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ELLE EST UN REPÈRE HISTORIQUE, UN CAPITAL POUR L'ECO-TOURISME ET UN HABITAT POUR CERTAINS ANIMAUX SAUVAGES
Bouzegza, une citadelle révolutionnaire saccagée : la mémoire nationale souillée
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 10 - 2016


Enquête réalisée par Abachi L.
«A-t-on besoin de concasser les ossements de nos chouhada pour fabriquer du gravier et du béton ?» C'est la question que nous a posée Amrouche Saïd qui, sous la contrainte des fusils des soldats français, avait jeté les corps de chouhada du haut de kef (falaise) Boukerdane comme furent également jetés, parfois en vie, au même endroit, d'autres combattants de l'ALN. Nous transmettons la question à qui de droit. Bouzegza n'est pas n'importe quelle montagne. C'est un haut lieu où la grandeur des hommes, lesquels ont consenti l'ultime sacrifice à la dignité de leur peuple, et le prix de la liberté prennent tout leur sens. «Fi Djebel Bouzegza, ki djate frança testehza...», chantaient, dans les pénibles moments qu'a traversés le pays, les femmes et les enfants pour donner du courage aux moudjahidine. Une autre fois, Bouzegza subit le martyre.
«Nous ne réclamons pas le droit de propriété sur les terres de cette montagne comme nous accusent certains. Ces terres sont la propriété de tous les Algériens», disent les jeunes de l'ancienne Tala-Khelifa – actuellement Keddara-Bouzegza — et de Takheroubt- Kherrouba — qui se révoltent contre le saccage de cette majestueuse montagne, citadelle de la Wilaya IV. Ces jeunes sont sous la menace d'une condamnation à la prison alors qu'ils tentent d'empêcher la destruction à coups de dynamite de cette montagne et de sa richesse morale et environnementale. Le massif de Bouzegza se singularise pour plusieurs raisons géologiques et paléontologiques. «Cette montagne est victime des effets pervers de la loi minière de 2014 qui offre, gratuitement, le pays aux pilleurs. Le programme présidentiel de développement ne justifie pas cette destruction», nous souffle un haut responsable. Tout le monde est conscient de ce massacre et le dénonce en aparté, mais aucun responsable n'ose le dire publiquement.
Le sud de Boudouaou, une région où sévissent la hogra, la frustration et l'instabilité
A vrai dire, nous sommes montés plusieurs fois à Keddara-Bouzegza dans le sud de la daïra de Boudouaou, pour répondre à l'invitation pressante des jeunes de deux localités suscitées pour relayer leur cri de colère. «Cette montagne est un repère pour l'Histoire de notre pays. Elle ne mérite pas le sort qui lui est réservé par l'affairisme, le pillage des ressources de la région, la destruction massive et acharnée qui est menée contre des espèces de faune et flore rares comme les singes macaques (magot ou macaca sylvanus, ndlr). Tout cela se fait avec la complicité, passive ou active, des hautes institutions de l'Etat», disent ces jeunes opposants à l'installation de nouvelles carrières. Un jeune de Keddara ne cache pas son dépit. «Pourquoi la presse ne fait rien pour alerter l'opinion publique?» Depuis des années, les jeunes de la localité résistent pacifiquement contre cette destruction. Au vu des immenses dégâts enregistrés ces derniers mois, cette résistance s'est accentuée, mais la machine politico-financière menace de les broyer et de les jeter en prison. Nous avons consacré plusieurs jours pour récolter des déclarations, des responsables de l'Agence nationale des activités minières (Anam), des directions exécutives de la wilaya de Boumerdès concernées par ce problème, des techniciens, des membres de la société civile de Keddara/Bouzegza. Nous sommes repartis au pied du djebel Bouzegza en compagnie d'anciens moudjahidine et d'un fils de chahid pour certifier leurs témoignages au sujet de la présence de tombes et d'ossements de chouhada de la guerre de Libération dans les périmètres concédés aux exploitants de carrières. Fasciné par les récits des anciens maquisards nous avons même tenté, sans aller au bout, d'escalader une partie de Kef Boukerdane.
«A-t-on besoin de concasser les ossements de nos chouhada pour produire du gravier et du béton?»
