Il faut d'abord balayer cette énormité : il n'y a pas de paranoïa. S'il y en avait, cela voudrait dire qu'il n'y a pas de danger. Or, le péril est bien là, réel, menaçant, mortel. Ça a commencé en Chine et puis il s'est propagé à une vitesse qu'on ne pouvait pas imaginer. La Chine commence à s'en sortir, pendant que l'Italie inquiète et les Etats-Unis angoissent. 95% des entreprises chinoises reprennent leur activité pendant que l'Italie nous livre des images d'apocalypse. Déjà des problèmes de places en réanimation et des médecins qui craquent de ne plus en pouvoir. L'Italie est entièrement en quarantaine et la France devient de plus en plus sévère dans ses mesures de protection. « L'Algérie n'en est pas là », entend-on çà et là. Peut-être mais jamais loin, surtout quand on est… loin des précautions de base. Se laver les mains, oui, ce n'est pas une rigolade. Réduire ses sorties, on n'en meurt pas. Chopper le virus, si. Le transmettre aussi. Se tenir à une distance respectable d'un ami n'est pas un manque de respect. C'est le… respect incarné de la vie. La sienne, celle des autres, hommes, femmes et enfants. On meurt suffisamment pour ne pas ajouter à la mort, pas toujours ordinaire, la mort à grande échelle. Personne n'utilise le coronavirus pour faire peur aux autres, le coronavirus n'a pas besoin d'être… utilisé pour foutre la trouille au monde entier. Il tue, ferme des entreprises, ferme le ciel et ferme des pays. Les « scénarios catastrophes » ? Il n'y en a pas beaucoup mais il y en a, quand même. Ils sont glaçants mais scientifiquement argumentés. L'Algérie a ses « cas », ses morts, ses guéris et ses malades planqués, sans symptômes. Le nombre n'est pas important, la mobilisation pour y faire face et les moyens déployés, si. Sinon, la Chine serait anéantie. La France n'est pas plus menacée que l'Algérie. Une faille dans le dispositif qui a réuni 1 000 personnes devant un stade de foot a fait scandale. Depuis, pas de rassemblement de plus de 100 personnes et avec un écart vital entre les personnes. Les lieux publics qui ne peuvent pas assurer les mesures vont fermer. Il y a même une vie sans spectacles, avant que la… vie ne reprenne ses droits. Les décisions du genre, il n'y en a pas beaucoup chez nous, en dehors de la fermeture des écoles. C'est déjà ça. On ne ferme pas les mosquées en Algérie. Personne ne sait pourquoi d'ailleurs. Même en temps « normal », prier à la mosquée n'est pas une obligation religieuse. Paradoxe un peu hilarant : c'est la mosquée qui a été choisie pour lancer la « sensibilisation ». On pensait que l'imam de Bab Ez Zouar allait commencer par demander aux fidèles de rester prier chez eux. Non, il leur a dit qu'ils sont à l'abri de la maladie grâce aux… ablutions. Une respectable figure du Hirak écrit que rien, ni le pouvoir ni le coronavirus n'empêcheront les Algériens de marcher. Il parle de dizaines, si ce n'est de centaines de milliers de personnes réunies dans un espace réduit. Il est médecin. Une autre dit, en parlant sérieusement, sur le ton de quelqu'un qui va se faire violence pour la bonne cause : « S'il y a consensus au sein du Hirak, on peut arrêter momentanément les marches » ! Réveillez-vous, le pays ne s'est pas encore mis d'accord pour éloigner la mort. Réveillez-vous, toutes affaires cessantes, la situation est grave. S. L.