Incontestablement, le dernier discours du vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaid Salah, au terme duquel il a clairement affirmé qu'il n'acceptait aucun autre emblème en dehors du drapeau national, a agi comme une réelle mécanique sur le mouvement populaire. Des dizaines de milliers de manifestants ont tenu en effet à répondre hier dans les rues de Béjaïa. Les rues ont été inondées de l'emblème aux couleurs berbères. Dès les premières de la matinée, jeunes et moins jeunes se sont rués sur le chef-lieu de la wilaya à bord de bus et de voitures pour montrer leur attachement à la culture millénaire de ce pays. Aux cris de «Nous restons toujours berbères», la procession s'est ébranlée de l'esplanade de la maison de la culture Taos Amrouche pour longer le grand boulevard de la Liberté. «Ulac smah ulac» et «Pouvoir assassin» ont rythmé l'avancée des carrés dans un ordre remarquable. Arrivés à hauteur du carrefour du 19 mai 1981, les manifestants ont tenu à marquer un arrêt pour entonner le refrain «Mazalagh d Imazighen-mazalagh d Imazighen», avant de reprendre la marche qui vont les mener au centre ville. «Les propos tenus par le vice-ministre de la Défense nationale sont d'une gravité indiscutable. Par l'interdiction du drapeau amazigh, disperser les rangs du mouvement populaire. Mais nous restons éveillés en lui répondant que la révolution reste inébranlable», soutiennent en chœur un groupe de manifestants venus d'Akbou. Rappelons, par ailleurs, que de nombreux barrages filtrants ont été dressés sur de nombreux axes des routes nationales desservant le chef-lieu. C'est un dispositif destiné vraisemblablement à réduire le nombre de manifestants. Soulignons enfin que contrairement à ce qui est craint, aucun incident de quelque ordre que ce soit n'a été enregistré avant ou pendant la manifestation.