Par Abdelmadjid Bouzidi [email protected] Les r�centes �meutes qu�a connues notre pays ont �t� expliqu�es, notamment par le gouvernement, par les pratiques des sp�culateurs et notamment des grossistes qui ont s�rieusement perturb� les circuits de distribution de deux produits principalement : le sucre et l�huile. Les prix de ces deux produits ont flamb� et auraient d�clench� le m�contentement des citoyens alg�riens et notamment de la jeunesse. Cette explication est trop simple pour ne pas dire simpliste car qui peut croire que les jeunes seraient si sensibles aux prix du sucre et de l�huile � moins qu�ils ne soient, tous, fabricants de zlabia ! Les jeunes ont surtout exprim� par leur r�volte leur malvie, leur d�sespoir : ch�mage, exclusion, absence de loisirs, aucune perspective d�avenir, alors m�me que le pays n�a jamais �t� aussi riche financi�rement. Un autre facteur a mis aussi le feu aux poudres : la d�cision du gouvernement de faire la chasse aux march�s informels l� o�, pr�cis�ment, beaucoup de jeunes ch�meurs et d�s�uvr�s trouvaient une activit� et surtout un revenu. C�est sur ce ph�nom�ne du secteur informel que nous voulons consacrer aujourd'hui notre chronique. Il est �tabli et aujourd�hui admis par tous les observateurs de l��conomie alg�rienne que les gouvernants de ce pays ont laiss� se d�velopper au cours de ces quinze derni�res ann�es, dans le sillage de l�ouverture commerciale engag�e au d�but des ann�es 90, un secteur informel, un secteur �non structur� ou encore comme aiment � dire les statisticiens, un secteur �non observ� tr�s important. On peut m�me parler, dans le cas de l�Alg�rie, d�une v�ritable �conomie parall�le tant les volumes de marchandises et les masses d�argent qui y circulent sont consid�rables. Ici, en effet, on est loin des d�finitions traditionnelles du secteur informel utilis�es par les analystes du BIT comme un secteurrefuge, un secteur �fourre-tout� utilisant des techniques rudimentaires, des ressources locales et o� la �d�brouillardise� domine. Dans le cas de notre pays, les activit�s informelles, c�est-�-dire ces activit�s en marge de la l�galit� qui �chappent � l�imp�t et qui utilisent des travailleurs salari�s non d�clar�s � la S�curit� sociale et donc non prot�g�s, ces activit�s repr�senteraient aujourd�hui 30 � 40% du PIB, selon les sources statistiques. Si ce taux est v�rifi�, il est tout simplement exorbitant ! La pr�sence et l�expansion des activit�s informelles en Alg�rie sont consid�r�es par certains analystes comme d�passant largement le simple �ballon d�oxyg�ne� offert aux nombreux ch�meurs qui y trouveraient � la fois une occupation et une source de revenus. Il ne s�agit pas en effet, dans le cas de notre pays, seulement de �petits m�tiers�, de �petits boulots� ou d�activit�s artisanales non d�clar�es qui rappellent celles qui pullulent au Maroc ou en Tunisie. Non, en Alg�rie, le secteur non structur� est autrement plus consistant et plus lucratif mais en m�me temps plus pr�dateur pour l��conomie nationale. Dans le secteur commercial par exemple, l�activit� commerciale non d�clar�e, non officielle repr�senterait 35% de l�activit� commerciale du pays. Les ventes sans factures durant la p�riode 2001-2008 ont �t� �valu�es par les services de contr�le � une moyenne annuelle de 35 milliards de dinars ! Et ces m�mes services de contr�le avouent ne pas pouvoir passer au peigne fin toute l��vasion fiscale ainsi g�n�r�e et que, tr�s vraisemblablement, ce commerce sous-terrain est beaucoup plus important. D�j� en 2000 - 2001, le recensement des march�s informels effectu� par l�administration commerciale a permis de d�nombrer quelque 700 march�s ill�gaux sur lesquels activent plus de 100 000 personnes. Cette �conomie informelle a pris naissance dans le sillage du monopole de l�Etat sur le commerce ext�rieur des ann�es 1970 et le d�s�quilibre qu�il engendrait entre l�offre et la demande globale et qui g�n�rait la fameuse �conomie de la p�nurie. La p�nurie a en effet engendr� les march�s parall�les qui �taient admis et qui remplissaient deux fonctions essentielles : 1-/ Ils permettaient � une fraction de la population au ch�mage de longue dur�e de se r�fugier dans des r�seaux de subsistance. 