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YAHIA ZOUBIR, PROFESSEUR EN RELATIONS INTERNATIONALES ET MANAGEMENT �Le Maroc s�est ridiculis� en accusant le Polisario d��tre une organisation terroriste�
Le professeur Yahia Zoubir est expert en relations internationales et en management, mati�res qu�il enseigne � l��cole de management Euromed de Marseille. Rencontr� en marge des 3es Journ�es d��tudes parlementaires sur la D�fense, ce sp�cialiste en g�opolitique eurom�diterran�enne et maghr�bine revient dans cet entretien sur le conflit du Sahara Occidental et sur la lutte antiterroriste dans le Sahel. Le Soir : Le peuple sahraoui c�l�bre ce lundi le trenti�me anniversaire de la proclamation de la RASD. 15 ann�es apr�s la signature d�un cessez-le-feu entre les deux parties en conflit, cessez-le-feu qui aurait d� aboutir � l�organisation d�un r�f�rendum d�autod�termination, peut-on aujourd�hui parler de statu quo ? Et qui tire profit de cette situation ? Professeur Yahia Zoubir : C�est plus qu�un statu quo, c�est un constat d��chec. C�est ce qu�on appelle en anglais un stalemate, �tant donn� que le Maroc a refus� de se plier aux r�solutions onusiennes et a m�me refus� des propositions qui lui �taient acceptables, notamment le plan Baker II soutenu par les Sahraouis alors qu�il leur �tait d�favorable. Tout ceci n�aurait pu avoir lieu sans le soutien dont jouit le Maroc aupr�s de puissances telles que les Etats-Unis, la France et des r�gimes monarchiques du Moyen- Orient. Malgr� cela, il faut dire qu�il n�existe aucun pays au monde qui reconnaisse la souverainet� marocaine au Sahara Occidental. Je dirai m�me plus, les positions de certaines puissances �trang�res, notamment les Etats-Unis, ont chang�. Dans le cadre du MEPI, on per�oit une certaine volont� de r�soudre ce conflit. Sur un autre plan, la position de la France reste intrigante, car ce pays a toujours soutenu le Maroc et reste oppos� � l�ind�pendance d�un Etat sahraoui sous influence alg�rienne et ce, malgr� les d�clarations officielles relatives au soutien des r�solutions onusiennes. Mais avec ce qui ce passe aujourd�hui, � savoir la reconfiguration mondiale et la p�n�tration du Maghreb par les Etats- Unis, la France va devoir elle aussi r��valuer sa politique vis-�-vis du Sahara Occidental, car l�Alg�rie actuelle n�est plus l�Alg�rie des ann�es 1990. Surtout depuis que le pr�sident alg�rien a d�clar� que la question du Sahara Occidental est une question de s�curit� nationale et, � mon avis, c�est le premier haut responsable � le reconna�tre aussi clairement. Dire que la question du Sahara Occidental est actuellement dans l�impasse est donc une r�alit�. Cela est d�autant plus critique pour des milliers de Sahraouis qui ne survivent que gr�ce � l�aide humanitaire de certains pays et de celle d�agences onusiennes telles que le HCR et le PAM. L. S. : A ce propos, les autorit�s sahraouies d�noncent depuis quelque temps le blocage dans l�action humanitaire de ces agences onusiennes. Cela est-il d� � la pression du Maroc ? Y. Z. : Sinc�rement, je ne le pense pas. Je crois que cela est avant tout le r�sultat de pratiques bureaucratiques et aussi, mais l�, je n�en suis pas certain, il possible que les responsables de ces organismes essaient de faire attention pour �viter toute attaque marocaine au sujet de d�tournement de cette aide humanitaire. Il est certain que les accusations mettant en cause le gouvernement de la RASD sont d�nu�es de tout fondement, d�ailleurs cela a fait l�objet d�une mise au point du HCR qui a d�menti ces all�gations. L. S. : Revenons � l�ONU. Cette instance a clairement d�montr� son incapacit� � prendre en charge la question de la d�colonisation du Sahara Occidental. Peut-on dire aujourd�hui que toutes les voies d�une solution � travers les Nations unies ont �t� �puis�es ? Y. Z. : Non, pour le moment l�ONU a �chou�. Mais, je pense qu�il ne faut pas dire l�ONU car elle n�est que la r�flexion de ses membres, notamment de ses membres les plus puissants. J�ai expliqu� comment les Etats-Unis, m�me s�ils reconnaissent le droit � l�autod�termination du peuple sahraoui, estiment que le Maroc est un pays trop important pour le sacrifier. Aux Etats-Unis, on pr�f�re une solution interm�diaire. Il est aujourd�hui certain que la donne a chang� depuis que l�on constate ce qui ce passe en Alg�rie. Les Am�ricains ne font aucun secret en disant que l�Alg�rie est devenue importante � leurs yeux, notamment dans les domaines de la coop�ration militaire et la lutte anti-terroriste. L�Alg�rie est �galement importante dans le domaine �nerg�tique. Donc les Etats-Unis tentent de satisfaire les deux parties qui, soulignons-le, n�ont pas abandonn� leurs positions respectives. Mais il est aujourd�hui certain que la position du Maroc ne se tient plus. L�ONU avait propos� une voie interm�diaire qui, pourtant, est contre les principes m�mes des Nations unies, et que les Sahraouis avaient