Les �v�nements politiques, m�me circonscrits, ne peuvent � eux seuls venir �tayer la raison sociale profonde d'un peuple ou d'une r�gion. Il leur manquera toujours le regard port� sur soi et l'autre, que seule la litt�rature pourrait percevoir en situant historiquement une soci�t� � travers les �poques. M�me s'il est admis, comme l'explique Rachid Boudjedra dans un syllogisme parfait, que "tout acte humain est politique. La litt�rature, �tant par d�finition une production humaine, devient donc un acte politique". Il restera que pour l'un et l'autre, la fin est loin d'�tre la m�me. La litt�rature est, en outre, un moyen qui favorise le contact historique par le truchement de la communication pour des fins didactiques � dimensions multiples. Rachid Boudjedra mystifie la litt�rature de l'exil en lui opposant l'exemple tr�s illustratif d'une litt�rature localiste, celle de W. Faulkner, qui a pu transformer la litt�rature � partir de son terroir, Jefferson, en universalisme. Certes, mais c'est l� une exception qui viendrait peut-�tre confirmer la r�gle. Au travers de Max Aub et bien d'autres, tel Ernest Hemingway, la litt�rature de l'exil poss�de incontestablement l'avantage de l'inspiration au spectre plus large. Mais d'abord qui est Max Aub et quelle relation a-t-il pu avoir �troitement avec la ville de Djelfa, 30 ans apr�s sa disparition ? Sans risque d'�tre repris, Max Aube demeure, � ce jour, un personnage enti�rement m�connu dans la r�gion de Djelfa. Il y a des probabilit�s qu'il le soit �galement dans le milieu universitaire. Pour l'instant, tout ce que l'on conna�t de ce personnage pr�sent� comme un po�te et �crivain d'expression espagnole est qu'il renvoie � tout un pan de l'histoire de la r�gion, ayant personnellement v�cu, au contact des autochtones, les affres de la d�portation coloniale avec une diaspora espagnole pour leurs id�es r�publicaines. C'�tait au d�but des ann�es 1940, dans un camp militaire � Djelfa, pr�cis�ment � A�n S'rara dont la contrepartie en langue fran�aise reste impr�cise en raison qu'elle pourrait signifier : source des secrets, source des charmes ou encore source des baluchons � loques. Du fait que le camp de d�tention colonial y �tait implant�, l'on est enclin � privil�gier la premi�re variante en ce sens qu'elle viendrait justifier la mise aux oubliettes des prisonniers, loin des regards indiscrets. Mais habituellement, lorsque cette p�riode des ann�es 1940 est �voqu�e, c'est plut�t le nom de Roger Garaudy qui revient imm�diatement � l'esprit. Ce qui explique aujourd'hui, selon certains, qu'il n'y a aucune commune mesure entre les deux hommes de lettres pourtant compagnons d'infortune � la m�me �poque � Djelfa. Ce ph�nom�ne presque logique et � la limite du raisonnable tient naturellement de la pr�pond�rance du champ culturel fran�ais sur tout autre, � part �videmment celui de la culture originelle et vernaculaire. Par rapport � l'universalisme, il convient donc d'en d�duire que c'est l� une vision bien �triqu�e de l'approche litt�raire. D'autant plus que le concept de litt�rature est en soi incoh�rent et riche en acceptation. Ce qui devrait, au contraire, inciter chacun � la diversification de son univers cognitif. Mais, tant ce domaine est av�r� tr�s ardu, car requ�rant des fondamentaux complexes que ne poss�dent que les sp�cialistes de la discipline, il restera tout au moins pour satisfaire un quelconque besoin de lecture de simplifier et de r�duire l'acte de lire � une praxis sociale. Le lecteur �tant �galement historique, il doit par cons�quent s'int�resser � l'aspect anthologique d'une œuvre litt�raire, de surcro�t lorsqu'elle traite d'un �v�nement en rapport avec sa r�gion natale. Aussi bien Max Aub que Roger Garaudy, ils ont tous les deux un point commun qu'est la ville de Djelfa, au-del� de la consonance qu'ont le patronyme et le pr�nom de l'�crivain qui laisseraient faussement croire � une origine fran�aise. Apr�s