Le virus de la Covid-19 est là. Et l'escalade dangereuse des contaminations est une réalité, à la lecture des derniers bilans communiqués par le comité en charge du suivi de l'évolution de la pandémie du Coronavirus. Le gouvernement déplore le relâchement de la population concernant le respect des mesures barrières et décide de durcir les mesures de confinement afin de contrer la propagation du coronavirus en Algérie à commencer par décréter un couvre-feu de 20h à 5h du matin à partir de mardi. Mais les Algériens sont-ils conscients du danger ? Abdelhalim Benyellès - Alger (Le Soir) - Un tour dans les rues de la capitale, hier, fait ressortir une situation paradoxale. Les citoyens laissent apparaître dans leurs témoignages des appréhensions certaines vis-à-vis de la situation sanitaire qui prévaut dans le pays marquée par la remontée des cas de contaminations, mais le port du masque obligatoire n'est pas généralisé dans les espaces publics. Exceptés les commerces et les administrations publiques, où les mesures sont appliquées à la lettre, la bavette se fait de plus en plus rare dans la rue. Les quelques rares personnes qui la portent, questionnées dans les rues d'Alger sur le sujet, considèrent que le port du masque est obligatoire, voire même inévitable pour contrecarrer la propagation de la pandémie, d'autant plus que la situation tend à s'aggraver eu égard aux chiffres communiqués et aux images diffusées par les télévisions et relayées par les réseaux sociaux. Le relâchement face à la propagation du virus est observé chez la majorité des citoyens dans les lieux publics. Mais le paradoxe réside dans la conscience du danger chez la totalité des citoyens, mais en contrepartie ces derniers ne prévoient aucune mesure de protection. Ce qui explique l'expression symbolique qui dit que «ça n'arrive qu'aux autres». Et pour preuve, un jeune rencontré adossé à un mur à la rue Hassiba-Benbouali, qui grouille de monde comme à l'accoutumée autour des magasins du prêt-à-porter, admet que la situation sanitaire est préoccupante, mais il ne juge pas utile de porter le masque qui représente pour lui une contrainte qui sort de ses habitudes. Néanmoins, il avoue porter une bavette quand il s'apprête à accéder au café du coin. «Les lieux fermés sont plus dangereux pour la propagation du virus», réplique-t-il. Mais c'est sous la contrainte du propriétaire qu'il se conforme à la règle ? Il l'admet bien. En réalité, la pression accrue de ces derniers jours sur tous les commerçants les pousse à se conformer à la loi sous peine de fermeture. Le commerçant, lui, tant du côté du cafetier que du restaurateur, parmi ceux que nous avons questionnés, jettent dans leur ensemble la balle dans le camp du citoyen. «Certes, au départ, nous nous sommes conformés aux mesures édictées par les autorités, grâce à l'adhésion des clients avec l'affichage à l'entrée du commerce, les actions de sensibilisation», nous fait savoir un commerçant. Mais avec l'accalmie qui a été observée tout au long du mois de septembre, les clients sont vite revenus à leurs vieilles habitudes. Plusieurs autres commerçants de Belouizdad et El Anasser avouent qu'ils ont été dépassés par le comportement «irresponsable» des citoyens. «Nous ne pouvions plus les soumettre aux règles de protection contre le virus», explique l'un d'eux. «Oui ça a bien marché au départ, mais par la suite, nous avons été débordés», concède-t-il. «Je crois que pour la réussite de l'application des mesures du port de masque obligatoire et de la distanciation sociale la force de la loi doit être utilisée», avoue un gérant d'une supérette dépité. Mais ce qui saute aux yeux, c'est que depuis l'annonce de l'application des gestes barrières, tout au début, ce sont les officines pharmaceutiques qui ont réussi le mieux à maintenir le rythme. Les pharmaciens adoptent un comportement intransigeant et «irréversible», car sans bavette le client n'est pas servi, observent-on. «La population ne se soumet à la rigueur de la discipline que par les sanctions», lâche Ahmed, un sexagénaire, visiblement outré par l'indiscipline de la population face aux dangers de la pandémie. Notre interlocuteur, un usager des transports publics, témoigne que le port du masque de protection n'est de rigueur que dans le tramway d'Alger et ne l'est pas dans les autres transports urbains, qu'ils soient publics ou privés. Les raisons ? Il évoque la présence policière dans le premier et l'absence dans les seconds. Et c'est dans cette perspective que nous avons questionné les chauffeurs de bus de la station de la place du 1er-Mai. Ils avouent dans leur ensemble qu'ils sont dépassés par le comportement d'insouciance et de relâchement des passagers. «Nous avons beau leur expliquer l'importance des mesures sanitaires, mais il n'en est rien», disent-ils. Un chauffeur nous avoue «franchement» qu'il s'inquiète pour sa propre santé. Sur les lieux, les usagers des transports en commun urbain paraissent déterminés à déroger aux règles édictées par les autorités puisqu'ils persistent à faire fi de toutes les menaces du virus. Ils semblent croire à la devise qui dit que «ça ne peut arriver qu'aux autres», mais sans pour autant le dire ouvertement. A. B.