accept� pour mettre un terme au conflit. Hors les Marocains l�on rejet�e avec l�appui de la France. C�est une r�alit� qu�il ne faut surtout pas oublier. Les Etats- Unis y �taient favorables mais ils n�ont pas voulu imposer cette option pour �viter que la France n�impose � son tour son veto aux Nations unies. L. S. : Les r�centes d�couvertes d�hydrocarbures dans les territoires sahraouis, tant lib�r�s que sous occupation marocaine, int�ressent certaines firmes internationales. Selon vous, la politique de �p�trole contre ind�pendance� que tente d�appliquer le gouvernement sahraoui pourrait-elle porter ses fruits ? Y. Z. : Non, moi � mon avis, il faut �tre conscient qu�il n�y pas encore de d�couverte gigantesque de p�trole au Sahara Occidental. Cependant, ce qui encourage les Sahraouis et les Marocains c�est ce qui se passe en Mauritanie o� les investissements p�troliers sont concrets. Autre chose, le Maroc a tent� de jouer cette carte car il a �chou� dans l�obtention d�une quelconque reconnaissance de sa souverainet� sur ces territoires. Il agit actuellement en souverain dans un territoire qu�il occupe ill�galement. Quant aux Sahraouis, c�est une mani�re aussi de montrer aux Marocains et au reste du monde que ce territoire leur revient et que le Maroc n�a pas le droit de profiter de ses richesses. L. S. : Depuis quelque temps, le Maroc, profitant de la situation s�curitaire qui pr�vaut dans le Sahel, tente de prouver que le Front Polisario est une organisation terroriste li�e au r�seau Al Qa�da. Pour ce faire, Rabat s�est m�me bas� sur un rapport de complaisance �labor� par un organisme europ�en. Pensez-vous que les accusations du Maroc sont prises au s�rieux par les instances internationales ? Y. Z. : Je m�excuse du terme, mais je consid�re que le Maroc s�est ridiculis� en accusant le Polisario d�avoir vers� dans le terrorisme. Le Maroc se ridiculise car personne ne croit � cela. Premi�rement, il faut savoir que durant les ann�es 1990, le Polisario avisait les autorit�s alg�riennes sur le trafic d�armes en provenance du Maroc qui alimentaient le GIA. Deuxi�mement, comment peut-on expliquer que le Polisario, soutenu si fortement par l�Alg�rie qui est consid�r�e � juste titre comme le fer de lance de la lutte antiterroriste, pourrait-il verser dans le terrorisme islamiste ? Au niveau du Congr�s comme des plus hautes autorit�s am�ricaines, on sait que cela est totalement faux. C�est encore une fois de la propagande marocaine, car ses dirigeants se trouvent dans le bourbier. Les Sahraouis revendiquent leur ind�pendance, ils subissent les pires exactions dans les territoires occup�s, c�est cela la r�alit�. D�ailleurs, il est utile de rappeler que durant la guerre, les Sahraouis n�ont pas eu recours au terrorisme au sein m�me du territoire marocain. L. S. : Au sujet de la situation s�curitaire dans les pays du Sahel, les Am�ricains sont engag�s dans un partenariat de lutte antiterroriste dans la r�gion, notamment dans le cadre de l�Union africaine. D�ailleurs, les Am�ricains et les Etats africains ne le cachent pas, la tenue d�un s�minaire � Alger sur le terrorisme transsaharien, co-organis� par le CESA et le CAERT en est une preuve concr�te. A ce titre, peut-on dire que les Am�ricains tentent de s�imposer dans la r�gion ou existe-t-il un r�el partenariat ? Y. Z. : Il est �vident que les Am�ricains imposent une vision dans le sens o� ils pr�sentent le Sahel comme une zone susceptible d�accueillir des terroristes. Mais cette vision est partag�e par les Etats africains dans le cadre d�une coop�ration. En fait, il est plus judicieux de dire qu�ils partagent une vision, les Am�ricains apportant leur savoir-faire en mati�re de contre-terrorisme en collaboration avec des pays comme l�Alg�rie qui ma�trise ce sujet. Dans ce contexte, les Etats-Unis sont � la recherche de collaboration un peu partout dans le monde. Mais ils ne cherchent pas forc�ment � installer des bases militaires fixes. L. S. : Comment expliquez- vous l�absence de la France dans cette lutte contre le terrorisme dans une r�gion qui est pourtant consid�r�e comme �tant sa zone d�influence et ce, d�autant plus que la France est un des seuls pays � disposer de troupes en Afrique de l�Ouest ? Y. Z. : Depuis la fin de la guerre froide, la notion de zone d�influence n�existe plus. Les Etats-Unis vont l� o� ils veulent quand ils le veulent. Le conflit du Sahara Occidental est un exemple concret puisque les Etats- Unis sont beaucoup plus impliqu�s que la France. Les Etats-Unis ont actuellement une �quipe puissante, qui veut montrer sa puissance et qui se fiche franchement de ce que peuvent penser les Fran�ais. Ils essaient de faire valoir leurs propres int�r�ts. Mais je pense qu�avec l�implication des Etats-Unis dans la r�gion, les Fran�ais vont �tre oblig�s d��tre plus attentifs aux int�r�ts alg�riens, par exemple, m�me s�ils doivent jouer encore � un jeu d��quilibre entre l�Alg�rie et le Maroc.