La célébration du 8 Mars, Journée internationale de la femme, rappelle l'importance et la nécessité de continuer le combat pour l'émancipation des droits de la femme. Selon la présidente du réseau Wassila, Mme Fadila Chitour, cette journée n'est pas une journée de danse et de repas, mais une journée de lutte pour la continuité du combat pour l'égalité des droits des femmes. « Il ne faut jamais oublier les milliers de femmes qui ont été victimes de viol et d'assassinat en Algérie», nous a-t-elle rappelé au téléphone. Elle estime que le pays a fait un pas qualitatif en matière de protection des droits des femmes à travers l'adoption par le Sénat, en décembre dernier, du nouveau code de la famille. «C'est la première fois que le législateur algérien reconnaît la violence entre les conjoints et accorde le statut de victime à une femme violentée par son mari ou un membre de famille», a-t-elle salué. Cependant, Mme Chitour pense que le texte de loi contient une clause qui peut être dangereuse pour la victime. Il s'agit de la clause du pardon. «Les poursuites judiciaires s'arrêtent dans le cas où la victime pardonne à son bourreau. Ce qui est inadmissible quand on sait que la plupart des femmes pardonnent par peur ou par pression», a-t-elle dit. Notre interlocutrice s'est dit outrée que les pouvoirs publics considèrent la violence conjugale comme un délit mais cessent les poursuites contre l'agresseur seulement parce qu'il a été pardonné. «Le législateur ne doit pas tenir compte du pardon dans les relations interpersonnelles. Un délit doit être puni par la loi», a-t-elle martelé. Les agresseurs sexuels s'en tirent toujours Devant cette situation, Mme Chitour s'est dit très pessimiste quand à l'application du nouveau code de la famille dans les tribunaux. « Nous savons tous qu'il y a un écart très important entre la promulgation de la loi et son application sur le terrain», a-t-elle déploré. Elle en veut pour preuve, la loi sur le harcèlement sexuel au travail qui existe depuis 2004, mais «hélas elle n'a jamais rendu justice aux victimes». Plus claire, Mme Chitour explique que les peines infligées par cette loi sont dérisoires. «Généralement, l'agresseur est carrément relaxé ou la victime est poursuivie pour diffamation», a-t-elle ajouté. Une situation qu'elle qualifie de grave, quand une loi censée protéger la femme victime d'agression sexuelle est détournée au profit du coupable. Selon la présidente du réseau Wassila, depuis le début de l'année, son association a enregistré six cas de harcèlement sexuel au travail et qui ont été soumis à la justice. Il s'agit de hauts responsables, notamment des chefs d'APC, des chefs d'entreprise qui s'en sont pris a leurs employées. «Parmi ces victimes, il y a une employée qui est poursuivie pour diffamation et nous faisons notre possible pour l'aider», a-t-elle fait savoir. «J'ai été tabassée par des flics» De son côté, Mme Cherifa Kheddar, présidente de l'association Djazaïrouna, qui défend les droits des victimes du terrorisme, a souligné que le 8 mars est l'occasion pour marquer la mémoire des femmes victimes de viol et d'assassinat par les islamistes durant la décennie noire. « Nous tenons chaque année un sit-in à la Grande-Poste pour marquer cette journée qui doit être dédiée à la mémoire de ces victimes et pour que la société n'oublie pas», nous a-t-elle dit. Notre interlocutrice a confié son inquiétude quant à l'intervention «violente» des forces de l'ordre pour empêcher ce rassemblement. «J'ai été tabassée l'année dernière par des flics qui voulaient m'arracher la pancarte que je brandissais avec les noms des victimes», a-t-elle témoigné. «Ils m'ont embarquée dans leur voiture où j'ai reçu deux coup de poing et plusieurs autres coups au commissariat de Cavaignac à Alger», a-t-elle ajouté. Par ailleurs, Mme Kheddar insiste sur l'importance d'informer les femmes sur les nouvelles lois qui les protègent. Son association organise des rencontres avec les femmes pour les informer sur les droits garantis par le code pénal. «Les femmes ne connaissent pas souvent leurs droits c'est pour cela qu'elles ont peur de porter plainte», a-telle indiqué. Mme Kheddar a également critiqué l'introduction du pardon dans le nouveau code pénal qui est, selon elle, une intrusion dans la sphère privée. La militante appelle à la suppression de cette clause qui pose un réel problème pour la protection des femmes.