«A-t-on besoin de concasser les ossements de nos chouhada pour produire du gravier et du béton ?» C'est par cette question que Saïd Amrouche, né le 17 avril 1944 à Keddara-Bouzegza, alors qu'elle s'appelait Tala-Khelifa, clôtura son témoignage fait au sommet de Kef Boukerdane. Il n'est pas le seul à être choqué par ce piétinement de la mémoire de la région. Pour Saïd Amrouche, il ne fait aucun doute, toute la terre de Bouzegza est semée de corps de chouhada puisque lui-même en est un témoin et un acteur, qui y a, sous la contrainte, jeté des corps de chouhada. «Des moudjahidine assassinés ailleurs et dont les corps ont été ramenés vers Tala-Khelifa . Un jour de juillet 1960, j'étais réquisitionné pour les travaux obligatoires (la corvée, ndlr) et les soldats français ont également réquisitionné 3 habitants de Tala-Khelifa qui sortaient de prison. En début de soirée, sous la menace des armes des soldats français, nous avons mis trois corps de chouhada dans un camion de l'armée. Nous étions terrorisés. Nous pensions que les soldats allaient nous exécuter. Les gens qui nous ont vus pensaient également que nous allions être tués d'autant plus que mes trois compagnons de malheur venaient tout juste de sortir de prison. Une fois arrivés à cet endroit, il y avait environ 6 véhicules. Les soldats encerclaient les lieux et avaient installé deux mitrailleuses lourdes. Je vous rappelle que les trois chouhada sont tombés au champ d'honneur quelques jours auparavant, lors d'une bataille qui s'est déroulée au lieu-dit Amstache, toujours dans la zone de Bouzegza. Les soldats nous ont donné l'ordre de jeter les trois corps à cet endroit.» Ce témoignage a été fait en présence de plusieurs personnes de Keddara, au sommet de Kef Boukerdane. Kef Boukerdane fait partie, notons-le, d'un périmètre déjà attribué, d'une carrière. Les jeunes de Keddara s'y opposent fermement. Ce n'est malheureusement pas les seuls corps de chouhada ou moudjahidine jetés de cette falaise. «Les gens qui disent qu'il n'y pas de chouhada ne disent pas la vérité.» Saïd poursuit son récit : «Sur cette montagne (le mont central Bouzegza en face Kef Boukerdane, ndlr), il y a eu, durant l'année 1957, une grande bataille. Beaucoup de victimes ont été malheureusement enregistrées dans les rangs de l'ALN. L'armée française avait encerclé la région et mis le feu à la forêt. Il y avait des blindés et un grand nombre de militaires qui n'attendaient que les moudjahidine sortent de la forêt pour les mitrailler sans discernement. La bataille a duré toute la journée. Les moudjahidine qui ne sont pas morts par les armes ont été rattrapés par le feu. Je ne peux pas avancer un chiffre. D'ailleurs personne ne le sait. Le lendemain, l'armée française a regroupé la population (hommes, femmes et enfants). Des gens soupçonnés d'aider les moudjahidine ont été arrêtés, certains auraient été assassinés sur place. Durant la nuit du lendemain de cette bataille, les sages de Tala-Khelifa, entre autres Kebir Allel, Kebir Mohamed et Lemridh Mouloud, ont fait appel à la population. Ils nous ont dit : ‘'Aujourd'hui il n'y a ni vieux ni jeunes. Vous voyez ce qui se passe ? Il y a beaucoup de morts. Nous allons faire des recherches pour enterrer ceux que nous trouverons.'' Mais notre tâche était difficile de nuit sur un terrain noirci par l'incendie. Il y a des chouhada partout dans cette montagne. Les accrochages se déroulaient presque quotidiennement. » Lui qui a vécu ces drames et ces batailles dans cette région, que pense-t-il de ce nombre élevé de carrières ? D'une voix grave il nous dira : «A mon avis s'il y avait une justice, il ne devrait pas y avoir de carrières sur cette montagne. Elle restera à l'Histoire. Il nous reste que les ossements de nos chouhada à concasser pour produire du gravier et du béton ?! C'est inimaginable chez quelqu'un de sage et sensé ! C'est scandaleux et honteux ! Honte à celui qui a donné son accord et signé les papiers !» Un peu plus tard, Saïd Boumelil, 91 ans, ancien moudjahid de l'ex-Tala-Khelifa, confirmera les dires de Saïd Amrouche au sujet des 3 chahids jetés de la falaise et apportera plus de précisions sur la bataille de 1957. «Dans la montagne où l'on jette maintenant de la terre et de la roche, il y a 39 chahids enterrés en 1957.» «Dans la vie il y a trois choses fondamentales : il y a les chouhada, les moudjahidine et l'Histoire. Si on enlève ces trois éléments, que nous restera-t-il ?» Le cri de colère de Messaoud Labandji, 68 ans, dont le corps du père, tombé au champ d'honneur en 1960, a été jeté du haut de la falaise de Boukerdane est à la mesure de ce qu'il considère comme une trahison. «Je ne pardonnerai jamais aux responsables qui ont accepté qu'une telle chose arrive sur cette montagne.» Concédons aux deux vénérables moudjahids et au fils de chahid que les responsables qui livrent cette montagne à la destruction n'ont jamais consulté les articles 2, 51, 54 et 53 de la loi 99/07 relative au moudjahid et au chahid, notamment son aspect sur la protection des lieux où se sont déroulés des faits d'armes de l'ALN.
