Hafidh est l'aîné d'une famille modeste et très nombreuse. La trentaine révolue, un look très décontracté et un caractère bien forgé. Il a raté son bac et juré de ne jamais plus le repasser, malgré son bon niveau scolaire. Son souci, venir en aide à son père, ouvrier de son état, qui ne pouvait plus subvenir aux besoins de ses enfants. Hafidh frappa à toutes les portes pour dénicher un petit boulot, en vain. Il décida un jour d'installer une table de fortune à proximité de l'entrée d'une cafétéria, en plein centre-ville de Tissemsilt. Outre les cigarettes, sa table était bien achalandée de friandises en tous genres. Il lui arrivait même de proposer des produits de qualité à ses fidèles clients (parfum, lunettes, briquets, stylos...). Très débrouillard, Hafidh ne ratait aucun marché hebdomadaire de toute la région et se déplaçait même vers les grandes villes (Alger, Oran, Blida...) pour s'approvisionner. Il avait beaucoup de goût dans le choix de tout ce qu'il offrait à ses clients. Quiconque avait besoin de choisir un cadeau n'avait qu'à se diriger vers sa table et il était servi comme un roi. Petit à petit, son petit commerce florissait. Qu'il vente ou qu'il pleuve, il était toujours là, derrière sa table, dès les premières lueurs du jour, et jusqu'au coucher, aidé soit par son frère Mohamed soit son regretté père afin de lui permettre de se reposer un peu. Il était connu pour son sérieux et son amabilité. Même les policiers ne l'ont jamais inquiété, tellement il était apprécié de tout son entourage. Il avait aussi quelque chose de bien particulier et qu'on ne retrouvait pas chez les autres jeunes exerçant la même activité. Il n'a jamais oublié d'acheter son journal préféré. En effet, toutes les personnes qui fréquentaient la cafétéria l'observaient quand il servait un client, et, un stylo à la main, il remplissait la grille géante de mots croisés. Très cultivé, il n'hésitait jamais à aborder avec aisance et assurance une question d'actualité. A l'image d'un véritable cruciverbiste, il arrive à compléter facilement n'importe quelle grille de mots croisés. Toujours élégant et souriant, on ne l'avait jamais vu se quereller avec quiconque, même avec les clients les plus nerveux ! Son amour pour le travail et son sérieux l'éloignèrent de l'ennui, du vice et du besoin... Il put, en quelques années seulement, se débarrasser de sa table et louer un petit local dans une rue très fréquentée et réussit là aussi à rendre son commerce florissant et ses fidèles clients ne l'ont jamais abandonné, ceux-là à qui il n'a jamais refusé une vente à crédit quand ils le lui demandaient. Un jour, ayant remarqué sa réussite, le propriétaire du local lui demanda de quitter les lieux le plus vite possible. Il ouvrit le même commerce que Hafidh, mais ne réussira pas. D'ailleurs, il baissa rideau très vite. Hafidh prit son mal en patience, galéra pendant plusieurs mois à la recherche d'un nouvel espace sans succès. Entre-temps, il mit la main dans ses économies pour amortir plus ou moins le coup qu'il avait reçu. Un jour, il eut le courage de participer aux enchères organisées par l'OPGI et bénéficia d'un bail de location d'un local spacieux et bien situé. Il le divisa en deux parties, l'une pour lui où il continua à exercer le même métier et l'autre pour son frère Mohamed pour lui permettre de créer son propre commerce. Il en est actuellement propriétaire. Eh oui, sa volonté, son abnégation et son sérieux dans tout ce qu'il entreprenait l'ont mis sur la bonne voie. Et tout est bien qui finit bien. Hafidh aida ses petits frères et sœurs à terminer leurs études, reconstruisit leur vieille maison, offrit même une omra à ses parents et mit toute sa famille à l'abri du besoin.