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Il est irremplaçable: Rachid Ksentini, le plus grand comique algérien
Publié dans Le Temps d'Algérie le 04 - 07 - 2017

L'Algérie a connu de très grands comédiens, notammetn Hassan Hassani, Badreddine Bouroubi, Rouiched, Mohamed Touri et Sid Ali Fernandel. Il y a eu aussi Hadj Abderrahmane (l'inspecteur Tahar) et son compagnon Yahia Benmebrouk (l'apprenti), Othmane Ariouet et d'autres tels que Souileh, mais Rachid Ksentini est irremplaçable

Cet artiste complet, qui nous a quittés le 4 juillet 1944, était comédien, parolier, musicien et chanteur. Il était surnommé tantôt le Molière algérien, tantôt le Charlot algérien. En réalité, il était les deux à la fois. Rachid Ksentini est né le 11 novembre 1887 à Bouzaréah, ce village perché sur les hauteurs d'Alger qui a été le berceau ou le site choisi par de très grands poètes, musiciens et comédiens tels que Cheikh Nador, Mohamed, Iguerbouchène et Hassan El Hassani. Rachid Ksentini, de son vrai nom Bir Lakhdar, qui était dès son jeune âge doué pour le rire, a quitté tôt l'école pour apprendre le métier d'ébéniste. Il quitte ce métier pour devenir marin pour une longue période. Durant ses longs voyages à travers le monde, il fera partie d'un cirque américain pendant 4 ans. En 1925, il retourne à Alger et sa rencontre avec Allalou qui venait de créer la Zahia troupe changera sa vie. Il montera sur les planches, aux côtés d'Allalou, Dahmoune et Mahieddine Bachtarzi. Au sein de la Zahia troupe fondée par Ali Sellal dit Allalou, il joue le rôle principal dans Djeha, la première pièce en arabe dialectal de l'histoire du théâtre en Algérie. La première présentation de cette pièce a eu lieu le 26 avril 1926 à la salle Le Kursaal. Il faut rappeler qu'auparavant, on jouait les pieces en arabe classique. Ksentini joue également dans Zouadj Bouâaqline et dans d'autres pièces. En 1928, il enregistre chez Columbia un duo avec Dahmoune. Sur le microsillon 78 tours, on peut écouter l'histoire de Seyyad Esbaâ. Rachid Ksentini deviendra très vite une star. Il se fera donc des amis et des ennemis. Certains concurrents jaloux iront jusqu'à payer des spectateurs pour le chahuter. A l'un de ces destructeurs qui lui avait lancé : «Faqou !», Rachid avait répondu : «Elli faqou Rahou !» (Ceux qui se sont éveillés sont partis). Un autre jour, alors qu'on lui jetait sur la scène des tomates et des légumes, il sort dans les coulisses et revient avec un couffin, ramasse le tout et dira à ses détracteurs : «Moi, j'ai gagné ma journée. Et si vous étiez intelligents, vous n'auriez pas payé 20 centimes pour venir me voir !»
Abandonné à Paris
Rachid Ksentini a fait partie de la troupe de Mahieddine Bachtarzi qu'il quittera définitivement après une tournée à Paris. En effet, après avoir été écrasé par une voiture, il fut délaissé par les membres de la troupe qui le croyaient mort. Hospitalisé, il ressortira après six mois. Après une période difficile à Paris, un propriétaire de café algérien lui payera son billet de bateau pour retourner à Alger. Alors que la troupe de Mahieddine était sur scène durant le mois sacré de Ramadhan, Rachid qu'on croyait mort, fit son apparition. On lui demandera de monter sur scène. Il acceptera en exigeant un banjo. Ce soir, il ne jouera aucun de ses sketchs mais chantera en s'accompagnant au banjo. A travers cette chanson, il racontera sa mésaventure de Paris, tout en dénonçant ceux qui l'ont abandonné, et décidera de quitter définitivement la troupe de Mahieddine. Par la suite, il continuera de se produire et d'enregistrer des disques avec sa compagne Marie Soussan.
Comme un cow-boy
Rachid Ksentini, qui aimait vivre à l'américaine, a gi un jour à la manière des cow-boys. En effet, le jour où le père de sa première femme (sa cousine) était venu en son absence prendre sa fille, Rachid prit deux revolvers et alla à dos de cheval reprendre sa femme. Rachid Ksentini a été sûrement le comédien le plus doué pour l'improvisation. Il était capable de monter sur scène sans avoir préparé aucun texte auparavant. Si cela est contraire aux règles du théâtre, il faut noter que beaucoup de ses pièces, chansons sont écrites dans les règles de l'art car pouvant être rejouées. Ce sont, surtout, les sujets sociaux qui font la force de Ksentini. La plupart de ses chansons sont toujours d'actualité, notamment Dengou Dengou qui décrit les jeunes filles qui allaient nager sur les plages d'Alger, notamment à Padovani, et C'est le chômage, écrite au temps de la grande misère. Rachid Ksentini est parmi ceux qui ont joué un grand rôle contre la montée de certains fléaux tels que l'alcoolisme et le charlatanisme. Avec la pièce Faqou, il aurait eu plus d'effet contre les charlatans que les discours des imams de l'époque qui avaient, pourtant, lancé une campagne sérieuse, notamment par le biais de l'Association des oulémas. Rachid Ksentini restera le précurseur du rire sur scène et son école verra la naissance de grands comédiens, notamment Hassan El Hassani, Rouiched, Bouroubi et Touri. Il est irremplaçable.


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