Plusieurs dizaines de morts et des milliers de contaminations : le tribut payé par le corps médical dans le combat contre le coronavirus est lourd et risque de s'alourdir davantage, au rythme où vont les choses. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le Dr Mohamed Touat est décédé, hier matin, à l'hôpital de Kouba à Alger, plusieurs jours après avoir été contaminé par le coronavirus au sein de son cabinet médical situé aux Eucalyptus. Selon ses connaissances qui ont annoncé la terrible nouvelle, Dr Touat a maintenu son cabinet ouvert, recevant tous les malades même aux plus forts moments de la propagation de la maladie jusqu'à son infection et son hospitalisation. Il s'agit du énième médecin qui succombe à ce virus qui a déjà emporté quelques dizaines de personnels du corps médical, toutes catégories confondues, et a touché quelques milliers dans différentes structures de santé à travers le pays. Selon le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), Dr Lyes Merabet, le Covid-19 a tué une cinquantaine de professionnels de la santé et a affecté 3 000 personnes. «Le chiffre de référence actuellement, c'est le chiffre annoncé officiellement, il y a 48 heures, par le ministère de la Santé à travers le directeur de la prévention. Il avait annoncé plus de 2 600 cas de professionnels de la santé, tous corps confondus, contaminés et plus de 40 décès. Je pense que par rapport aux décès, on a dépassé ce chiffre qui est actuellement plus de 50 décès entre médecins, infirmiers, agents, ambulanciers des secteurs public et privé et on a un chiffre qui avoisine les 3 000 cas parmi le personnel contaminé», a affirmé Dr Merabet, contacté hier par nos soins. En première ligne de la lutte contre le coronavirus, le corps médical fait face à une situation complètement inattendue et l'affronte comme il peut avec les moyens disponibles dans les structures de santé du pays. Le tribut payé jusqu'à aujourd'hui, plus de quatre mois après le début de la lutte contre le virus, est lourd. Il risque de s'alourdir davantage au rythme actuel. Selon Dr Merabet, «ces chiffres sont à actualiser parce que la situation n'est pas encore réglée et on est en pleine ascension, avec plus de malades chaque jour et plus de contaminations parmi le personnel médical». Pour les raisons de cet état de fait, notre interlocuteur évoque la flambée du nombre des contaminations dans une trentaine de wilayas, les conditions de travail, la tension sur les moyens de protection qui font défaut dans certains établissements et la fatigue physique et morale provoquée par la pression subie durant près de cinq mois maintenant. Depuis l'apparition du virus dans le pays, plusieurs mouvements de protestation, dont le dernier était organisé hier à Constantine, ont été déclenchés au niveau de plusieurs structures pour dénoncer les conditions de travail et le manque de moyens de protection. «Il y a eu des sit-in et des rassemblements mais jamais de grève, car il y a une obligation morale vis-à-vis des citoyens», indique le syndicaliste qui qualifie la situation de «difficile et critique». Lyes Merabet parle de gens à bout de souffle, évoquant le problème de trouver la ressource humaine nécessaire pour remplacer le personnel contaminé. «Il est temps que les responsables au ministère de la Santé, au niveau local aussi, s'occupent plus sérieusement des conditions de travail, de la prise en charge et du suivi médical et psychologique de ces professionnels de la santé, parce que les gens sont fatigués et la situation devient de plus en plus difficile à gérer alors que nous manquons de moyens essentiels, notamment les moyens de protection», a-t-il lancé. Le président du SNPSP a appelé, en outre, à dépister les personnels de la santé qui sont exposés de manière permanente au risque de contamination. Selon lui, le dépistage est aussi un moyen de protection. K. A.