Il est largement �tabli et aujourd�hui admis par tous les observateurs de l��conomie alg�rienne que les gouvernants de ce pays ont laiss� se d�velopper, dans le sillage de l�ouverture commerciale engag�e au d�but des ann�es 1990, un secteur informel, un secteur �non structur�, ou encore, comme aiment � dire les statisticiens, un �secteur non observ� tr�s important. On peut m�me parler, dans le cas de l�Alg�rie, d�une v�ritable �conomie parall�le tant les volumes de marchandises et les masses d�argent qui y circulent sont consid�rables. Ici, en effet, on est loin des d�finitions traditionnelles du secteur informel analys� par les experts du BIT comme un secteur-refuge, un secteur fourre-tout utilisant des techniques simples, des ressources locales et o� la propri�t� familiale domine. Dans le cas de notre pays, les activit�s informelles, c�est-�-dire ces activit�s en marge de la l�galit� qui �chappent � l�imp�t et qui utilisent des travailleurs salari�s non d�clar�s � la S�curit� sociale et donc non prot�g�s, ces activit�s repr�senteraient aujourd�hui entre 30 et 40% du PIB, selon les sources statistiques. Si ce taux est v�rifi�, il est tout simplement exorbitant ! La pr�sence et l�expansion des activit�s informelles ne peuvent m�me pas �tre justifi�es � dans le cas de l�Alg�rie � comme �ballon d�oxyg�ne� offert aux nombreux ch�meurs qui y trouveraient � la fois une occupation et une source de revenus. Il ne s�agit pas, en effet, dans le cas de notre pays de �petits m�tiers�, de �petits boulots� ou d�activit�s artisanales non d�clar�es qui rappellent celles qui pullulent au Maroc ou qui existent en Tunisie. Non, en Alg�rie le secteur non structur� est autrement plus consistant et plus lucratif mais en m�me temps plus pr�dateur pour l��conomie nationale. Dans le secteur commercial, par exemple, l�activit� commerciale non d�clar�e, �non officielle�, repr�senterait 35% de l�activit� commerciale du pays. Les ventes sans factures durant la p�riode 2001-2005 ont �t� �valu�es par les services de contr�le � une moyenne annuelle de 35 milliards de dinars ! Et ces m�mes services de contr�le avouent ne pas pouvoir passer au peigne fin toute l��vasion fiscale ainsi g�n�r�e et que, tr�s vraisemblablement, ce commerce sous-terrain est beaucoup plus important. D�j� en 2000-2001, le recensement des march�s informels effectu� par l�administration commerciale a permis de d�nombrer quelque 700 march�s ill�gaux sur lesquels activent plus de 100 000 personnes. Cette �conomie informelle a pris naissance sous l�ombre du monopole de l�Etat sur le commerce ext�rieur des ann�es 1970 et le d�s�quilibre qu�il engendrait entre l�offre globale et la demande globale. Cette ��conomie de la p�nurie� a g�n�r� les march�s parall�les qui �taient admis car remplissant deux fonctions essentielles : a/- Ils permettaient � une fraction de la population au ch�mage de longue dur�e de se procurer un r�seau de subsistance. b/- Ils rendaient service aux m�nages qui �taient bien contents de trouver sur ces march�s les biens et services dont ils avaient besoin et qui n��taient pas disponibles sur les march�s officiels. Aujourd�hui le secteur informel renvoie � d�autres enjeux et poursuit d�autres objectifs nettement pr�judiciables � l��conomie. La recherche du profit maximal non d�clar� au fisc, l�utilisation d�une main-d��uvre � bon march� et non d�clar�e � la S�curit� sociale, le blanchiment d�argent sale. Mais il faut souligner surtout deux effets bien plus pr�judiciables encore � l��conomie nationale : 1. Les activit�s de revente en l��tat de produits de qualit� douteuse achet�s � bas prix sur des march�s ext�rieurs non encadr�s exercent une concurrence d�loyale fortement destructrice du tissu de petites entreprises locales. Les activit�s informelles ne s�acquittent d�aucune charge, ni fiscale, ni sociale, n��tant pas l�galement d�clar�es. Les entreprises l�gales sont, quant � elles, des sujets fiscaux et sont soumises � toute la r�glementation r�gissant l�activit� �conomique et la protection sociale. Une observation m�rite ici d��tre soulign�e : m�me lorsqu�ils sont immatricul�s au registre du commerce, les op�rateurs �conomiques alg�riens font de l�informel : r�alisent pr�s de 50% de leurs chiffres d�affaires en commercialisant des marchandises d�importation non d�clar�es, non tax�es et non saisies au plan fiscal provenant du fameux �commerce de la valise� 2. Le second pr�judice est subi par le Tr�sor public puisque des activit�s qui g�n�rent des plus-values �chappent � leur devoir fiscal et ne font b�n�ficier la collectivit� nationale d�aucune contribution financi�re. Le manque � gagner pour le Tr�sor public est consid�rable si l�on en croit le service des imp�ts, le secteur �conomique priv� ne contribue qu�� hauteur de 0,6% du PIB dans la fixalit� encaiss�e par le Tr�sor alors qu�il produit plus de 80% de la valeur ajout�e globale hors hydrocarbures. L�expansion � un tel rythme du secteur informel d�truit totalement l�argument majeur qui le justifiait jusqu�� maintenant : procurer du travail aux nombreux jeunes ch�meurs. En effet, un secteur informel d�une telle dimension d�truit plus d�emplois qu�il n�en cr�e puisqu�il exerce une telle concurrence d�loyale sur les entreprises locales qu�il les oblige � �baisser le rideau� en m�me temps qu�il d�courage tout nouveau promoteur � cr�er une entreprise. Cet argent facile fait de superprofits encourage la d�rive bazarie de l��conomie au d�triment de l�investissement productif. L��conomie alg�rienne est bien menac�e aujourd�hui de devenir un comptoir commercial plut�t qu�une �conomie industrialis�e. L��conomie de march� ne peut pas fonctionner efficacement sans r�gles rigoureusement respect�es. Elle ne peut produire de la performance, de la comp�titivit� et de la croissance que si l�Etat et ses institutions parviennent � assurer le respect par tous les agents �conomiques de ces r�gles.