La petite corruption est devenue syst�mique en Alg�rie, c�est-�-dire qu�elle est la r�gle et non l�exception ; elle est banalis�e. La petite corruption constitue la n�gation m�me de l�Etat dans la seule finalit� qui puisse le l�gitimer, c�est-�-dire la recherche de l�int�r�t public. Elle vide les politiques publiques de leur contenu et mine le fonctionnement des services publics les plus indispensables � la vie quotidienne. Cette petite corruption syst�mique se manifeste particuli�rement dans les relations entre services publics et usagers. D�s qu�il y a possibilit� d�interaction avec le public, tout service, tout contr�le, tout acte administratif, toute sanction, sont monnayables et passibles de transactions occultes. Bien s�r, les strat�gies, tout comme les tactiques utilis�es par les acteurs des �changes corruptifs, diff�rent selon les contextes et les enjeux. Parmi les formes de corruption transactionnelle, nous pouvons ranger les diff�rentes commissions que les fonctionnaires re�oivent pour les services d�interm�diation qu�ils ont fournis ou les services ill�gaux qu�ils ont rendus. Les agents publics partagent ainsi avec l�usager les b�n�fices illicites que ce dernier a obtenus gr�ce � leur intervention. A l�exemple classique des 10% que tout soumissionnaire d�un march� public doit verser aux membres des commissions d�attribution, il faut ajouter des commissions de nature renti�re, lorsque par exemple l�obtention d�un emploi administratif g�n�rateur de gains illicites importants pr�voit le versement p�riodique d�une somme d�argent au sup�rieur hi�rarchique responsable de la nomination. Tout aussi habituelle que les commissions, mais beaucoup plus l�gitime aux yeux des acteurs, est la pratique qui consiste � gratifier l�agent public lorsque celui-ci s�est bien acquitt� de ses t�ches ordinaires. Bien que le montant du cadeau donn� apr�s coup soit laiss� � l�appr�ciation de l�usager, cette pratique est tellement, banalis�e que la gratification, offerte ou sollicit�e, est devenue une r�gle plut�t que l�exception. La fronti�re entre le cadeau de remerciement spontan� et le pot-de-vin obligatoire tend ainsi � se brouiller. Les �cadeaux anticipateurs� � un agent public, aussi courants, traduisent en revanche des strat�gies d�investissement corruptif � moyen et long terme, car le fonctionnaire se retrouvera en position d�endettement, au moins symboliquement, vis-�-vis de son �bienfaiteur�. Ainsi, un juge nouvellement nomm� recevra en cadeau de bienvenue un climatiseur du grand commer�ant local ou d�un avocat de la place. � l�inverse, un autre juge pourra lui-m�me se mettre volontairement en situation de dette vis-�-vis des entrepreneurs dont il sollicitera des largesses pour construire sa maison par exemple.