La 16e conférence internationale du gaz est devenue un ogre budgétivore que rien ne semble assagir. Demain, quand les lampions seront éteints et qu'il s'agira de faire les comptes, la note sera salée et ses répercussions prendront des années avant de s'estomper. Sonatrach, qui est le maître penseur des cérémonies et l'ordonnateur de cette «messe» qui regroupera les représentants de plus d'une centaine de pays, a déboursé pour la réalisation du palais des conventions, l'installation d'un chapiteau au niveau de l'aéroport international d'Es Sénia et l'aménagement de 2 quais du port d'Oran pour l'accostage de deux bateaux palaces et l'embellissement d'une partie de la ville, près de 800 millions d'euros. Les travaux menés au pas de course et supervisés par le premier responsable du secteur de l'énergie, qui effectuait des visites mensuelles des différents chantiers, sont actuellement aux dernières retouches. Mais cela, de l'avis de bon nombre d'observateurs, ne veut en aucun cas dire qu'ils seront définitivement livrés. Le palais des conventions (CCO), dont la réalisation a été confiée à l'entreprise espagnole OHL qui a réalisé le Centre de conventions international de Barcelone (CCIB), qui avait abrité la 15e LNG, pourrait donner plus tard des insomnies à ses gestionnaires. L'amortissement de cet édifice imposant pourrait s'avérer problématique pour Sonatrach qui a engagé, dans sa concrétisation, son image de marque. Le CCO qui compte un auditorium de 3000 places, deux salles de sessions de 500 places chacune, 20 salles de réunion, un palais des expositions de 20 000 m2, d'une salle de banquet de 2000 couverts et d'un hôtel cinq étoiles de 300 chambres (label Le Méridien) s'impose comme la réalisation majeure en Algérie durant ces cinq dernières années. Il rappelle, dans sa stratégie de réalisation, les complexes clé en main construits durant les années 1970. OHL, qui avait remporté le contrat pour sa concrétisation, s'est appuyé sur le know-how et la main-d'œuvre espagnol. Aussi bien les cadres que les agents de maîtrise sont espagnols, ne laissant que les emplois de subalternes et d'ouvriers sans qualification à la main-d'œuvre locale. Cette façon d'agir a été expliquée par les responsables de l'entreprise, au cours d'une conférence organisée par le centre culturel Cervantes à Oran, par des impératifs de contrat et de délais de livraison. Tous les éléments du CCO ont été montés sur les lieux et ses plans de construction dessinés au fur et à mesure de l'avancement du chantier par le bureau d'études installé sur le site. Aucun espace n'a été laissé à la sous-traitance pour les entreprises locales ou nationales. Lors de sa dernière visite à Oran, qui avait coïncidé avec l'éclatement du scandale des cadres de l'activité aval, Chakib Khellil, avait assisté à une partie des essais techniques du système de sonorisation qui ne semble pas encore au point quelques jours avant la tenue de la conférence. Et même si un grand effort est déployé pour les travaux d'embellissement de la ville, plusieurs responsables locaux affirment que plusieurs chantiers ne seront pas livrés à temps. S'y est-on pris en retard ? Non s'accordent à reconnaître les observateurs qui estiment que cela est dû à l'importance des travaux engagés. Et à ce jour, les budgets prévisionnels ont été largement dépassés puisqu'on parle d'une rallonge de 500 millions d'euros qui aurait été débloquée pour être au rendez-vous. A ces frais s'ajouteront la facture de la location de deux bateaux palaces affrétés auprès d'une compagnie espagnole au savoir-faire reconnu en matière d'organisation de croisière, la note des travaux de déroctage du port d'Oran pour augmenter son tirant d'eau et permettre ainsi l'accostage de ces navires et celle de menues prestations qui s'élèverait à des milliers d'euros. Mais les véritables appréhensions des organisateurs se situent au niveau du rang des délégations invitées à participer. Les scandales qui ont secoué le géant pétrolier Sonatrach ont terni son image, au point où plusieurs gouvernements invités n'ont pas encore répondu favorablement. Ceci est valable également pour les groupes gaziers et pétroliers aux compagnies de liquéfaction, maritimes et autres qui temporisent. Cela augure-t-il d'un échec de ce rendez-vous préparé à coups de devises sonnantes et trébuchantes ? Non, pas forcément, estiment certains observateurs, précisant que d'ici l'ouverture des travaux, bien des choses peuvent intervenir au niveau du marché gazier, des cours du brut et sur le plan politique entre la Russie et l'Europe. Les événements qui secouent la Kirghizie pourraient, s'ils venaient à déteindre sur leurs voisins, entraîner des tensions sur les livraisons de gaz russe à l'Europe, et cela pourrait servir la 16e LNG. Mais en attendant, la note de frais de la 16e LNG n'est pas encore clôturée…