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«J'espère que vous aurez le même sourire le jour de votre exécution !» Guillotiné en 1957, Chafilk Melzi fit preuve de courage face au tribunal colonial
Présent lors de l'hommage rendu aux guillotinés de la guerre de libération, l'ancien condamné à mort Saleh Melzi a rendu un vibrant hommage au courage de son frère aîné Chafik, qui résista aux pires formes de torture, aux conditions de détention inhumaines, et qui se sacrifia pour sauver ses frères. Le narrateur n'est autre que le plus jeune des frères Melzi, dont trois étaient condamnés à mort et le quatrième à 20 ans de prison pour leur lutte anticoloniale. Jeune scout déjà, il a la fibre patriotique. C'est de famille. Son frère, Chafik, né le 24 mars 1929 à El Biar, avait fait ses preuves aux SMA, PPA-MTLD, l'OS avant d'être arrêté en 1956. Parqués ensemble, à trois ou à quatre, dans de minuscules cellules, ils attendaient la mort dans des conditions «insoutenables» se rappelle Saleh. Victimes d'une véritable guerre psychologique, les condamnés à mort pouvaient se rendre compte qu'il allait y avoir une exécution à l'aube. «Cette nuit-là, les gardiens ne nous rencontraient pas. Les guichets et les petites portières par lesquelles on nous glissait les gamelles étaient fermés. Des rideaux cachant «la scène» étaient dressés. On entendait pénétrer le camion transportant la guillotine que la prison louait chez un particulier, un certain Meissonnier d'El Biar. Ce soir, on empêchait les frères des autres cellules de s'endormir. On tapait sur les robinets de façon à créer des vibrations assourdissantes dans les conduits d'eau. Pas question qu'on emmène l'un des nôtres à la guillotine dans son sommeil, de fatigue ou de malade», raconte Saleh. Certains pouvaient s'assoupir. «Les conditions de détention étaient telles que nous avions entamé un mouvement de grève de la faim. Nous étions des condamnés à mort. La décence aurait voulu qu'on nous accorde au moins le droit à de la bonne bouffe ! On nous a ramené les CRS. On nous faisait manger de force, nous lavait et rasait de force. Mais cela a fini par payer et nos conditions ont été légèrement améliorées», se souvient le rescapé de la guillotine. 1957, la pire année D'autres n'ont pas eu le privilège de rester en vie. Il se souvient des tout premiers, Zabana et Ferradj. Puis vint l'année 1957. «La pire en nombre d'exécutions», estime-t-il. Iveton, Rahal, Touati, Hmida et tous les autres. «Les gardiens les appelaient de leur cellule. En sortant, ils les tournaient dos à la porte. Mais ils nous lançaient un dernier "Au revoir mes frères" et scandaient "Tahya el Djazaïr". Tous les prisonniers les acclamaient alors. Nous criions Allah Akbar et Tahya el Djazaïr. Nous faisions du bruit avec nos gamelles qu'on entendait en dehors de la prison. Les femmes de la Casbah poussaient alors des youyous», raconte le moudjahid. Son supplice a duré sept mois. Sept mois pendant lesquels il entendait le son de la lame trancher le cou de ses frères. De son propre frère. «Un jour, le gardien a appelé Bourenane, 22 ans et Melzi. Nous étions trois Melzi. Nous nous sommes regardés mais mon frère Chafik a crié ''laissez, c'est pour moi !''. J'ai tenté de le suivre, mais les gardiens m'ont claqué la porte au nez. Sur leur chemin vers la guillotine, ils criaient Vive l'Algérie.» Ce courage, Chafik l'a toujours eu, indique son frère. Lors de son procès déjà, il défia le juge, Paul Cantirini, se souvient Saleh, qui raconte la discussion houleuse entre les deux hommes. Face au juge qui leur demandait pourquoi les Melzi étaient contre la France, Chafik a répondu : «Nous sommes contre le colonialisme.» Le juge de répondre : «Vous dites cela mais en vérité vous êtes contre la France.» «Non, répond Chafik, des Français sont avec nous.» Le juge lui répond alors : «Les Arabes aussi sont des colonisateurs. Ils ont été en Espagne sept siècles, n'est-ce pas ? » «Oui, rétorque Chafik, sont-ils sortis ?» «Avec un coup de pied oui», lui répond ironiquement le juge. «La France aussi sortira par un coup de pied», lui dit alors Chafik. Le juge lui demande alors : «Comment comptez-vous faire sortir une armée régulière puissante ?» Et Chafik de répondre : «Nous faisons des embuscades. Nous tuerons vos soldats et récupéreront leurs armes avec lesquelles nous tuerons d'autres soldats.» Saleh finit de raconter l'anecdote par la déclaration du juge, à la tombée de la sentence, peine capitale pour les trois frères qui dit alors à Chafik : «Je vois que vous avez beaucoup de courage et un sourire à la bouche quand vous parlez. J'espère que vous aurez le même sourire le jour de votre exécution !» et de conclure son intervention par un «Paix à l'âme de nos martyrs, de 1830 à aujourd'hui. Continuons à protéger l'Algérie.»