Sommes-nous dans un pays où les conditions de vie sont tellement insoutenables que même la gent féminine est de plus en plus nombreuse à se jeter à la mer à bord d'embarcations de fortune pour tenter cette folle aventure clandestine nommée harga ? C'est le cas de ces quatre femmes auxquelles les gardes-côtes ont fait échouer leur tentative de traverser la Méditerranée, au même titres que 31 autres personnes, dont un bébé de 16 mois, tous interceptés ce dimanche au large des côtes d'Oran. L'autre question qui s'impose d'elle-même est de savoir si le fléau des harraga s'inscrivant désormais dans la durée est en passe de se muer en véritable mode de vie, s'incrustant ainsi définitivement dans les mœurs algériennes. A ce genre d'interrogation de l'opinion publique, des personnalités des domaines sociologique et politique répondent par la négative. En ce sens, le sociologue Musette Mohamed Saïb, chercheur du Cread et auteur d'ouvrages sur l'immigration clandestine, soutient que «le phénomène de l'immigration clandestine a toujours existé depuis longtemps. Il serait donc faux de le considérer comme un mode de vie contemporain qui a fait son apparition tout récemment». Contacté hier par nos soins, cet éminent sociologue nous explique que si «les gens tentent cette aventure, c'est parce qu'ils considèrent que c'est là la meilleur manière de contourner la série de problèmes liés à l'obtention du visa», déclare-t-il. Notre interlocuteur, partant du point de vue sociologique, mettra l'accent sur «le désir de mobilité se faisant sentir chez l'être humain». Il explique aussi le phénomène du fait que la quasi-totalité des Algériens ont des liens, notamment familiaux, basés à l'étranger, en particulier en Hexagone. Ces mêmes liens qui, de l'avis de M. Musette, leur demandent souvent de les rejoindre, tout en leur promettant une prise en charge en matière d'hébergement. Même les personnes aisées tentent l'aventure La même source met en évidence en outre l'affluence des moyens de télécommunication, à commencer par la parabole qui se dédouane comme étant un facteur stimulant de la harga. Interrogé quant à savoir si les conditions sociales de l'individu sont un facteur le poussant à tenter la harga pour paraphraser le langage populaire, il répond par la négative. Il argue ses propos en insistant sur le fait que parmi les candidats potentiels à cette folle aventure, beaucoup sont aisés. Il en veut pour preuve que ces mêmes candidats sont prêts à débourser des sommes faramineuses pour rejoindre la rive nord de la Méditerranée. Néanmoins, Musette dit que si les Algériens sont portés sur la harga, cela s'explique aussi par le fait «qu'ils sont bloqués quelque part». «Un blocage qui n'est pas forcément lié à leur situation sociale», a-t-il ajouté. Les propos du sociologue sont d'ailleurs confirmés à juste titre par le sénateur Mohamed Khodja, président de la commission jeunesse, culture communication et tourisme à la chambre haute du Parlement. M. Khodja mettra l'accent sur l'aspect relationnel qu'entretiennent les Algériens avec notre communauté basée à l'étranger, tout comme il essuie d'un revers de la main l'idée selon laquelle le phénomène de la harga est un mode de vie contemporain. La harga, une activité de la criminalité organisée Il est, en effet, un secret de Polichinelle que d'affirmer que le phénomène relève de la criminalité organisée. Des membres de ces réseaux que l'on surnomme les passeurs se chargent même de la recherche de candidats potentiels à la harga, notamment dans les régions les plus reculées du pays, confinées dans le dénuement presque total. Ce qui explique d'ailleurs le fait qu'à chaque fois que les gardes-côtes interceptent une barque chargée de harraga, ces derniers sont issus, dans la plupart des cas, de régions différentes. Ces réseaux de passeurs sont d'ailleurs incriminés par la loi en vigueur et leurs activités criminelles sont passibles d'emprisonnement.