Bouzegza, une beauté naturelle et un immense musée de la guerre de Libération
Le massif montagneux de Bouzegza est situé au sud de la plaine de Boudouaou, dans le centre de la wilaya de Boumerdès, à la fin de la partie orientale de la Mitidja. Il est, en termes géologiques, la continuité des monts blidéen et médéen, disent les géologues. Sur la crête du mont central Djebel Bouzegza, l'altimètre indique, d'après un technicien des forêts de Boumerdès, 1047 mètres. C'est un massif rocailleux très accidenté. Il est, avec le mont de Djerrah, à une dizaine de kilomètres à l'est, dans le sud de Tiza (Ammal) et l'entrée des Gorges de Ammal (anciennement gorges de Palestro), le haut lieu de la Wilaya IV historique et du célèbre commando Ali Khodja ainsi que d'autres grands chefs de cette wilaya historique. C'est un massif montagneux porteur d'un symbole. Il est un point stratégique pour le FLN/ALN car il représente le trait d'union entre la Wilaya III et la Zone autonome d'Alger. D'ailleurs les extrémistes islamistes ont tenté vainement de manipuler cette symbolique en proclamant dans les années 1980 à Bouzegza la création du MIA (Mouvement islamique armé). La résistance citoyenne et les efforts des corps constitués du pays ont fait échouer le projet des islamistes. La richesse environnementale y est indéniable. Ce qui constitue un potentiel touristique. D'ailleurs l'aménagement d'une zone d'expansion touristique (ZET) a été inscrit dans le programme de la direction du tourisme de la wilaya. Mais ce projet sera inutile. On imagine mal des opérateurs sérieux consentir des investissements dans un lieu recouvert tous les jours d'un nuage de poussière, au milieu des vacarmes et des secousses provenant des explosions et le carrousel en H24 de gros camions surchargés. «A terme, c'est la condamnation à mort certaine de notre économie locale», fustigent les jeunes de Tala- Khélifa. L'ancienne Tala-Khelifa et l'ancienne Takheroubt vivent au rythme de ce massacre écologique béni en haut lieu.
Sur les monts de Bouzegza vivent des espèces endémiques rares comme le singe magot. «Il y a trois groupes qui comptent chacun entre 40 à 50 individus qui vivent sur les monts de Bouzegza», atteste Taki- Eddine, le jeune photographe de Tala-Khelifa, également passionné par la nature. Taki-Eddine se compte parmi les opposants aux carrières. Il fait partie du groupe de personnes harcelées par les services de sécurité, la justice et ceux qui ont pris le parti de l'enrichissement au détriment de la nature, du développement durable de la région et des citoyens qui s'accrochent à leur montagne. Il risque comme ses amis de se retrouver un jour ou l'autre en prison pour cette opposition.
