Il avait pris sur lui d�aider les �coliers � traverser cette route dangereuse � chaque entr�e ou sortie de classe. Il avait pris ce pli doucement, au fil des ann�es quand il accompagnait sa petite princesse de fille � l��cole ou qu�il l�attendait � la sortie. Le matin, ils passaient ensemble chez le boulanger pour acheter le petit pain au chocolat n�cessaire � l��coli�re pour tenir la matin�e. Il ouvrait avec soin un porte-monnaie si plat qu�il en semblait vide et en tirait la monnaie n�cessaire. Normal, Moulay voulait pour sa princesse quelque g�terie qui la mette � �galit� avec les autres filles ou gar�ons de son �cole mais il n�avait qu�une maigre pension de retraite et des gar�ons au ch�mage. Il tenait, Dieu sait comment, jusqu�� la fin du mois sans laisser d�ardoise chez les commer�ants avec ses vieux v�tements proprets. Sur son chemin vers l��cole, il trouvait toujours des camarades de classe de sa fille en difficult� pour traverser la route. Les voitures y passaient � vive allure malgr� le panneau indiquant la pr�sence d�une �cole et sans pr�ter attention � ces �coliers mass�s sur le bord du trottoir, attendant une accalmie du trafic pour passer. Moulay tenait alors fermement sa fille par la main et se mettait au milieu de la voie. Il faisait signe aux automobilistes pour obtenir qu�ils ralentissent et s�arr�tent. Les bambins passaient le goudron vite, soulag�s, heureux et bruyants, comme s�ils �chappaient � un danger et arriv�s de l�autre c�t�, criaient en d�sordre �Merci, oncle Moulay !�. Il renouvelait l�op�ration au retour des classes. Les enfants avaient pris l�habitude mais son enfant grandissait et elle passa de l��cole primaire au coll�ge qui se trouvait dans la cit�. Moulay ne l�accompagnait plus. Un jour qu�il passait par ce chemin � la sortie des classes, les �l�ves qui tentaient de traverser lui cri�rent �Fais nous traverser, oncle Moulay�. Il arr�ta les voitures et � partir de ce moment, qu�il pleuve ou que le soleil lui br�le la peau, Moulay se pr�sente au passage au moment indispensable et fait traverser les enfants en toute s�curit�. Quelques mois plus tard, il se pr�senta avec cet esp�ce d�habit � bandes fluorescentes que portent les ouvriers de la commune et levait haut un bout de pancarte hexagonale qui portait la mention stop. Vous pouviez penser que l�APC l�avait finalement charg� de cette t�che n�cessaire et lui versait peut-�tre quelque maigre p�cule dont il avait vitalement besoin ? Pas du tout ! A la question, il a r�pondu �Non, des gens du coin m�ont donn� cette veste et ce bout de bois. J�arr�te les voitures plus facilement�.