Ils seraient au moins 100 000 � �tre atteints de la maladie d�Alzheimer en Alg�rie, probablement plus si l�on comptabilisait les cas non encore diagnostiqu�s. Nawal Im�s - Alger (Le Soir) - Les sp�cialistes tirent la sonnette d�alarme : avec le vieillissement de la population, le risque de voir les cas se multiplier est r�el. Pour les m�decins, la maladie d�Alzheimer est un probl�me de sant� publique. Pas pour les d�cideurs. Ces derniers n�en font pas une priorit�. Pire encore, ils ignorent totalement les mises en garde du corps m�dical qui, face � l�ampleur du probl�me, ont pris l�initiative de cr�er des consultations m�moire. Les neurologues, psychiatres et psychologues qui y exercent sont au contact de familles d�sempar�es, ne sachant � quelle structure s�adresser. Les m�decins sont pourtant formels : la prise en charge de la maladie ne n�cessite pas des moyens faramineux mais tout simplement une meilleure organisation et une synergie entre plusieurs sp�cialit�s. Une consultation m�moire exige la pr�sence d�un neurologue, d�un psychiatre et d�un psychologue. Des tests tr�s simples permettent de situer le degr� d��volution de la maladie. La mise en place de centres Alzheimer fait partie des recommandations des m�decins. Ces centres serviront non seulement � poser le diagnostic mais �galement � former les m�decins, exer�ant aussi bien dans le secteur public que priv�, � reconna�tre les premiers signes de la maladie et traiter rapidement les premiers sympt�mes. Parce qu�elle atteint le cerveau, la maladie se manifeste par des oublis, par de l�agressivit� et une grande angoisse. Des sympt�mes qui exigent une pr�sence quasi permanente des familles. Ces derni�res, qui ne b�n�ficient d�aucune aide, finissent par avoir elles-m�mes besoin de soutien. Un soutien qui ne peut se faire sans la mise en place d�un syst�me d�aide � domicile auquel la S�curit� sociale doit imp�rativement �tre associ�e. En tournant le dos � toutes ces propositions des professionnels, les pouvoirs publics prennent le risque de voir s�exploser dans quelques ann�es une v�ritable bombe � retardement. Nawal Im�s Qu�est-ce que la maladie d�Alzheimer ? La maladie d'Alzheimer est une maladie neurod�g�n�rative du tissu c�r�bral qui entra�ne la perte progressive et irr�versible des fonctions mentales. La cause exacte est encore inconnue, mais on suppose que des facteurs environnementaux et g�n�tiques y contribuent. Des mutations dans au moins quatre g�nes pr�disposant � la maladie d'Alzheimer ont �t� identifi�es. Elles sont particuli�rement en cause dans les cas familiaux � d�but pr�coce, qui repr�sentent moins de 5% des patients atteints par la maladie. Le premier sympt�me est la perte du souvenir des �v�nements r�cents ; elle se manifeste initialement par des distractions mineures qui s'accentuent progressivement avec la progression de la maladie, tandis que les souvenirs plus anciens sont relativement pr�serv�s. Par la suite, les d�ficits cognitifs s'�tendent aux domaines du langage, de l'organisation des mouvements, de la reconnaissance visuelle et des fonctions ex�cutives, telles que la prise de d�cision et la planification. Les dix signes qui doivent alerter � Perte de la m�moire r�cente � Difficult�s � effectuer les gestes de la vie quotidienne � Probl�mes de langage � D�sorientation dans le temps et dans l�espace � Perte des capacit�s de jugement � Perte des raisonnements abstraits � Oubli et pertes d�objets � Changement d�humeur et de comportement � Modifications du caract�re et de la personnalit� � Passivit� et perte d�initiative. POUR LA PETITE HISTOIRE� Alzheimer est venu en Alg�rie Neuropsychiatre allemand, Alois Alzheimer fut le premier � avoir d�crit les sympt�mes de la maladie qui porte depuis son nom. On raconte que son ami Erb, sp�cialiste de la syphilis, soignait un banquier qui �tait atteint de cette affection. Se sentant mieux, le banquier avait alors organis� une exp�dition en Afrique, mais voil� qu�Erb re�oit un jour un t�l�gramme lui demandant