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Chères, chères les noces
Mariage à l'algérienne
Publié dans Le Temps d'Algérie le 09 - 08 - 2009

Se marier en Algérie n'est pas une sinécure de tout repos. Paroles de jeunes qui veulent convoler en justes noces. Quand ce n'est pas le logement qui manque, c'est l'élue du cœur qui ne répond pas aux critères de la future belle maman. Quand ce n'est ni l'un ni l'autre, ce sont les sous qui viennent à manquer. Et pour un projet de cette envergure, il en faut et beaucoup même. Cette cérémonie d'un jour doit laisser des souvenirs pour toute la vie et faire des envieux.
Ainsi, si le logement cité comme première contrainte au mariage arrive à être contourné par la location, il n'en cède pas moins la place à un souci plus grand : le coût de la fête. Qu'il soit modeste ou de la «haute», le mariage est devenu une opération très onéreuse. Il n'y a pas de mariage à moins de dizaines de millions de centimes. Les préparatifs, à eux seuls, qui s'étalent sur des mois, engendrent des frais préliminaires coûteux en kilomètres parcourus et en temps pour trouver la salle des fêtes adéquate, dénicher la perle aux mains magiques pour les tenues de la mariée et celle pour confectionner les gâteaux et enfin le chanteur ou la chanteuse et tutti quanti.
La fermeture de nombreuses salles des fêtes a fait que la recherche de cet espace doit se faire des mois à l'avance, moyennant un versement d'arrhes.
Ah, voilà l'argent qui commence à sortir ! Pour une cérémonie en après-midi, il faut prévoir une somme de
160 000 DA pour une salle de moyen standing, majorée de 20 000 DA quand elle se déroule de nuit. Plus la structure est classée, plus les prix sont élevés. Les hôtels Aurassi et El Djazaïr affichent cet été des prix mirobolants : 700 000 DA la soirée, somme à laquelle il faut ajouter les surplus de consommation ! Aujourd'hui à Alger, les petites salles exclusivement pour le repas sont les seules à être cédées au prix de 50 000 DA.
La confection des gâteaux, c'est une chose, la façon de les servir, c'en est une autre, puisque c'est ce qui semble préoccuper plus d'une, car les fêtes sont avant tout affaire de femmes !
Démodées, l'assiette et la serviette en papier. Maintenant, c'est l'assiette en verre incrustée ou en porcelaine personnalisée, ou encore une corbeille en osier ; la serviette : un carré de lin finement brodé en richelieu ou aux initiales des deux tourtereaux. Quant aux gâteaux qui vont les orner, leur nombre ne cesse de croître.
De trois sortes, leur nombre a grimpé à six puis sept jusqu'à onze, selon l'aisance des familles. La dernière des confectionneuses de gâteaux aux amandes les propose au prix de 40 DA l'unité quand les amandes sont fournies par elle et 25 DA quand cette denrée est apportée par les organisateurs de la fête.
Des graines dont les prix commencent à monter dès les premiers rayons de soleil printanier. Sachant que le prix du kilogramme oscille entre 650 et 1300 DA pour les mondées et qu'il ne permet de confectionner qu'une cinquantaine de biscuits, nous vous laissons le soin de faire le calcul lorsque les invités avoisinent les 600.

