L�Europe a pris peur ce lundi, date de rupture de ses livraisons de p�trole russe suite � un diff�rend entre la Russie et le Belarus, �la Russie blanche� comme dit Al-Jazeera. Elle a attendu mercredi pour respirer et vendredi pour �tre fix�e sur son avenir par l�assurance du Premier ministre russe Mikha�l Fradkov que les deux bellig�rants �taient parvenus � �une solution �quilibr�e correspondant aux int�r�ts des deux pays�. En vertu de l�accord conclu, le Belarus paierait d�sormais une taxe de 53 dollars par tonne de p�trole import�e de Russie, � laquelle s�ajoutera une r�trocession sur les revenus des exportations de produits p�troliers des raffineries b�larusses utilisant le p�trole de son pays. Le Belarus �tait le seul au monde � ne pas s'acquitter de cette taxe et disposait ainsi d'un brut bon march� qu'il raffinait dans deux usines modernes pour le revendre � l'UE avec un b�n�fice consid�rable. Outre la gifle p�troli�re, Minsk, qui vend les produits de son agriculture et de son industrie sans droits de douane en Russie, risque d�sormais de ne plus b�n�ficier de r�gime de faveur. Minsk �coule en Russie 100% de ses exportations de viande, 97,3% de celles de lait et la Russie ach�te entre 50 et 70% des meubles, chaussures, pneus, m�dicaments, r�frig�rateurs, et �quipements lourds export�s par l'ex- R�publique sovi�tique, une situation h�rit�e de l�ancienne division socialiste du travail dans le cadre d�une union libre rompue pacifiquement sous le r�gne de Gorbatchev. Non satisfait de toutes ces faveurs, le Belarus avait tent� d'imposer � la Russie une taxe de 45 dollars par tonne sur le p�trole russe transitant par son territoire en direction de l'UE, une mesure jug�e ill�gale par Moscou. Trois jours d'interruption des livraisons p�troli�res ont donn� des sueurs froides � l'Union europ�enne. Plus particuli�rement � cinq de ses membres : l�Allemagne, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la R�publique tch�que. L'ol�oduc Droujba fournit 12,5% du p�trole consomm� par l'UE, soit environ 2 millions de barils de p�trole chaque jour. L�incident n�a pas emp�ch� les cours de poursuivre leur baisse � leur plus bas niveau depuis plus d'un an et demi ce mardi en raison de temp�ratures toujours �lev�es aux Etats-Unis. Affect�s dans le sens de la d�pression par un hiver exceptionnellement doux jusqu'� pr�sent dans le nord-est des Etats-Unis, la r�gion la plus gourmande au monde en fioul de chauffage, les prix ne cessent de reculer depuis le d�but de l'ann�e. Ils avaient commenc� 2007 � environ 61 dollars le baril et ont c�d� presque 12% depuis. Selon les services m�t�orologiques am�ricains, la demande en produits de chauffage dans l'ensemble des Etats-Unis est � l'heure actuelle de 24% inf�rieure � la normale saisonni�re et les temp�ratures dans le nord-est devraient rester �lev�es jusqu'au 18 janvier. La crise n'affecte �galement pas les prix du brut pour cette autre raison que les pays touch�s disposaient de r�serves importantes, de 80 jours au moins, et le march� tablait sur une r�solution rapide du conflit, apr�s une prompte r�action du Kremlin promettant, d�s mardi, de "tout faire pour garantir les int�r�ts des consommateurs occidentaux". M�me s�il n�a pas affect� les cours, le diff�rend russo-b�larusse soul�ve, aux yeux des Europ�ens, une autre question : celle de la fiabilit� de Moscou comme fournisseur �nerg�tique. La chanceli�re allemande, Mme Angela Merkel, dont le pays pr�side l'Union europ�enne depuis le 1er janvier, a d�plor� que la Russie ait ruin� la �confiance� plac�e en elle : �Il n'est pas acceptable qu'il n'y ait pas de consultation dans une telle situation�, a-t-elle soulign�, jugeant au passage �inacceptable� de ne pas avoir �t� inform�e de la fermeture de l'ol�oduc. L'incident, selon elle, �d�truit la confiance� des Europ�ens envers la Russie. Et elle dit plus que ce qu�elle veut bien laisser perdre en affirmant : �Ce n'est pas avec cela qu'on peut construire une coop�ration fond�e sur la confiance... Lorsqu'il y a des difficult�s, la moindre des choses est d'engager des consultations�. Le pr�sident de la Commission, Jos� Manuel Barroso a, lui aussi, qualifi� d��inacceptable� la r�action de la Russie, alors que le commissaire europ�en � l'Energie, Andris Piebalgs, appelait pour