Trois ans et 4 mois après la promulgation de la nouvelle loi sur la retraite (loi n° 16-15 du 31 décembre 2016), le texte d'application sur la prise en compte de la pénibilité au travail pour le départ précoce à la retraite n'est pas encore paru. Les pouvoirs publics n'ont même pas de justificatif sérieux pour expliquer ce trop long retard. Sur le plan du code du travail, la pénibilité au travail est la reconnaissance des sollicitations physiques et/ou physiologiques que subit le salarié au cours de son activité professionnelle. Le ministère du Travail a pour mission de prévenir et réglementer l'exposition des salariés à certains facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, voire irréversibles sur leur santé. Pour rappel, un communiqué du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale avait annoncé que le samedi 20 janvier 2018 serait installée «la commission chargée de proposer la liste des postes de travail présentant une haute pénibilité, la durée minimale passée dans ces postes et les âges minima de la pension de retraite correspondants», et ce, en présence du ministre de la Santé. Ce qui fut fait. Selon une dépêche de l'APS (Algérie Presse Service), une commission chargée de proposer la liste des postes de travail présentant une haute pénibilité avait été installée samedi 20 janvier 2018 à Alger, en vertu de la loi du 31 décembre 2016 relative à la retraite. Plus d'une année entière pour installer une commission ! Le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale qui avait coprésidé avec le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière la cérémonie d'installation de la commission, avait affirmé que la commission sera chargée de proposer une liste de métiers à haute pénibilité, la durée minimale d'exposition à ces derniers et les conditions permettant l'abattement de départ à la retraite, conformément à la législation en vigueur. La commission est composée de représentants des ministères du Travail et de la Santé, de la Direction générale de la fonction publique et de l'Office national des statistiques (ONS), de professeurs de la médecine du travail, de chefs de services hospitalo-universitaires et d'experts désignés par la tutelle, avait précisé le ministre du Travail. Il s'agit d'une commission intersectorielle comprenant des experts qui a été chargée de mener «des travaux techniques et scientifiques et habilitée à consulter les secteurs concernés, les partenaires socioéconomiques et les syndicats des travailleurs et d'employeurs agréés». Rien de nouveau du côté du ministère de tutelle A quand la prise en compte des droits de milliers de travailleurs exposés à toutes sortes de nuisances ? Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière avait même affirmé qu'il veillera avec le ministre du Travail au suivi du travail de ladite commission et à une meilleure prise en charge des préoccupations des travailleurs, ce qui confirme, selon lui, «l'engagement du gouvernement à traiter les différentes questions professionnelles dans un cadre de concertation avec les différents partenaires sociaux». Dans la dépêche de l'APS du 20 janvier 2018, il était indiqué que «la commission sera composée», ce qui suppose que ses membres n'avaient pas encore été désignés. Nous avions à l'époque, dans ces colonnes, émis le souhait que cette composante, une fois connue, soit rendue publique et qu'un arrêté ministériel — voire interministériel (le département de la Santé étant associé) — soit établi sur les missions et objectifs de cette commission et la liste nominative de ses membres. Là aussi, silence total des autorités publiques concernées. Par ailleurs, même si ce n'est pas dans les «traditions» du gouvernement algérien, il est tout à fait indiqué de fixer et de rendre publique une date butoir à la commission pour la remise de son rapport ou de ses recommandations. Le tout va dans le sens de l'information en direction du public et surtout des premiers concernés par cette question cruciale de la pénibilité. Toujours rien : des dizaines de milliers de futurs retraités continuent à être privés de leurs droits, notamment celui qui consiste à prendre en compte la pénibilité au travail pour faire avancer leur départ à la retraite. Pour rappel, voici ce que prévoit l'article 3 de la loi n° 16-15 du 31 décembre 2016 modifiant et complétant la loi n° 83-12 du 2 juillet 1983 relative à la retraite (parue au Journal officiel n°78 du 31 décembre 2016) : «Le (la) travailleur (se) occupant un poste de travail présentant une haute pénibilité peut bénéficier de la pension de retraite avant l'âge légal, après une durée minimale passée à ce poste. La liste des postes de travail et les âges correspondants ainsi que la durée minimale passée dans ces postes, visés à l'alinéa 1er ci-dessus, sont fixés par voie réglementaire.» La commission a remis son rapport en juin dernier, rapport qui n'a pas été rendu public à ce jour. Du côté du ministère de tutelle —Travail, Emploi et Sécurité sociale —, cette question ne semble pas être inscrite au titre des priorités. Des dizaines de milliers de travailleurs sont toujours en attente de cette «voie réglementaire»… Djilali Hadjadj