Igermnane est un petit village situé dans la commune d'Aït Chafaâ, dans la daïra d'Azeffoun, à 60 kilomètres au nord de la ville de Tizi Ouzou et à 80 kilomètres à l'est de la ville de Béjaïa. Son appellation suscite et attise, depuis la nuit des temps, moult interrogations et la curiosité sur l'origine de ce patronyme. On dit que ses habitants sont d'origine allemande puisque Igermnane en kabyle veut dire les germains en latin. D'après la légende, il y a de cela deux ou trois siècles, un bateau appartenant à des Allemands a accosté sur les rivages de la commune d'Aït Chafaâ, à quelques encablures de la magnifique plage du Petit paradis, à cause du mauvais temps qui perdurait. On ajoute que ces Allemands, subjugués et ensorcelés par la beauté de la région, ont décidé de s'y s'installer définitivement. D'autres affirment que leur bateau, endommagé par une bourrasque, a coulé et c'est pourquoi ils sont restés puisqu' ils n'avaient aucun moyen pour repartir. Les avis divergent et se convergent. Aujourd'hui, le mythe reste entier sur l'origine de ses habitants estimés à 500 âmes. Sont-ils vraiment des Germains ? Ou bien n'est-ce qu'une légende inventée de toutes pièces ? Ce sont les questions qui taraudent encore et toujours les esprits des habitants de toute cette région de la Kabylie maritime. En nous rendant à Igermnane pour en savoir plus sur ce mythique village, notre curiosité est restée sur sa faim. Tous les habitants que nous avons apostrophés à ce sujet, qui sont d'ailleurs d'une hospitalité légendaire, disent ignorer la réalité. Il est midi lorsque nous arrivons à Igermnane, un village séparé en deux par la RN24. Au premier coup d'œil, on constate qu'il s'agit d'un village à vocation agricole. Les vignobles, les figueraies et les champs de melon qui cernent les habitations se marient à la beauté naturelle et sauvage de la région. Un charme unique Le paysage pittoresque est enchanteur, la beauté naturelle et sublime de cette région laissent le visiteur charmé par ce lieu unique. En face de l'arrêt du village, un dispensaire. Une structure sanitaire érigée au milieu des champs hisse fièrement l'emblème national. De l'autre côté de la route, un peu plus haut, une petite mosquée, visiblement bien entretenue, exhibe, elle aussi, ses trois hauts parleurs d'ancien modèle. Rien ne présage que nous sommes dans un village… allemand ! Quelques pas seulement après le dispensaire, nous tombons nez à nez avec un épicier et une grappe de villageois. C'est le lieu où les villageois préfèrent se rencontrer. Quelques jeunes oisifs discutent entre eux à l'extérieur, un vieux reste à l'écart, assis sur une chaise en s'accoudant sur sa canne à l'ombre des arbres fruitiers et respirant paisiblement l'air. Blanc, grand de taille, ses yeux perçants sont bleus comme la mer. On dirait un vrai Allemand ! Après les salamalecs et l'explication des raisons de notre visite, le vieux, Ami Akli, visiblement gagné par le poids des ans, lâche un petit sourire. «A vrai dire, il n'y a personne qui peu résoudre l'énigme des origines de notre village, aucun historien ni écrivain ne l'a cité. On dit que nous sommes d'origine germanique en référence à l'appellation de notre village Igermnane, mais qui sait si cela est vrai ?», nous dira-t-il d'une voix claire. Deux autres villageois se sont mêlés à notre discussion. Ils sont tous du même avis que le vénérable Ami Akli. Après un tas de questions, les villageois affirment qu'effectivement deux bateaux, l'un appartenant à des Allemands, avaient échoué sur la plage d'Igermnane, il y a de cela trois siècles ou un peu plus. Leurs chassés et quelques éclisses gisent toujours au fond de la mer, non loin des rivages, affirment encore les villageois. C'est une certitude puisque certains plongeurs l'ont déjà vu. Mais ils ignorent toujours si les débarqués se sont installé ici. «De toute façon, seul un travail de recherche scientifique par des professionnels peu nous renseigner peut-être sur les restes de ces bateaux. Quant à nous, on raconte qu'il s'agit bel et bien d'un bateau allemand, sans plus», déclarera un autre villageois. Par contre, ils affirment aussi que l'appellation de ce village remonte à bien avant l'échouage de ce bateau qu'on dit appartenir aux Allemands, d'où l'énigme. Le mystère reste entier alors. Une panoplie d'indices indiquent qu'il s'agit d'un village d'origine européenne. Sinon comment expliquer qu'une partie des habitants sont des blancs, grands de taille et possèdent des yeux bleus ou verts. Le terme Igermnane n'est certainement pas berbère ou arabe, ni turc aussi. Une terre de migrants Aujourd'hui, une bonne autre partie des villageois travaille à l'étranger, notamment en France et aux USA et même en Australie. «D'éminents médecins de notre village se sont installés au pays de l'Oncle Sam. La plupart d'entre eux rendent visite à leur terre natale», nous déclare Ahmed, un homme d'un certain âge. Si l'appellation de leur village n'est certainement ni arabe ni berbère, en revanche, les noms de famille des villageois sont soit berbère soit arabe, à l'instar de tout les Kabyles. Mais, à part alors leur physique, les habitudes des habitants de ce mythique village restent les mêmes que les autres villages de la Kabylie. De leur tenue vestimentaire jusqu'à leurs habitudes et traditions. Musulmans comme tous les Kabyles, ils perpétuent à ce jour toutes les fêtes traditionnelles, religieuses ou autres. C'est un véritable dilemme pour établir une vérité. Chaque avis manque de pièces pour compléter le puzzle et constituer une thèse. «Durant la guerre de Libération, nous avons participé activement. Ce petit village a donné dix de ces meilleurs enfants pour libérer le pays du joug colonial», a affirmé un autre villageois. 13 heures passées, Ami Akli, en compagnie d'autre villageois, nous quitte en traversant la route pour gagner la mosquée d'à-côté pour accomplir la prière du dohr derrière le cheikh du village. Da Ahmed, lui, a préféré nous accompagner pour effectuer une petite randonnée au village. L'école primaire est fermée pour manque d'effectif, la dénatalité qui touche la Kabylie ces derrières années n'a pas apparemment épargnée Igermnane. Les potaches, au nombre de 13, sont scolarisés dans le village voisin. Heureusement qu'un bus communal est mis à leur disposition. Puis une virée à la plage d'en bas, une immense plage pleine de galets et interdite à la baignade. Peu de gens la fréquentent. Ils préfèrent tous se rendre à la célèbre plage du Petit paradis à côté. Sur place, les travaux de réalisation d'un port d'échouage, d'une capacité d'accueil de 30 petits métiers, sont timidement entamés dans une magnifique crique. Une dizaine de jeunes activent dans le secteur de la pêche. D'autres travaillent la terre et l'arboriculture. Au sujet de la sécurité justement, on affirme que la sécurité est rétablie après des années de terrorisme. Les touristes y affluent de plus en plus en faveur d'une sécurité retrouvée. Même l'Etat commence à se pencher sur les potentialités naturelles que recèle cette région pour les exploiter. Après le port d'attache qui est en cours de réalisation, un grand barrage d'eau sera construit prochainement au niveau de oued Ivahrizen pour irriguer la plaine de la région et alimenter la commune en eau.