Arabie Saoudite. L'hostilité affichée par Riadh à l'égard d'Alger, c'est plus sérieux que la crise avec Paris. D'abord parce que depuis 2011, les Saoudiens et leurs alliés du Golfe sont en position de force au sein de la Ligue arabe, au point où c'est avec leur accord que l'Otan est intervenue en Libye et on a vu ce que ça a donné. Et n'eût été la Russie, l'Otan serait intervenue aux côtés des djihadistes syriens contre le régime de Bachar el-Assad. Ensuite, parce que, contrairement aux Occidentaux, les Saoudiens peuvent compter sur leurs réseaux salafistes plus ou moins dormants en Algérie. Enfin, dans son bras de fer avec l'Algérie, le Makhzen peut compter sur l'appui multiforme des Saoudiens et de leurs alliés, y compris pour financer des achats d'armes... Quant à la question du « à quoi jouent les monarchies du Golfe ? » posée ça et là ingénument par certains médias, elle laisse supposer que, jusque-là, les pétromonarchies se tenaient à égale distance entre Alger et Rabat. Ce qui n'a jamais été le cas quand on sait, par ailleurs, que les sommets du Conseil de coopération des pays du Golfe ne rataient aucune occasion d'exprimer leur solidarité avec Rabat sur la « marocanité » du Sahara Occidental. Et si on remonte le temps, a-t-on entendu un jour ces mêmes pétromonarchies et leurs éminents religieux dénoncer la violence terroriste qui frappait l'Algérie dans les années 90 ? Arabisation. Nous n'allons pas revenir sur cette question qui apparaît de manière opportuniste à chaque fois qu'il y a tension entre Alger et Paris. Rappelons seulement qu'il n'y a pas que la Déclaration du 1er Novembre qui a été écrite en français avant d'être traduite plus tard en arabe, déclaration qui commence ainsi : « Peuple algérien, militants de la cause nationale » et non « au nom de Dieu le clément... », ce qui a été rajouté sous Chadli Bendjedid ! En effet, tous les documents fondamentaux du FLN/ALN et du GPRA sont en français ainsi que la quasi-totalité des archives du Mouvement national algérien depuis la création de l'Etoile nord-africaine jusqu'au FLN en passant par le PPA-MTLD ! Ce qui signifie que ceux qui prônent le remplacement du français par l'anglais ont comme une petite idée derrière la tête, entre autres celle d'empêcher les générations actuelles et à venir d'avoir accès aux documents du mouvement national dans leur version originale, à savoir le français ! Soudan. Premier geste du général Abdel Fattah al-Burhane, désormais seul aux commandes du pays : proclamer son appui à la « normalisation avec Israël », escomptant ainsi bénéficier de la bonne grâce de Washington qui a décidé de suspendre les 700 millions de dollars d'aide au Soudan qui fait face à une inflation qui s'élève à 365% ! Israël, qui fait mine de ne pas être concerné par la situation soudanaise, est en fait sur la même ligne que l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'Arabie Saoudite, qui ne voyaient pas d'un bon œil l'émergence d'un modèle démocratique dans la région. En effet, selon le quotidien de la droite extrême israélienne Israël Hayom, des dirigeants israéliens reprochaient au gouvernement civil d'Abdallah Hamdok, réticent à cette normalisation décidée à l'initiative du général Burhane, de n'avoir fait aucun pas vers un échange de mission diplomatique.(1) « Entre les deux dirigeants, écrit Israël Hayom, citant un responsable israélien sous anonymat, c'est Burhane qui est enclin à renforcer les relations avec les Etats-Unis et Israël » ! Voilà qui a le mérite de la clarté. Entre-temps, le Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok et son épouse, qui avaient été arrêtés lundi, ont été ramenés chez eux mardi soir, ce qui en dit long sur le désarroi de la junte au pouvoir. Celle-ci est confrontée à une forte opposition populaire : en plus de la désobéissance civile suivie massivement, plus de trois millions de Soudanais sont sortis exprimer leur refus du coup de force et occupent toujours les rues et places de Khartoum et de plusieurs villes du pays. Et les islamistes sur lesquels comptaient les chefs de l'armée soudanaise ont échoué à mobiliser les Soudanais : à peine plus d'un millier de barbus à manifester leur soutien aux militaires et à espérer une réinstauration du régime militaro-islamiste qui existait sous le dictateur déchu Omar al-Bachir. Reste à savoir, si la pression populaire adossée à une forte pression internationale va finir par ramener les militaires, pas si unis qu'on le pense, à la raison et éviter que le Soudan ne sombre une nouvelle fois dans un état de guerre civile, dans un contexte de crise sociale aiguë, de forte inflation et de pauvreté rampante extrême. H. Z. (1) Le 15 octobre dernier, la ministre soudanaise des Affaires étrangères, Mariam al-Sadiq al-Mahdi, avait affiché son opposition à cette normalisation à laquelle tenait le général al-Burhane.