son �largissement, Max Aub rejoint le Mexique fuyant Franco et P�tain, pour se consacrer � son violon d'ingres, la po�sie. Il aura laiss� derri�re lui un souvenir intarissable sous forme de deux ouvrages, l'un intitul� Diario de Djelfa et l'autre Cim�tiaro de Djelfa. Les �bauches de ces deux chefs- d'œuvre ont �t� effectu�es pendant sa d�tention, � l'insu des gardes, notamment le commandant Caboche, un intraitable soldat sanguinaire. Le premier livre est une compilation de po�mes d�di�s aux autochtones que l'auteur d�crit dans son ouvrage comme de braves et fi�res gens bien qu'en proie � la mistoufle. Le deuxi�me livre d�peint avec une pr�cision �tonnante le cimeti�re chr�tien de la ville de Djelfa. Tout y corrobore : architecture des lieux, disposition tombale jusqu'aux �pitaphes. Certains �chos lui font attribuer un troisi�me ouvrage toujours li� � son v�cu carc�ral � Djelfa et qui porte le titre Le calvaire. Max Aub c�toya Andr� Malraux, Ernest Hemingway et fut surtout l'ami intime de Pablo Picasso. Ils �taient tous les trois des partisans irr�ductibles de la cause r�publicaine pendant la guerre de 36 en Espagne. La m�moire collective de la r�gion de Djelfa ne retient que tr�s peu d'indices sur son histoire que l'on compare � un tr�sor culturel inestimable sur le plan litt�raire. D'o� l'�vidence doubl�e de la curiosit� acad�mique de remonter l'histoire en �tudiant son patrimoine que la culture universelle r�clame du fond de l'amphith��tre de l'universit� de Bouzar�ah par le biais de Mme Saliha Zerrouki, enseignante au d�partement des lettres espagnoles. C'est justement gr�ce � cette dame g�n�reuse et dispos�e � prodiguer son savoir que nous avons appris � conna�tre Max Aub. Elle reconna�t elle-m�me n'avoir eu connaissance des œuvres de Max Aub que tout r�cemment gr�ce � une �crivaine espagnole qu'elle a rencontr�e par inadvertance lors de son voyage en Espagne. Elle re�ut d'elle d'ailleurs le livre de Diario de Djelfa, en guise de pr�sent pour l'immense bont� alg�rienne � travers son accueil chaleureux des r�fugi�s espagnols au milieu du si�cle dernier. D�s lors, notre universitaire ne d�sempare pas de traduire les œuvres litt�raires de Max Aub dans la langue fran�aise et d'envisager conjointement avec A. Kheireddine, un chercheur ind�pendant local, la mise sur pied d'un colloque international sur la personnalit� et la production litt�raire de cet auteur. Un avant-projet de ce s�minaire � petit budget a �t� d�pos� — ou cens� l'�tre — entre les mains du wali de Djelfa depuis le mois d'octobre, mais depuis, aucune r�ponse ! Faut-il rappeler le gratin invit� � ce titre et qui devrait en principe ne laisser insensible aucune autorit� locale. La liste que proposent les organisateurs de ce colloque va de Roger Garaudy � Cherif Rahmani, pr�sident de la fondation World Desert, en passant par la fille de l'�crivain Helena, les fondations Max Aub de Segorbe et Mexico, d'Andr� Malraux � Paris, du directeur du centre Cervant�s � Alger, des maires de Valence et de Castallon, des recteurs des universit�s d'Alger et d'Oran, de Son Excellence l'ambassadeur d'Espagne en Alg�rie... Tr�s enrichissante participation de prime abord. Cet �v�nement, s'il venait � avoir lieu � Djelfa, fief historique, jetterait les premi�res bases d'une volont� culturelle qui irait ensuite � la recherche d'une sommit� locale en litt�rature, en l'occurrence Cheikh Ben Brahim, qui alliait merveilleusement l'�pique et le lyrique sans les mettre en opposition. Ce personnage, �galement d�c�d�, est m�connu de beaucoup de ses concitoyens. De son vivant, il avait �t� maintes fois prim� par des fondations du Liban et d'Egypte. Mme Saliha Zerrouki tient toujours � r�ussir son entreprise intellectuelle, alors tentons de lui offrir ainsi qu'� tous les initi�s de la discipline la chance de nous instruire sur ce que nous sommes cens�s savoir et que nous ignorons par absence de tradition culturelle !