Mercredi dernier, j'ai fait la chronique buissonnière. Je n'ai pas été courir, comme un garnement, dans les champs. Ni poser des pièges aux grives. Rien de tout cela, malheureusement. Alité, parce que la grippe est passée par là, je me suis gavé de tisanes, de repos forcé et de documentaires paraboliques. Eh oui, la grippe donne à son patient le temps de faire le paresseux sous la couette. Oui, je me suis vacciné ; mais la traîtresse m'a pris par les narines, prestement, et m'a mis à terre. Sur une des chaînes du câble, sans passeport ni visa, j'ai fait du tourisme sur place, sans bouger de mon lit. J'ai vu Boston, dans toute sa splendeur. Il paraît que cette ville bat tous les records. Chômage très faible. Création de richesses. Ville estudiantine. Justement, un groupe d'étudiants de l'Hexagone, maniant l'anglais à la perfection, se rendirent dans un restaurant. Désolé, je n'ai pas retenu le nom de l'enseigne. Bref, ces étudiants se sont déplacés juste pour déguster un plat aux senteurs du sud de l'Europe. J'ai immédiatement pensé à une paëlla. Pas du tout, j'ai tout faux. La spécialité de ce resto, je vous le donne en mille, c'est la « shakshouka ». Les Français nous ont piqué notre couscous ; maintenant, les Américains sont en passe de nous piquer notre « Tchektchouka » nationale. Manger de la « shakshouka » à Boston ! Non, je ne rêve pas. Ce que j'ai vu à l'écran, c'est bien de la « tchektchouka », made in bladi. J'ai reconnu l'aspect, la couleur, tout. Tomate, oignon, ail, huile. Ne manquait qu'une « felfla » de Guelma, «herra » comme il faut. C'est bien tout ça ! Mais qu'est-ce que ça change au Hirak, made in bladi ? A priori, rien ! Sauf que nous sommes, à quelques jours du 12/12, dans une véritable « tchektchouka » ; heureux celui qui prédira la fin. L'issue sera-t-elle heureuse ? Ou malheureuse ? Tous les ingrédients d'une déflagration sont là, à Dieu ne plaise. Ça marche, toujours. Les appels à la grève se font entendre, ici et là. Ça emprisonne, toujours. Ça mure les mairies et les daïras, ici et là. La campagne électorale se fait sous escorte policière. Les réseaux sociaux se déchaînent. Les rumeurs alarmantes se font entendre. Des scénarios s'ébauchent dans les cafés. En attendant, les candidats se prennent au sérieux et battent la campagne. Ils sont toujours cinq, n'est-ce pas ? Comme les cinq doigts de la main ! La fameuse « khamsa » ! Ils ne réunissent pas beaucoup de monde, semble-t-il. Ils font l'impasse sur certaines villes. Oh, les villes sont connues, ya kho ! Les cinq candidats s'engagent à faire de l'Algérie une démocratie aux standards internationaux. L'un s'engage à régler définitivement le problème du chômage. De plus, il s'engage, lui, l'ancien ministre de l'Habitat, à résorber la crise du logement. Le deuxième veut marier les « célibatrices » du pays ; en même temps, les célibataires. Le troisième veut faire du Sahara un rêve algérien (rêver du désert, n'est-ce pas subliminal ?). Le quatrième veut revoir la Constitution et mettre dedans toutes les demandes du Hirak. Le cinquième ? Je ne sais plus ce qu'il a dit. Il a dit la même chose que les autres. Quoi donc ? D'abord qu'ils sont les candidats du peuple (je me demande de quel peuple ils parlent). Ensuite, qu'ils ont soutenu le 22/2, pour ne pas dire qu'ils sont les artisans de la révolution du sourire. Puis qu'ils ont été l'opposition au système Bouteflika. Qu'ils étaient même des victimes de ce système. Qu'ils soutiennent toujours le Hirak. Que leur programme est le programme du Hirak. Mazel, la liste est longue, comme le bras. Le méli-mélo continue. Au point où nous en sommes, je pense que ces cinq candidats doivent être président collégialement. Ya kho, ils sont irrésistibles. Cette idée n'est pas de moi, elle est d'un internaute. Je n'ose pas dire à quoi il les destine, j'ai peur des conséquences. A moins de les passer président à tour de rôle ! Un par année d'un mandat de cinq ans ! Allez, pesé, empaqueté et vendu ! Ouf, on évite le 12/12, qui sera tout de même journée fériée et chômée. Je « mélimélose », moi aussi. Au point où on en est, il vaut mieux en rire. Pleurer ? Oui, nos candidats l'ont fait. Ils ont pleuré. Je ne sais plus en quelle circonstance. Mais ils ont pleuré. Trop d'émotion, ya kho. Puis, le bled ! L'Algérie vaut bien quelques larmes des candidats. Ça y est ! Qu'on arrête de pleurer. Les cinq sont présidents dans mon méli-mélo. Tous gagnants. Puis, comme l'Algérie est le pays des miracles, il sera ainsi le premier, dans le concert des nations, à disposer de cinq présidents, à la fois. Ça mérite une « tchektchouka », non ? Personnellement, je serai partant pour une « tchekhtchoukha » de Biskra. Wallah, il vaut mieux en rire. S'il faut, je me mettrai à pleurer. Il est question de mon pays. Pourvu qu'on me donne les moyens, je verserai bien quelques larmes. Ça soulage, paraît-il. Et ça nettoie l'œil. Si jamais un candidat passait par Tizi, je serais prêt à lui offrir une bassine vide. Pour quoi faire ? Voyons, qu'il la remplisse de larmes pour la sauvegarde du pays. Je suis prêt à me sacrifier, je verserai bien quelques gouttes, pour la « baraka ». Les larmes d'un candidat valent-elles le fauteuil d'El-Mouradia ? C'est à voir ! C'est tout vu, me dit une voix qui vient des limbes. Le 12, c'est pour demain. Tous se préparent en prévision de cette date. Qu'en sortira-t-il ? Un Président ? Des urnes vides ? Un coup d'épée dans l'eau ? Une transition ? Une Constituante ? J'ai beau farfouiller mon méli-mélo, il ne me donne aucune indication fiable. Nul ne croit à ce rendez-vous, me semble-t-il. Je me demande si les candidats, eux-mêmes, croit vraiment à cette élection ; surtout en voyant l'accueil qui leur est réservé ici et là. Y a-t-il un candidat qui pourrait me convaincre du bien-fondé du schmilblick ? Chiche ! Je suis tout ouïe. Y. M.