2./ Ils rendaient service aux m�nages et m�me quelquefois aux petites entreprises de se procurer sur ces march�s les biens et les services dont ils avaient besoin et qui n��taient pas disponibles sur les march�s officiels. Aujourd�hui, le secteur informel qui touche m�me au march� des devises renvoie � d�autres enjeux et poursuit d�autres objectifs nettement pr�judiciables � l��conomie : la recherche du profit maximal non d�clar� au fisc, l�utilisation d�une main-d��uvre bon march� et non d�clar�e � la S�curit� sociale, le blanchiment d�argent sale. Mais il faut souligner surtout deux effets bien plus pr�judiciables encore � l��conomie nationale : 1- Ces activit�s de revente en l��tat de produits de qualit� douteuse achet�s � bas prix sur des march�s ext�rieurs non encadr�s exercent une concurrence d�loyale fortement destructrice du tissu de petites entreprises locales. Les activit�s informelles ne s�acquittent d�aucune charge fiscale, ni sociale, n��tant pas l�galement d�clar�es. Les entreprises l�gales sont, quant � elles, des sujets fiscaux et sont soumises � toute la r�glementation r�gissant l�activit� �conomique et la protection sociale. Une observation m�rite ici d��tre soulign�e : m�me lorsqu�ils sont immatricul�s au registre du commerce, les op�rateurs �conomiques alg�riens font de l�informel : ils r�alisent pr�s de 50% de leurs chiffres d�affaires en commercialisant des marchandises d�importation non d�clar�es, non tax�es et non saisies au plan fiscal provenant du fameux �commerce de la valise�. 2./ Le second pr�judice est subi par le Tr�sor public puisque des activit�s qui g�n�rent des plus-values �chappent au fisc et ne font b�n�ficier la collectivit� nationale d�aucune contribution financi�re. Le manque � gagner pour le Tr�sor public est consid�rable : si l�on en croit le service des imp�ts, le secteur �conomique priv� ne contribue qu�� hauteur de 06% du PIB dans la fiscalit� ordinaire alors qu�il produit 80% de la valeur ajout�e globale hors hydrocarbures. L�expansion � un tel rythme du secteur informel d�truit totalement l�argument majeur qui le justifiait jusqu�� maintenant : procurer du travail aux nombreux ch�meurs. En effet, un secteur informel d�une telle ampleur d�truit plus d�emplois qu�il n�en cr�e puisqu�il exerce une telle concurrence d�loyale sur les entreprises d�clar�es qu�il les oblige � �baisser le rideau� en m�me temps qu�il d�courage tout nouveau promoteur � cr�er une entreprise. Cet argent facile fait de superprofits encourage la d�rive bazarrie de l��conomie au d�triment de l�investissement productif. Mais, dans le m�me temps, d�cider de mani�re p�remptoire de faire la chasse aux march�s informels, les �radiquer c�est donner un coup de pied dans la fourmili�re ou, comme on dit chez nous, �aller fouiner dans le nid de gu�pes�. La r�gularisation des march�s se pr�pare, la chasse aux �petits revendeurs � ne peut se faire dans l�ordre que si, parall�lement, on a pr�vu �autre chose� pour tous ces jeunes d�s�uvr�s : l�Ansej ne peut pas prendre tout le monde, les centres de formation professionnelle sont pleins � craquer, l�emploi offert est en quantit� bien insuffisante. Alors, certes non � l�informalisation de l��conomie mais dans le m�me temps, non � des mesures qui laissent les jeunes sur le bord de la route !