qu'il est dans le vrai. Ah, je voulais vous dire que, personnellement, je ne fête pas le Nouvel An universel. Par contre, je fêterai royalement le Yennayer qui, pour la première fois de l'histoire de l'Algérie, verra une journée chômée et payée. Oui, ce sera le dimanche 12 janvier. J'ai rêvé que cela puisse arriver un jour. C'est fait ! Un fait acquis par la volonté populaire. Il y aura, j'en suis sûr, des esprits malades qui vont qualifier cette fête de fête païenne. Je veux juste leur dire, ça y est on est vacciné. Vous pouvez la qualifier de tout ce que vous voulez, Yennayer sera royal dans mon cœur, ce jour-là, et dans l'accueil que je ferai à cette gestuelle identitaire. L'histoire finit toujours par dire son mot. La rivière retrouvera son lit, tôt ou tard. Et l'Algérie se réconciliera avec son identité. Y. M.