La Tunisie célèbre vendredi sa nouvelle Constitution à l'issue de plus de deux ans de débats houleux et de crises politiques, en présence de plusieurs chefs d'Etat étrangers dont le Français François Hollande. La cérémonie prévue dans la matinée à l'Assemblée nationale constituante est purement symbolique, la Loi fondamentale ayant été adoptée le 26 janvier et signée par les dirigeants tunisiens le lendemain, trois ans après la révolution qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali. La Tunisie, berceau du Printemps arabe, émerge tout juste d'une année politique turbulente, marquée par six mois de paralysie institutionnelle à la suite de l'assassinat en juillet d'un député d'opposition, Mohamed Brahmi, attribué à la mouvance jihadiste. M. Hollande sera le seul chef d'Etat européen à être présent. Les présidents tchadien, gabonais, guinéen, mauritanien et libanais ainsi que les Premiers ministres algérien et koweïtien ou encore le président du Conseil européen Herman van Rompuy doivent y participer. L'Assemblée a été placée sous haute protection et plusieurs routes y menant ont été bloquées. Dans la matinée, des hélicoptères quadrillaient le ciel au-dessus du bâtiment. La présidence tunisienne a proclamé jeudi sur sa page officielle sur Facebook: "Le monde fête avec la Tunisie sa Constitution". Les responsables étrangers "viennent participer à notre joie et soutenir l'expérience tunisienne. Nous attendons aussi d'eux un partenariat politique et commercial, et nous souhaitons que ce soutien politique se transforme en soutien économique", a dit à la télévision publique Imed Daïmi, le secrétaire général du parti du président tunisien Moncef Marzouki. Les journaux tunisiens ne faisaient toutefois pas grand cas de cette célébration, se bornant pour la plupart à mentionner la liste des responsables étrangers invités. Tout comme ses homologues, M. Hollande doit s'exprimer à la tribune de l'Assemblée constituante depuis laquelle il avait, lors d'une visite en juillet, adressé "un message d'encouragement" à la Tunisie, empêtrée à l'époque dans les disputes politiques. 'Célébrer un succès' Cette fois, il revient "pour célébrer un succès, un événement positif et important", selon Paris. Cette cérémonie intervient aussi au lendemain des commémorations du premier anniversaire du meurtre d'un autre opposant, Chokri Belaïd, un crime qui a profondément choqué la Tunisie et mis en évidence l'essor de groupes armés islamistes depuis la révolution de janvier 2011. Des partis politiques de gauche ont encore prévu vendredi une réunion pour rendre hommage au défunt, avant une grande manifestation samedi. L'adoption de la Constitution, un texte de compromis consacrant un exécutif bicéphale, accordant une place réduite à l'islam et introduisant un objectif de parité hommes-femmes dans les assemblées élues, a aussi conduit au départ volontaire des islamistes d'Ennahda du pouvoir, qui ont laissé la place à un cabinet d'indépendants dirigé par Mehdi Jomaâ, appelé à mener la Tunisie vers des élections en 2014. Cette sortie de crise a été négociée pendant des mois par un quartette de médiateurs, dont la puissante centrale syndicale UGTT, qui a réussi à amener Ennahda et ses adversaires à un terrain d'entente. Le président français doit rencontrer aussi les artisans de ces pourparlers. Sur le plan des relations bilatérales, M. Hollande devrait en substance affirmer la volonté de la France "de coopérer avec la Tunisie sans ingérence, dans le cadre du partenariat renouvelé". "Notre espoir est que la Constitution et la formation d'un gouvernement permettent de donner plus d'ampleur à la coopération bilatérale", souligne la France, qui entend rester le premier partenaire commercial de la Tunisie, le pays comptant 1.300 entreprises françaises représentant 125.000 emplois. Mais il s'agit aussi pour la France de continuer de gommer l'image laissée par l'ex-président Nicolas Sarkozy, accusé d'avoir soutenu jusqu'au bout le régime déchu de Ben Ali. En juillet, M. Hollande avait déjà appelé à "tirer toutes les leçons du passé, même le plus brûlant", évoquant les "incompréhensions au moment de la révolution" de janvier 2011 mais aussi le passé colonial français, un message apprécié à l'époque par les dirigeants tunisiens.