Les Algériens sont avides de fêtes huppées
Si les cartons d'invitation, pour lesquels un budget conséquent est consacré – leurs concepteurs les rendent toujours plus originaux et par conséquent plus chers – précisent que les enfants ne sont pas les bienvenus, ils ne mentionnent nullement qu'il ne faut pas venir accompagné d'étrangers à la fête.
Ainsi l'amie de la mariée rappliquera accompagnée de sa sœur, la collègue imposera sa mère, déstabilisant les calculs des hôtes. Plus le lieu où se déroule la cérémonie est huppé plus la curiosité et l'envie d'y être grandissent. Et comme les Algériens n'en sont pas et ne seront pas de sitôt au criblage des invités, il faut croire que cette tendance aura de beaux jours devant elle.
Les fêtes qui se déroulent de nuit occasionnent des options supplémentaires, comme celles de garnir sans cesse les tables. Pour faire «in», la nouveauté est de mettre un zeste de traditionnel dans ce monde de modernité. M'hadjeb, m'sammen et «petits mille trous» côtoieront canapés au saumon, petites pizzas et autres salés. Gaver les invités et les tenir éveillés jusqu'au petit matin relève de la prouesse de la maîtresse des lieux.
L'animation fera le reste. La derbouka ou la chaîne stéréo ne faisant plus la fête depuis des lustres à Alger , c'est au disc-jokey ou au chanteur qu'il sera fait appel pour animer la fête. Il va de soi qu'il est impensable d'animer une fête de mariage par un disc- jockey quand la cérémonie se tient dans une salle d'hôtel prestigieux. S'offrir Amar Ezzahi demande à débourser 300 000 DA la soirée, 180 000 DA pour Samir Toumi et un peu moins pour Samy El Assimi ou Allaoua, qui sont tout de même à 120 000 DA. Dans les régions de l'intérieur du pays, les disc-jokey sont très en vogue, malgré les réticences des anciens.
Un festival de Cannes bis
Le propre d'un mariage est d'immortaliser à tout prix la joie et le bonheur qui singularisent ces plus beaux moments de la vie. Si auparavant, un cameraman et un photographe se chargeaient de le faire, aujourd'hui ce sont deux ou trois qui sont loués pour la circonstance, sans compter les appareils numériques et les téléphones portables. Les flashs qui fusent de partout rappellent des scènes du célébrissime festival de Cannes.
Au prix de 5000 jusqu'à 12 000 DA, vous aurez un album de 200 photos, deux photos grand modèle et une cassette vidéo, alors que l'air est au DVD.Le clou de la soirée étant la mariée, elle défilera dans des tenues dont les prix défient toute logique. Parce qu'elle est de marque anglaise, la jolie robe de fête sur le marché est cédée à son plus bas prix à 35 000 DA. La basique, importée du Turquie, est déjà acquise à partir de 26 000 DA. Recourir à une couturière pour faire du sur mesure exige de multiplier les prix par deux, voire trois pour un haut de robe travaillé en medjboud ou fetla.
Le mètre dentelle de Calais perlée est cédé sur la place commerçante à 35 000DA, alors que les prix des caftans oscillent entre 70 000DA pour les pièces en vitrine et 200 000DA quand il est ramené de son pays d'origine. Les toilettes qui, passée la fête, vont se démoder et ne plus servir, sont si chères que nombre de jeunes filles préfèrent recourir aujourd'hui à la location. Les boutiques qui font dans cette pratique ont pignon sur rue. A El Biar, une boutique de robes de fêtes propose à la location des modèles princesse et robes blanches au prix de 5000 DA jusqu'à 12 000 DA la journée.
Concernant la chaussure, dont les prix ne sont pas donnés, variant entre 6000 DA et 12 0000 DA pour la chaussure italienne, elle sera déterminé par la couleur des tenues. Il reste que pour se faire plaisir et avoir des souvenirs concrets de son mariage, la jeune mariée s'octroiera les services d'une couturière pour coudre une ou deux belles tenues traditionnelles. Enfin pour être la reine d'un soir, parée de la belle parure que lui aura achetée son futur époux –
c'est l'exigence de l'heure – au prix fort, dépassant de loin la dizaine de millions, la jeune mariée va être appelée à débourser encore 7000, voire 12 000 DA, suivant les quartiers, pour la coiffure et le maquillage, sans compter le nettoyage de peau fait une semaine à l'avance, pour 3500 DA. Cette opération qui coûte en temps normal 1500 DA s'élève sans préavis aucun dès que le visage à nettoyer est celui d'une future mariée.
Moderne ou traditionnelle, la touche finale
La décoration de la belle caisse dans laquelle la mariée va avoir l'insigne honneur de monter est devenue une pièce de musée. Elle passera la journée chez le fleuriste qui devient pour la circonstance un artiste. Mais la nouvelle tendance consiste en la pose de bouquets en tissu et autres matières durables, proposés par nombre de boutiques, à l'image de la boutique du boulevard Victor Hugo, à Alger. Louée ou prêtée, la voiture dans laquelle le couple est acheminé vers la salle est rarement de bas de gamme.
La mode est aujourd'hui à la limousine américaine qui se dispute la place aux 4x4, pour 6000DA quel que soit le trajet qui sépare le domicile de la jeune mariée de la salle où une foule d'invités l'attendent. En Kabylie, une tradition qu'on croyait disparue revient pour dire oust aux voitures et autres bolides mécaniques. La mariée est ramenée dans sa nouvelle demeure sur un beau cheval harnaché des mêmes couleurs que la robe kabyle. Après le cheval en Kabylie, ce sera peut-être au tour de la charrette de Biskra de retrouver ses lettres de noblesse, qui sait !
La fête aura un goût d'inachevé, si elle ne se clôt pas par un dîner, où la viande sera servie à toutes les sauces, rouge, blanche et sucrée. Pas besoin de faire de calculs, les prix des denrées sont connus de tous, pour être si souvent décriés. Convoler en justes noces est devenu si cher que dans bien des cas, les familles des époux font acte de bon sens et organisent une fête commune, s'allégeant mutuellement les frais. Heureusement que la chambre d'hôtel est souvent un cadeau d'amis, sinon il aurait fallu ajouter à l'ardoise, déjà super salée la coquette somme de 12 000 DA pour un hôtel quatre étoiles et jusqu'à 35 000 DA pour un grand hôtel.
Le lendemain, la famille du marié accueille les beaux-parents chargés de gâteaux aux amandes pour leur montrer leurs talents culinaires. Des dépenses à n'en pas finir !


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