de se rendre rapidement au chevet de son patient en Alg�rie. Ne pouvant se d�placer, il envoya Alzheimer qui trouva le banquier mort et qui a fini par �pouser la veuve ! Cela s�est pass� au d�but du si�cle dernier� N. I. LE PROFESSEUR AREZKI, CHEF DU SERVICE NEUROLOGIE AU CHU DE BLIDA : �Sans une r�action rapide, le risque est tr�s grand� A la t�te du service de neurologie du CHU de Blida et de la Soci�t� alg�rienne de neurologie et neurophysiologie clinique (Sannc), le professeur Arezki fait partie de ceux qui consid�rent la maladie d�Alzheimer comme un probl�me de sant� publique. Si l�esp�rance de vie des Alg�riens augmente de 5 ans, dit-il, la pr�valence de la maladie va doubler, expliquant que la prise en charge de la maladie ne n�cessitera pas plus de moyens financiers pas plus que la mise en place d�une synergie entre les diff�rentes disciplines m�dicales et plaide pour la mise en place, sans attendre, de centres r�f�rents Alzheimer dans les grandes villes. ��a ne co�tera pas cher. Il suffira de mettre en place une organisation. Ce n�est pas �norme lorsqu�on sait que le risque est tr�s grand � l�avenir.� Pour le professeur Arezki, la mise en place d�un centre m�moire permettra non seulement de diagnostiquer la maladie, mais devra �galement assurer la formation des g�n�ralistes aussi bien exer�ant dans le secteur priv� que public, � reconna�tre les signes de la maladie qui n�cessite une �troite collaboration entre les neurologues, les psychiatres et les psychologues. �A Blida, nous avons la capacit� de le faire. Nous avons la capacit� de le faire m�me si, pour le moment, nous avons des probl�mes de financement que nous pouvons d�ailleurs facilement r�gler. Cela pourrait pousser d�autres CHU � suivre�, dit-il ajoutant qu�au niveau de certains CHU, il existe d�j� des consultations m�moire mais cela reste � ses yeux insuffisants. �Sans ces centres m�moire qui doivent voir le jour rapidement, la maladie d�Alzheimer pourrait vite devenir une urgence.� Le probl�me, pour le moment, c�est que, tr�s souvent, les malades qui arrivent en consultation sont d�j� dans un stade de d�g�n�rescence. L�id�al serait de pouvoir les prendre en charge le plus t�t, c�est-�-dire d�s l�apparition des premiers signes. M�me s�il n�existe pas de traitement de la maladie, certains sympt�mes comme l�agressivit� ou l�angoisse peuvent dispara�tre avec une bonne prise en charge. La maladie n�cessitant une pr�sence permanente d�un membre de la famille aux c�t�s du malade, le professeur Arezki consid�re qu�il est imp�ratif de mettre en place un syst�me pour aider les aidants. L�id�al serait, selon lui, de cr�er des centres d�accueil de jour qui permettraient d�un c�t� de soulager les familles et de l�autre d�am�liorer la qualit� de vie du malade. �Il ne s�agit nullement d�hospitalisation. Le malade atteint d�Alzheimer ne doit en aucun cas �tre coup� de son environnement et de sa famille. Cela le d�stabiliserait totalement. Il s�agit tout simplement de le mettre, la journ�e, entre les mains de sp�cialistes qui stimulent sa m�moire. Sa famille, qui aura eu le temps de respirer un peu, le r�cup�rera en fin de journ�e�. Sans ce syst�me, ce sont les aidants qui n�cessiteront une prise en charge psychologique, au regard de l��nergie que demande la prise en charge quotidienne du malade. �Il faudra �galement trouver des m�canismes avec les assurances pour que les services d�aide � domicile soient d�velopp�es. � Autant de propositions faites pour justement �viter qu�il ne soit trop tard. N. I. L�ASSOCIATION ALG�RIE ALZHEIMER SE BAT POUR SON INSTITUTIONNALISATION L�aide � domicile, loin d��tre un luxe Faire face au quotidien, pour une personne atteinte de la maladie d�Alzheimer, est une v�ritable �preuve pour les familles. Les malades n�cessitent une pr�sence permanente, des nerfs d�acier et une r�sistance � toute �preuve. Sans un v�ritable r�seau d�entraide familial, il est impossible d�y arriver. M�me les familles les plus soud�es finissent par ressentir le besoin