Envasement du barrage de Keddara et destructions écologiques massives et irréversibles
A hauteur de Kaf Boukerdale, les citoyens de Tala-Khelifa nous ont montré comment le barrage de Keddara, qui alimente les wilayas d'Alger et Boumerdès, s'envase à cause des carrières. L'une d'elles, appartenant à l'Entreprise nationale des produits miniers non ferreux et des substances utiles (Enof), a été creusée sur le flanc est du mont central de Bouzegza. A coups de dynamite ou d'engins, cette entreprise déverse des milliers de tonnes de terre et de roche chaque jour sur l'oued Bouzegza qui alimente le barrage. Une fois la matière arrivée après avoir dévalé une centaine de mètres, détruisant tout sur son passage, les agents de la société récupèrent la roche qu'ils transportent vers l'unité de concassage. La terre inutile est laissée dans l'oued. Dès que les crues surviennent, cette terre est charriée directement dans le barrage. Les mêmes matériaux extraits de la montagne et jetés en contrebas par l'Enof recouvrent une petite source thermale que les habitants de Thala Khelifa appellent «hammam ledjrab». Ces derniers attestent que cette eau est très bonne pour des maladies de la peau et qu'autrefois, cette source était la destination des personnes atteintes de ces pathologies. En la matière, l'Enof viole distinctement l'article 36 de la loi 83/03 portant protection de l'environnement, notamment dans son volet portant protection des eaux (pollution du barrage et de la source). Et c'est le dégât (pollution du barrage) que causent toutes les carrières. De plus elles violent toutes les articles 8 et 9 concernant la protection des espèces animales et végétales par cette loi. Précisément, l'Enof creuse, par ailleurs, pas loin d'une immense grotte appelée Ghar Ifri. Aux dires des citoyens, cette grotte aurait abrité un hôpital de l'ALN et de nombreux chahids y sont enterrés. L'ampleur de la destruction y est aisément quantifiable. Et pour cause les 16 carrières en activité – 4 autres démarreront bientôt – sont attributaires de plus de 1033,7 hectares auxquels ils faut ajouter pratiquement 1000 autres de superficie de servitude (accès, stations de concassage, aires de stockage, bâtiments techniques...). Selon Abdelhalim Khatir, chef d'antenne régionale de l'Agence nationale des activités minières (Anam), les 16 carrières de Bouzegza ont produit, en 2015, plus de 2 millions 500 000 (2 587 825,38) mètres cubes d'agrégats de différents calibres. Ce sont les quantités recensées par cette agence. Il est certain que ce n'est pas la réalité et que pour échapper au fisc certaines entreprises privées, notamment, ne déclarent pas leur production réelle. Pour produire les 2,5 millions d'agrégats déclarés, il est nécessaire de creuser et d'extraire de la montagne le double, voire le triple de roche, de terre et de végétation. On peut donc mesurer l'ampleur des dégâts. Ces destructions ne rapportent que des miettes, parfois rien aux collectivités locales et à l'Etat. «Des carrières nous ne tirons qu'un milliard 500 millions de centimes par an. Nous leur laissons cet argent, qu'ils nous laissent tranquilles », nous dira le maire de Keddara.
Attributions opaques, absence de contrôle et violation des lois
Lorsque nous nous présentâmes au niveau de la Direction de l'énergie et des mines (DEM) de Boumerdès, pour avoir quelques informations, le directeur, Abdelkader Hor, s'est contenté de nous nous affirmer qu'il existe 19 carrières en activité dans toute la wilaya de Boumerdès, mais le suivi est désormais à la charge de la Direction de l'industrie. Au niveau de cette dernière institution, sa directrice nous a rétorqué qu'elle n'a reçu, depuis la création de la structure qu'elle dirige, aucune passation de consignes malgré ses rappels. En clair, elle n'a aucune information sur les carrières de la wilaya de Boumerdès. La question a été donc posée au cabinet du wali qui nous a répondu, par le biais de la cellule de communication, que le suivi échoit à la Direction de l'énergie et des mines. Notre objectif à travers ces consultations était de savoir comment sont attribués les permis d'exploration et d'exploitation. Notre curiosité à ce sujet est restée insatisfaite faute de réponse. Les autorités serait-elles gênées par nos questions et ces questions dérangeraient-elles des intérêts financiers ? Au niveau de la Direction de l'environnement et celle des forêts directement concernées par le dossier, nous n'avons non plus pas obtenu d'informations. Le refus de communiquer sur le sujet équivaut au viol de l'article 7 de la loi (03/10) portant protection de l'environnement, lequel article impose aux acteurs impliqués dans le domaine environnemental de communiquer. Plus grave, le commun des mortels constatera que l'Etat ne met pas en exécution l'article 54 de la Constitution qui garantit aux citoyens – résidant dans les territoires des communes de Keddara, Bouzegza et Kherrouba – un environnement sain. Les citoyens de Takherroubt et de Tala-Khelifa Khelifa constatent par ailleurs que l'Etat viole l'article 17 du texte fondamental du pays en négligeant, dans leurs localités, la protection des ressources naturelles de la collectivité, notamment les ressources forestières, hydriques, animalières, agricoles et éco-touristiques. S'agissant des études d'impact versées dans les dossiers d'acquisition du droit d'exploitation des carrières, tout le monde le sait, les BET font tout simplement du «copier-coller». Aucun technicien de ces BET ne s'est jamais déplacé jusqu'à Bouzegza pour voir de visu le site destiné à la carrière. Selon une source institutionnelle, aucun projet de carrières considérés comme des établissements classés n'a fait l'objet d'enquête publique appelée communément enquête commodo et incommodo comme l'imposent les articles 3 et 9 du décret exécutif numéro 98/339 qui ne sont pas abrogés par le décret exécutif 6/198. Ces décrets régissant les autorisations d'exploitation des installations classées accordent le droit aux citoyens de donner leur avis ou de s'opposer pacifiquement à l'installation d'une entité classée dans leur localité, et ce, dans le cadre institutionnel. Un bon juriste démontrera, en outre, que les articles 10,11 et 13 du premier décret ont été violés par l'autorité de la wilaya étant donné que la majorité des autorisations d'exploitation ont été délivrées par elle. Quant à l'antenne de Boumerdès de l'Anam qui couvre 3 wilayas (Alger, Boumerdés et Tizi-Ouzou) elle n'a pas l'effectif nécessaire pour effectuer un suivi et le contrôle rigoureux de l'exploitation des carrières.