sa part �� un comportement fiable et transparent dans le futur�. La r�putation de la Russie comme fournisseur fiable est d�autant plus mise � mal qu�elle fait suite � la coupure de l'an dernier lors de la guerre du gaz avec l'Ukraine. Jos� Manuel Barroso a appel� les dirigeants europ�ens � �regarder les faits�, sa Commission pr�nant une "r�volution industrielle" vers une �conomie peu consommatrice d�hydrocarbures, par l'instauration d'une politique �nerg�tique commune aux 27. Les �faits� dont il est question appellent � r�duire la d�pendance �nerg�tique de l'UE, lutter contre le r�chauffement tout en stimulant la concurrence entre grandes soci�t�s �nerg�tiques. Premier objectif : assurer l'ind�pendance �nerg�tique de l'Union, dans un contexte de rar�faction et de rench�rissement des �nergies fossiles, d'une part, et de �guerre du p�trole� entre la Russie et ses anciennes d�pendances id�ologiques affranchies par la chute du mur de Berlin, d�autre part. L'Europe s�approvisionne d�j� au-del� de ses fronti�res pour la moiti� de son �nergie. Cette d�pendance devrait d�passer 65 % en 2030, avec un taux de 84 % pour le gaz et 93 % pour le p�trole. Elle compte l�att�nuer en faisant passer la part des �nergies renouvelables dans le bouquet europ�en � 20 % du total de la consommation en 2020. Un objectif ambitieux, dans la mesure o� l'Union, qui visait les 12 % en 2010, n'en est aujourd'hui qu'� 7 %. Dans ce bouquet, la Commission reconna�t le r�le du nucl�aire dans la lutte contre l'effet de serre, sans clairement inciter les Etats membres � construire de nouveaux r�acteurs rapidement. Pr�sent dans 15 des 27 Etats membres, le nucl�aire repr�sente 30% de la production �lectrique de l'UE. Second objectif : s'attaquer aux causes du r�chauffement climatique en diminuant les �missions de gaz carbonique du continent en visant, pour 2020, une baisse de 20 % des rejets de gaz � effet de serre par rapport au niveau de 1990. L'UE est responsable de 14% des �missions de CO2, troisi�me derri�re la Chine, le plus grand pollueur mondial, et les Etats- Unis. Le rapport Stern, du nom d�un ancien �conomiste en chef de la Banque mondiale, �voque la sombre pr�vision d�une crise �conomique mondiale, plus profonde que la grande d�pression de 1929, si rien n'est entrepris pour limiter les �missions de gaz � effet de serre. Ses projections imposent pour 2050 de r�duire les �missions de moiti� par rapport � leur niveau de 1990 si l'on veut garder une chance de limiter la hausse de la temp�rature � 2 degr�s par rapport � ce qu'elle �tait pendant la p�riode pr�industrielle. C'est m�me la limite au-del� de laquelle les cons�quences pour les habitants de la plan�te seraient d�vastatrices. Troisi�me objectif : garantir la comp�titivit� des entreprises europ�ennes en am�liorant le fonctionnement du march�, encore fragment� en 25 espaces nationaux mal interconnect�s. Bruxelles juge que la concurrence reste inefficace sur les march�s du gaz et de l'�lectricit� et promet de lutter contre "la concentration verticale" des groupes europ�ens et de contr�ler de pr�s les fusions, aides publiques et les ententes. L�enjeu ici est la comp�titivit� des entreprises europ�ennes. Les r�flexes protectionnistes ont p�rennis� la fragmentation du march� europ�en. Les vingt-sept march�s nationaux sont insuffisamment reli�s (M. Barroso estime qu'il faut arriver � un niveau minimal d'interconnexion des r�seaux de 10% au minimum). Par ailleurs, les nouveaux membres sont le plus souvent r�duits � des parts de march� marginales et les op�rateurs historiques, construits sur des rentes de situation d�veloppent des pratiques commerciales douteuses. De quoi sugg�rer beaucoup de prudence au commissaire europ�en � l�Energie qui reconna�t au march� du gaz une sp�cificit� : �Il ne faut pas oublier que nous d�pendons essentiellement de seulement trois fournisseurs : Gazprom, Sonatrach et Norsk Hydro- Statoil. Il faut veiller � ne pas trop affaiblir les compagnies gazi�res europ�ennes, dont les principaux actifs sont justement les r�seaux.� Ce qui signifie qu�il ne lui sera pas facile de r�former le march� du gaz. Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE auront donc fort � faire lors de leur r�union � Bruxelles � la mi-mars. L�hiver aura cependant �t� derri�re eux.