En ajoutant une corde au ôud (luth), Zyriab, le père fondateur de la musique andalouse, ne savait peut-être pas que des virtuoses de cet instrument allaient naître 1000 ans après lui. Si en Egypte, les noms de Saïd Derwiche, Farid El Atrache et Mohamed Abdelwahab sont indissociables de l'histoire du ôud, en Algérie, le luth est également lié à des noms d'artistes. Le plus grand des virtuoses est incontestablement le chanteur, musicien et compositeur de Laghouat, Ray Malek. De son vrai nom Djoudi Mohamed, Ray Malek a commencé par se faire remarquer dans la zaouïa des Moussaoui par sa belle voix. Par la suite, il a connu un juif qui l'a initié à la flûte. Cet apprentissage lui servira lorsqu'il fuira Laghouat après des menaces d'un policier français. Ray Malek, tambourin major Pour éviter la prison, il s'est engagé dans l'armée où il fut désigné joueur de tambourin, avant de devenir tambourin major du 17e régiment à Chalan sur Chanvres, en France. Le jeune Mohamed, qui a travaillé d'abord comme postier comme son père, a fini par revenir à Laghouat, avant d'aller faire le même métier au Maroc où il se fera remarquer en tant que chanteur et musicien. Sa notoriété allait grandir jusqu'à devenir parmi les idoles du roi. D'ailleurs, son surnom Ray Malek vient du fait que les agents qui lui demandaient de chanter encore auprès du roi lui disaient : «C'est l'avis du roi (ray el malik).» Ray Malek, qui était un virtuose du ôud, était également un chanteur de talent et un grand compositeur. D'ailleurs, plusieurs chansons attribuées à d'autres musiciens lui appartiennent. C'est le cas de Ya Kaâba ya bit Rebbi et de plusieurs chansons enregistrées par Abderrahmane Aziz. Le grand artiste de la ville de Annaba, Mohamed El Kourd, qui jouait plusieurs instruments, dont le piano à pression qu'il a introduit à la radio, était également l'un des plus grands virtuoses du luth. D'ailleurs, El Kourd, qui a rencontré et chanté pour son sosie Eisenhower en 1943, était célèbre et bien plus doué que le Constantinois Cheikh Raymond, pourtant classé parmi les meilleurs de l'histoire du malouf. Il faut rappeler que Mohamed El Kourd est l'auteur et compositeur de Billahi ya hamami, reprise actuellement par de grands chanteurs qui malheureusement ne le citent jamais. L'école de Tlemcen et du Sahara Dès le début des années trente, Abdelkrim Dali s'est fait remarquer par sa maîtrise du ôud. D'ailleurs, la ville de Tlemcen est connue par les joueurs de luth, dont beaucoup tels que Fayçal El Mezouer se contentaient de jouer dans des associations. L'Oranie a été marquée par le chanteur Ahmed Wahbi qui a pu garder le style oranais malgré son approche de la musique égyptienne. Il était parmi les meilleurs joueurs de luth d'Algérie, tout comme la chanteuse Reinette Daoud. Mohamed Tahar Fergani et son fils Salim son aussi de véritables virtuoses. Après la mort de Cheikh Belkbir, le grand maître du chaâbi, la ville de Béchar a vu l'émergence de virtuoses, notamment Alla et Hocine Zaïdi, le chef du groupe El Ferda. Il est à noter que la ville saharienne de Djanet a également son grand chanteur, en la personne de Othmane Bali qui était un grand maître du luth. Maâti Bachir, l'autre virtuose Le chef d'orchestre et compositeur Maâti Bachir a été parmi les virtuoses qui ont fait les beaux jours de la radio et télévision algérienne, tout comme Tahar Ben Ahmed. Maâti Bachir a commencé par chanter, mais s'est spécialisé dans la composition musicale. Il avait composé pour des dizaines de chanteurs, notamment ceux qui sont passés par l'émission «Elhane Oua Chabab» dont il était le chef d'orchestre et membre important du jury. Bien qu'il ait toujours refusé d'enregistrer et d'être médiatisé, le luthier blidéen Mohamed Benaïcha était un virtuose du ôud et du bouzouki d'un niveau mondial. Une autre génération de virtuoses tel le professeur Bachir Mazouni existe actuellement, mais n'est pas reconnue à sa juste valeur. Une émission télévisée consacrée aux virtuoses et solistes pourrait y remédier.