d�une aide ext�rieure qu�il n�est pas toujours ais�e de trouver. L�aide � domicile n�est pas un service d�velopp� en Alg�rie. Souvent, les familles font appel � des personnes sans qualifications particuli�res pour les d�charger de certaines t�ches ou tout simplement pour tenir compagnie � la personne malade afin qu�elles puissent vaquer � d�autres occupations. La d�tresse des familles est d�ailleurs au centre des pr�occupations de l�association Alg�rie Alzheimer, cr��e en 2005. Sa pr�sidente, Mme Harchaoui, explique que depuis sa cr�ation, l�association est assaillie par les demandes des familles qui esp�rent �tre aid�es. Faute de pouvoir mobiliser un grand nombre de b�n�voles, l�association ne peut malheureusement pas r�pondre � toutes les demandes. Sa pr�sidente se demande, � ce titre, pourquoi les APC, par exemple, ne prendraient pas en charge ce volet en recensant les personnes n�cessitant une assistance et en orientant les jeunes recrut�s dans le cadre du filet social dans ce cr�neau. Mme Harchaoui estime �galement que l�absence de services de g�riatrie complique la prise en charge des personnes �g�es. En d�pit de ces difficult�s, l�association se d�m�ne pour accompagner les personnes et leurs familles. Ses membres se d�placent � la consultation m�moire du CHU de Bab-El-Oued pour recenser leurs besoins, prodiguer des conseils et apporter � ceux qui en ont besoin des conseils juridiques, gr�ce � l�apport de juristes b�n�voles. Des actions qui restent pour le moment centr�es sur la wilaya d�Alger, puisque l�association n�a pas pour le moment un caract�re national. Un projet qui tient � c�ur � sa pr�sidente, qui indique que la demande est grandissante dans toutes les wilayas. N. I. L�inexorable vieillissement de la population Les chiffres sont t�tus : les projections d�mographiques donnent d'ici � 2025 un doublement des effectifs des personnes �g�es de 60 ans et plus. Cette cat�gorie repr�sentera, � cet horizon, 11,6% de la population totale. Le vieillissement devrait aller en s'accentuant, et dans moins d'un demi-si�cle, la communaut� des personnes �g�es de 60 ans et plus sera sup�rieure en nombre � celle des moins de 15 ans. La proportion de cette tranche d��ge baissera � 19% du nombre total de la population en 2050, alors qu�elle d�passe actuellement les 40%. Par ailleurs, le nombre des personnes �g�es de plus de 50 ans d�passera les 10 % � l�horizon 2020. Une situation que les pouvoirs publics doivent rapidement prendre en consid�ration pour �viter que dans trente ou quarante ans, cela ne se fasse dans l�urgence. N. I. La guerre des chiffres Obtenir des chiffres fiables en Alg�rie en ce qui concerne la pr�valence de la maladie d�Alzheimer, rel�ve de l�exploit. Le seul chiffre qui semble faire consensus aupr�s du corps m�dical est celui de 100 000 personnes atteintes, soit 13% de la population. Des statistiques qui avaient fait sourire Amar Tou, ex-ministre de la Sant�, qui n�avait pas h�sit� � dire que les m�decins ne savaient pas compter. Une �tude effectu�e en 2004 par des neurologues et des psychologues a montr� que parmi 3 000 personnes, toutes �g�es de plus de 65 ans, qui se sont pr�sent�es au CHU de Bab-El- Oued pour diagnostic, 30% souffraient de troubles de la m�moire. N. I. Les m�decins prennent de vitesse les politiques ! Parce qu�ils sont au contact des malades et de leurs familles au quotidien, les m�decins qui exercent au niveau des CHU n�ont pas attendu la prise de conscience des pouvoirs publics pour r�agir. Aussi bien au CHU de Bab-El-Oued, � Mustapha qu�� Frantz-Fanon, � Blida, des �consultations m�moire� ont �t� cr��es par des �quipes pluridisciplinaires qui prennent en charge les malades et qui font des diagnostics pr�coces. Ces �quipes de sp�cialistes, compos�es de neurologues, de psychologues, de psychiatres et d�orthophonistes, re�oivent les malades avec leurs familles et, � l�aide de tests, diagnostiquent la maladie d�Alzheimer et proposent un accompagnement aux personnes qui en sont atteintes.