La salle d'audience de la cour de Blida était bondée de personnes. Seuls 3 douaniers, sur les 11 impliqués, étaient présents lors de ce nouveau procès en cassation. Les avocats, forts de leurs convictions, avaient mis en relief la guéguerre entre responsables des douanes, à l'origine de cette scandaleuse affaire d'importation d'articles ménagers «interdits à la vente en Europe pour leurs nuisances à l'environnement (gaz à effet de serre)». Il convient de rappeler que suite à cette affaire remontent à 2003 lorsque quelque 90 conteneurs de 40 pieds ont été mobilisés au port d'Alger. A l'intérieur étaient entassés pas moins de 4000 réfrigérateurs de la marque britannique Beko importés de Turquie par l'entreprise Paxo dont le registre du commerce portait le nom de Zenasseni Abdelmalek, lequel a loué à M. Medahi (il était lié par un contrat avec une entreprise en vue d'importer 50 000 unités) qui par la suite a fait l'objet d'une plainte introduite par les douanes algériennes. Ces dernières lui reprochaient d'avoir fraudé sur la valeur en les facturant à 20 euros l'unité. La confirmation de la valeur expédiée par les douanes européennes sur demande des douanes algériennes et dont le document d'authentification a été sciemment dissimulé au même titre que des milliers de documents similaires (120 000 enquêtes diligentées par les services français pour le compte des douanes algériennes) constitue une infime partie des non-dits dans cette scabreuse affaire pour laquelle des lampistes ont constitué la chair à canon. Dans un réquisitoire que les avocats ont estimé exagéré, le procureur de la République avait requis une peine de deux années de prison à l'encontre des 8 personnes impliquées et absentes au procès en dépit des convocations expédiées par la cour. Exagéré effectivement lorsque le représentant du ministère public avait exigé le raffermissement des peines affligées aux trois douaniers présents. Lors de leur audition, les trois douaniers, curieusement les seuls à être relevés de leurs fonctions depuis 7 années, ont répondu aux questions du président de la cour. Qui est en charge d'arrêter les valeurs ? A la question de connaître le bien-fondé de la réquisition de la Gendarmerie nationale visant le gel des produits, l'inspecteur principal aux opérations commerciales (Ipcoc) fit état de son obligation de se référer à la hiérarchie à l'origine de la réception de cette réquisition. Une démarche qui lui a valu d'être taxé de négligence. Selon l'accusation, le temps écoulé dans cette démarche «aurait permis à l'importateur d'enlever une partie de sa cargaison». La valeur déclarée et la valeur réelle étaient au cœur du procès, et sur ce point, les trois douaniers (Ipcoc, directeur adjoint au contentieux et directeur adjoint du premier responsable d'Alger Port) avaient expliqué que «la valeur des marchandises est arrêtée en vertu de la circulaire 11 émise par la direction générale et le bulletin 195 émis après l'enlèvement et permettant le contrôle a posteriori». Lors de leurs interventions, les avocats (maître Bourayou Khaled, Abderrezak Chaoui et Amara Mohcène) ont ouvertement affirmé que «c'est un dossier confectionné par des personnes qui ont agi par intérêt». Une source digne de foi nous a indiqué que «suite à cette affaire, l'entreprise Paxo a été délestée de ce marché et remis à un importateur exerçant à l'est du pays». Dans leur plaidoirie, les avocats ont tenté de démasquer les véritables auteurs de cette affaire, en l'occurrence certains cadres dirigeants à l'origine des démarches ayant conduit à la revalorisation de ces articles à 32 euros. «La réquisition des gendarmes est illégale et constitue le noyau de cette affaire», dira maître Amara tandis que maître Chaoui a clamé l'innocence de ses clients en affirmant que «la Direction générale des douanes à dépénalisé l'affaire dans une missive adressée à la Cour suprême», précisant dans ce sens «l'absence d'éléments constituant l'infraction». Dans sa plaidoirie et sans hésiter, maître Chaoui martèlera : «Cette affaire n'est autre qu'une diversion nuisible visant à interdire l'importateur d'exercer aux fins de donner le marché à un autre.» Il finira par dire : «Pourquoi les responsables à l'origine de la réunion de réévaluation ne sont pas cités dans ce dossier ?» Il faut savoir également que lors de cette affaire, des personnes ayant des desseins inavoués ont adressé une lettre anonyme dans laquelle ils ont arrêté la valeur à 225 euros. Une façon de jeter de l'huile sur le feu. Les non-dits La défense a mis à nue certains aspects liés à cette affaire et, par voie de conséquence, impliqués bon nombre de hauts responsables de l'institution des douanes. «Suite à la découverte de cette pseudo fraude, le divisionnaire a provoqué une réunion le 17 août 2003 mais sans émarger sur le PV, n'est-ce pas là un indice révélateur ?», avait relevé maître Chaoui. «Peut-on concevoir que des responsables puissent provoquer une réunion, éludent la signature du procès-verbal et pour finir, expédier celui-ci à la DG, laquelle à diligentée une enquête ?», s'interrogea maître Amara Mohcene en précisant que ce dernier, divisionnaire de son état, n'a pas été inquiété. Il faut savoir que suite au redressement infligé à l'importateur et au transitaire (ce dernier a été soumis au versement de 186 milliards de centimes), de hauts fonctionnaires des douanes, à l'instar de Slimani (représentant officiel de l'administration des douanes), Torsch (responsable de la prévention et de la sécurité) et Seffouane (responsable du contentieux) ont été radiés du corps. Ils leur a été reprochés d'avoir gonflé excessivement le redressement et d'avoir «mouillé dans des affaires délictueuses». Il sied de souligner qu'au terme de l'audience qui a pris fin vers 18h, le président a annoncé la délibération, tout en précisant que le verdict sera rendu le 27 du mois en cours.