Ex-conseiller de Nicolas Sarkozy en charge de la diversité, et conseiller de l'Institut musulman de la Mosquée de Paris, Abderrahmane Dahmane avait dénoncé les effets contre-productifs du débat sur l'islam et la laïcité en 2011, raison pour laquelle il a choisi la même année de déchirer sa carte de l'UMP. Dans cet entretien il aborde la place de la communauté algéro-musulmane en France avant et après l'élection d'Emmanuel Macron à l'Elysée. Il estime aussi que les déclarations du fondateur du mouvement En Marche ! ne sont qu'une carte jouée pour gagner des voix des électeurs algériens établis en France. Il estime de ce fait que l'Algérie doit reconstituer une coordination avec la communauté algérienne pour lui redonner sa place dans les deux rives. Pensez-vous que le nouveau président français Emmanuel Macron pourrait, lui, cesser d'opposer les musulmans à la communauté française ? Je suis le seul musulman qui ait défendu l'islam et la communauté musulmane. Ce n'est ni Dalil Boubakeur ni le Conseil de France du culte musulman (FCM). Ces gens-là, ils ont un rapport avec le pouvoir qui n'est pas clair pour les musulmans. Je peux donc vous dire qu'il se trouve depuis quelques années une islamophobie galopante. Elle est due à deux choses : il y a une communauté victime qui a un passé avec le Maghreb aussi bien à droite qu'à gauche et essentiellement chez les socialistes. Ils ont une espèce de haine contre les musulmans et particulièrement contre les Algériens. La raison en est que lorsque l'Algérie était un département français, elle a mené une révolution nationaliste pour l'indépendance qui les (France) a surpris. Les Algériens n'ont pas fait une guerre de religion mais une guerre d'indépendance. Ils ont exprimé leur droit d'être des hommes libres, de vivre dans l'égalité. Ils en veulent à cette communauté qui est majoritaire en France. A l'exception de Jean Luc Mélenchon qui, lui, ne joue pas à ce jeu de Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, deux hommes de qualité qui ont dénoncé la déchéance de nationalité et ont dénoncé l'islamophobie, ont préféré quitté le pouvoir, la communauté musulmane fait face à un grand nombre d'islamophobes au pouvoir. Cette communauté a fait face ces cinq dernières années au plus grand islamophobe de l'histoire de France, en l'occurrence Manuel Valls. Il a utilisé et il était le seul à le faire le terme d'islamo-fascisme ! C'est lui qui a introduit la déchéance de nationalité. Cette même communauté algéro-musulmane a été, en parallèle, victime de l'islamophobie de la droite. Jean-François Copé dont la mère est originaire de Miliana. François Fillon qui a, tout récemment, édité tout un livre sur l'islam. Non sans citer le Front national qui est un parti de racisme et d'extrémisme depuis la guerre d'Algérie. Voyez-vous, c'est celui-là, le groupe, la brochette d'islamophobes à droite comme à gauche. Aujourd'hui il faut dire les choses telles qu'elles sont. Emmanuel Macron est un homme capitaliste, un produit de François hollande, donc du même système islamophobe. Emmanuel Macron a clairement reconnu la colonisation française en Algérie comme étant un crime contre l'humanité. Un pas assumé, contrairement à ses prédécesseurs, y compris François Hollande qui, lui, a seulement évoqué «des souffrances» infligées au peuple algérien. Le candidat élu d'En Marche ! va-t-il, selon vous, aller plus loin dans sa démarche ? Emmanuel Macron qui a créé le mouvement En Marche ! s'est dit qu'il y a deux millions d'Algériens en France qui votent et qui ont face à eux Marine Le Pen qui menace les immigrés de les renvoyer chez eux. Il débarque à Alger pour s'attaquer au colonialisme. Il ne parle pas de l'économie, il ne parle pas des 6 000 contrats en cours mais il joue la carte du colonialisme. Au lieu de discuter de la situation économique du pays, de ce que peut faire la France pour nous envoyer les moyens qu'on donne à nos voisins marocains où l'on va créer une nouvelle ville industrielle à Tanger, il a préféré jouer avec la psychologie de tous les Algériens. Nos parents se sont battus, ils ont décroché l'indépendance. Aujourd'hui, ce qui nous importe le plus, c'est comment acheminer les moyens technologiques vers l'Algérie pour redresser son économie et sortir de la misère. Macron a donné une bonne figure en jouant cette carte mais toute sa politique est axée sur l'Europe, les Etats-Unis. Sur les moyens pour pouvoir continuer à vivre sur le dos des Etats africains et maghrébins. La communauté musulmane et maghrébine peut-elle craindre une nouvelle stigmatisation, même avec un président qui veut rassembler et réconcilier? La place de la communauté musulmane algérienne en France est très importante. Elle est structurée, mais c'est surtout en Algérie que cette communauté est détruite avec l'article 51. Une honte et une erreur commise par le gouvernement algérien. Il faudrait reconstituer une coordination avec la communauté algérienne établie en France au lieu de la laisser déambuler entre les deux gouvernements français et algériens. La France comme l'Algérie ont besoin de cette communauté, qui n'est pas une communauté de voyous, comme le prétend Marine Le Pen. Ils sont 7000 médecins d'origine algérienne dans tous les hôpitaux français, des ouvriers, des chefs d'entreprises de bâtiment et autres qui offrent des postes d'emploi, sans parler des universitaires, des hommes de droit… qui sont aussi d'origine algérienne. Macron reste toutefois, contrairement à son adversaire, le seul qui ne les insulte pas. La causalité permanente entre immigration et insécurité s'est d'avantage accentuée depuis les attentats de 2015, 2016 et 2017. Quel est le rôle des institutions musulmanes? Son rôle est de dire que ces personnes qui ont commis ces crimes et ces attentats, ce sont des criminels. Que ce soit à Toulouse, à Cannes, ou à Paris, ce sont tous des jeunes qui ont fait de la prison, des délinquants qui vendaient de la drogue. On a joué de l'islamophobie encore et on a associé ces criminels à la religion musulmane. Les institutions ont pour rôle de dire cette vérité.