La capitale n'était pas très animée hier matin, mais la majorité des commerces étaient ouverts. Dans les quartiers populaires, les marchés étaient bondés. Des chaînes se formaient aussi devant les boulangeries. Mais, dès 14 h, c'est la ville entière qui s'est secouée de sa torpeur, prélude à une fin d'après-midi assez agitée. Il faut plonger au cœur de Bab El Oued pour tâter le pouls de la capitale. Dans ce quartier mythique, le plus peuplé d'Alger, c'est la cohue des grands jours, de tous les jours, dans et autour du marché couvert. Aux Trois- Horloges, les trottoirs sont envahis d'un monde fou. On y négocie le bric-à-brac habituel de produits cosmétiques, vêtements, quincaillerie et oiseaux en cage, dont les fameux «millets» qui s'arrachent à prix d'or. Du côté des légumiers, la boulimie est grande. Les acheteurs raflent quantités de fruits et légumes de saison sans se préoccuper des prix qui ont connu, ce premier jour de ramadan, une incroyable flambée. Les citoyens rechignent parfois, mais la tradition est plus forte. Les convictions aussi : «Sidna Ramdan doit être bien accueilli». Qu'importe donc les dépenses, pourvu que le repas de rupture du jeûne, du moins celui du premier jour, soit à la hauteur de l'événement, autrement dit fastueux, en tout cas différent de la pitance habituelle. Vendredi déjà, dans ce même quartier, les rues commerçantes étaient grouillantes de monde à une heure tardive de la soirée. Les «retardataires» s'arrachaient les quelques fruits et légumes exposés, ou les quelques brindilles de coriandre et de persil encore disponibles. C'est la même animation dans les petits marchés de quartier. Celui d'El Biar, plus achalandé que d'habitude, était envahi dès la matinée par les acheteurs, généralement des pères de famille d'un certain âge. Quelques femmes aussi faisaient leurs emplettes, certaines pestant contre l'absence de «rahma» dans les cœurs. Supérettes contre épiceries du coin Il était difficile, hier, de circuler dans les allées étroites des supérettes. Proposant des prix moins élevés que les épiceries traditionnelles, elles ont vu déferler de nombreux clients avides de beurre, margarine, produits laitiers divers, limonade, huile, farine et quantité d'ingrédients, les raisins secs et les pruneaux essentiellement, pour la préparation de mets spécifiques consommés durant le mois sacré. La plupart sont demeurées ouvertes vendredi, et ce deuxième jour de week-end, elles ont réussi à écouler des stocks de produits périssables. Les épiciers ne sont pas à plaindre. Hier, deuxième jour de week-end, ils étaient ouverts plus tôt que d'habitude, connaissant les réflexes de leurs congénères qui préfèrent liquider les emplettes le matin pour s'adonner à d'autres occupations l'après-midi. Aux côtés des bouchers, volaillers et autres marchands de victuailles, on comptait de nombreux autres commerces ouverts. Principalement, les kiosques multiservices et les échoppes de téléphonie dont les vitrines clinquantes ne manquent pas d'attirer les curieux, même les plus désargentés. Une virée à travers quelques quartiers nous a permis de constater également que 4 commerces sur 5 avaient ouvert leurs portes. C'est le cas de la quasi-totalité des établissements de faïence de Dely Brahim, qui ont ouvert tôt le matin, des boutiques d'informatique et des magasins d'habillement. Que l'on passe par la rue Larbi M'hidi, Didouche Mourad, Hassiba Ben Bouali ou les grandes artères de Baba El Oued, on ne manquera pas ces enseignes qui proposent soldes et autres rabais à une clientèle plutôt rare. Mobilis et les autres Stratégie commerciale oblige, les opérateurs de téléphonie ont décidé de l'ouverture de leurs agences et représentations durant le samedi. Là aussi, l'affluence n'est pas importante, comme l'a été aussi vendredi, également journée ouvrable pour ce type d'activité. Ce qui arrange les quelques clients post-payés, heureux de régler rapidement leurs factures. Comme annoncé par la direction générale de l'entreprise, les agences et recettes principales d'Algérie Poste ont fonctionné «normalement», mais les horaires ont été légèrement aménagés pour le personnel qui quitte plus tôt les lieux de travail. Idem pour les représentations commerciales et agents distributeurs des concessionnaires automobile. Il n'y avait pas grand-monde non plus. -Depuis la suppression du crédit automobile, nous avons constaté une baisse d'affluence, vous l'avez même écrit dans vos journaux-, nous indique le représentant d'une grande marque française à El Biar. Un autre revendeur dont l'enseigne fait face au stade Ouaguenouni nous a rappelé que les algériens préfèrent visiter les halls d'exposition dans la soirée, après le f'tour. «La direction a d'ailleurs prévu une animation particulière dans les magasins de la marque durant le ramadhan», nous révèle-t-il. A 11 h,Netcom Pour on ne sait quelles raisons, les équipes de nettoyage de la ville d'Alger n'étaient pas matinaux ce jour-là. A 11 h, des camions de Necom, chargés à ras-bord, circulaient à Bab El Oued, bloquant du coup la circulation dans l'avenue Boubella et son prolongement Colonel-Lotfi. C'est le même constat à El Biar, dans des rues censées avoir été nettoyées dans la soirée ou au petit matin. Est-ce le nouveau week-end qui est en cause ou le ramadhan qui a chamboulé l'organisation ? A savoir. La circulation automobile était fluide, à l'exception de l'embouteillage observé au quotidien au niveau des trois-Horloges de Bab El Oued. La gare routière de Ben Aknoun est peu animée. Malgré la présence de nombreux bus, assurant les destinations sur l'axe Bir Mourad Raïs, Birkhadem, Kouba, Garidi et les Sources ou vers Ben Aknoun, Bois des Cars et Chevalley-Bouzaréah, il y avait peu de voyageurs. Par contre, celle de Tafourah connaissait une certaine fébrilité, au même titre que les arrêts de bus attenants à la recette principale d'Algérie Poste, à la Place des Martyrs. Très important, les policiers sont postés aux endroits habituels. La timide animation des rues donne l'impression qu'ils quadrillent la ville. La ville tout entière semblait encore avoir sommeil. Mais, au fur et à mesure que s'égrènent les heures, l'animation se fait plus vive. A 14h, les boulangeries étaient prises d'assaut, de longues files se formaient devant les rares devantures ouvertes. La bousculade est prévue peu avant le f'tour, le moment propice pour les premières altercations. Mais, hier matin, nous en avons eu la primeur : excédé par un automobiliste qui lui aurait fait une queue de poisson, le conducteur d'un petit véhicule a poursuivi son «agresseur» jusqu'à un barrage de police. Aux policiers, riant sous cape, qui lui demandaient de se calmer, il a répondu ceci : «Il l'a fait exprès alors qu'il porte une barbe blanche. Si c'était un jeune, je l'aurais compris». Le plaignant devait avoir quelques 70 piges.