Au final, la wilaya de Boumerdès est devenue un territoire morcelé qu'on se partage
Les pouvoirs publics disent que la wilaya de Boumerdès a une triple vocation. Elle est en effet versée dans l'agriculture, le tourisme et la pêche. Les investisseurs sont par conséquent sommés d'envahir cette région. Ces trois secteurs sont les plus sensibles à l'environnement et ne sont durables que si cet environnement en général et l'écologie de la région en particulier sont stables. Ce n'est malheureusement pas le cas. La faute incombe entièrement aux pouvoirs publics qui font le contraire de leur engagement. La wilaya est en effet livrée, en partie, par ces pouvoirs au pillage de son sous-sol et à la destruction de son aire écologique utile à la production agricole et touristique. On relève malheureusement le silence, dans certains cas précis, complice, des élus (APW, APN et Senat). Comment peut-on concevoir que dans une wilaya de 1 456,16 km2 à vocation agricole, aquacole et touristique, et qui compte presque 1 million d'habitants, on puisse installer 41 carrières – la liste ira en augmentation —pour extraire principalement des millions de mètres cubes d'argile, d'agrégats et de tuf ? A ces 41 carrières disposant d'autorisation, il y a lieu d'inclure une dizaines de carrières clandestines situées en piémont ( Zemmouri- Thénia) ainsi que le pillage de sable marin qui se déroule quotidiennement dans les plages des 10 communes du littoral de la wilaya et de l'oued Sebaou, dans la plaine de Baghlia. Tout le monde laisse faire. Durant la décennie noire, le pillage de sable a été régi par les islamistes armés du GSPC puis d'Aqmi qui a monté de véritables services commerciaux le long du littoral de la wilaya. Les revenus ont été donc mis à contribution dans les préparatifs des dizaines d'attentats et d'assassinats de citoyens et de membres des corps de sécurité. Qui rackette actuellement les pilleurs de sable ? Pour revenir aux carrières clandestines, selon nos informations, rien qu'en 2016, les agents de l'Anam— cette agence ne gère pas les espaces du littoral et les lits des oueds — lesquels agents ont la qualité de police judiciaire ont remis 10 PV de constat d'installation et d'exploitation de carrières clandestines aux tribunaux de Bordj-Menaïel, Boudouaou et Boumerdès. Pour rappel, l'article 144 de la loi minière fait obligation aux autorités administratives, sécuritaires et judiciaires de prêter main-forte aux agents de l'Anam pour mettre fin au pillage et déférer les fauteurs devant les tribunaux. Par ailleurs, des sources sûres nous ont fait part de l'implication de certains responsables politiques et exécutifs locaux dans cette filière de carrières clandestines. Il y a quelques années, Chakib Khelil, alors tout puissant ministre de l'Energie et des Mines, avait signé de ses mains, sans l'avis des autorités locales, une autorisation d'exploration suivie tout juste après d'une autre d'exploitation de tuf sur un terrain des services des forêts. Ces services venaient tout juste de dépenser 1 573 936,65 DA pour le mettre en valeur et y implanter des arbres fruitiers (Le Soir d'Algérie du 24 mai 2005) Les services des forets ont tenté de s'y opposés, y compris par voie judiciaire, mais ils ont eu affaire à plus puissant que la loi. De tels exemples sont légion dans la région. Au final, la wilaya de Boumerdès est devenue depuis longtemps une aire morcelée qu'on offre aux copains.


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