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Blida : prostitution, tchipa et enseignants véreux
Reportage
Publié dans Le Temps d'Algérie le 10 - 02 - 2009

Les gens communs s'accordent souvent sur un fait : la fac est un lieu de culture, de savoir et de science. Toutefois, en s'aventurant dans ses dédales, on découvre un autre visage qui nous fait comprendre que ce que nous venons de voir n'est qu'un masque.
Plus les étudiants avancent dans leur cursus, plus ils font de nouvelles découvertes. A leur grande surprise. Et la surprise est d'autant plus grande pour ceux de sexe féminin. Surtout à la fin des examens. Certaines étudiantes découvrent quelquefois que leurs notes ne correspondent guère au travail fourni. Leurs notes sont en deçà de leurs attentes.
Commencent alors les «tractations» avec l'enseignant. «Les pourparlers» ne dépassent pas quelques minutes. Les intentions du «prof» sans scrupules sont vite dévoilées. Ignobles. «Un de mes enseignants me l'a signifié carrément : ‘'je reconnais que tu as travaillé et que tu mérites mieux que cela, mais j'ai envie de... toi''», raconte Nadia, étudiante en droit. Après un petit effort, elle lâche enfin, non sans indignation :
«Il m'a demandé de passer une nuit en sa compagnie à Zéralda», ajoutant : «Mon problème devait être réglé le lendemain, à la première heure.» Devant mon refus catégorique de tomber dans son jeu et la menace de le dénoncer, il me répond par ces propos : «Va voir qui tu veux et tant que je prends en charge ce module, tu seras condamnée à passer ta vie à l'université», ajoute Nadia. «Et il n'a pas hésité à mettre ses menaces à exécution.» Le cas de Nadia n'est en fait qu'un petit échantillon.
Le bakchich aussi
Souvent lorsque «la cible» refuse de courber l'échine et de satisfaire la libido de son enseignant, elle doit alors chercher un autre moyen de s'en sortir tout en gardant la tête haute. Et le chemin le plus sûr est celui du bakchich, la tchipa. «Lorsque, j'ai refait l'année, j'ai eu le même prof. Retour donc à la case départ. A la fin de l'année, suivant le conseil d'une copine, je suis allée voir un employé à l'administration.
Celui-ci a exigé la somme de 5000 DA», nous a raconté Nadia. «Comme je n'avais pas le choix, poursuit-elle, j'ai dû emprunter à gauche et à droite cette somme faramineuse et mon cauchemar a pris fin.» Selon des agents de l'administration, il existe à l'université de véritables réseaux de ce genre. Ainsi, certains enseignants malhonnêtes et «administrateurs» sans scrupules travaillent en étroite collaboration. Et l'étudiant se trouve dans l'obligation de payer la rançon.
Le prix de sa note. Faut-il se méfier des enseignants ? Pas tous, car il existe bel et bien des professeurs qui n'acceptent en aucun cas et en dépit de leur situation sociale délicate ce genre de pratiques. Préférant ainsi donner un sens à la noble tâche qui leur est assignée, à savoir la transmission du savoir.
Toutefois, certaines sources parlent de «trucages» qui se font à l'intérieur même de l'administration. Quel genre de trucages et comment cela se fait-il ? L'opération est toute simple, en voici donc la recette. Lorsque les copies d'examen parviennent à l'administration, des «mains invisibles et démoniaques» revoient les notes. Cela, bien sûr, tout en choisissant la victime. Ainsi, lors des délibérations, les notes affichées sont autres que celles que l'enseignant a attribuées.
Cependant, si l'étudiant découvre ce «trafic» et qu'il va se plaindre au correcteur de sa copie, qui est aussi son enseignant, il est fort probable que l'erreur soit corrigée. Cela sera justifié, par la suite, par le simple prétexte de «faute de frappe».
Les sentiers de la prostitution
«Occupation : étudiante. Profession : prostituée.» Cela se passe dans un endroit informel à Blida. En y entrant le soir, plusieurs figures féminines qu'on voit la journée à l'université viennent ici pour se faire du fric. Vous qui êtes de passage devant les cités universitaires des filles, ne soyez pas étonnés du nombre de voitures rutilantes et flambant neuves stationnées à l'entrée. C'est, en effet, un marché florissant de «la bonne chair».
Les étudiantes, souvent en quête d'argent, se font avoir par des jeunes issus des quartiers huppés de la ville de Blida. Si certaines filles le font pour s'amuser et profiter de leur jeunesse, d'autres s'y adonnent par pauvreté. Issue de l'intérieur du pays, Salma affirme fréquenter les boîtes de nuit juste «pour aider ses parents pauvres». «A la maison, tout le monde croit que je travaille vraiment.
Chaque mois, en rentrant, je leur apporte tout ce dont ils ont besoin. Je sais qu'ils ne pourront jamais découvrir la vie lascive et licencieuse que je mène», a souligné notre interlocutrice qui refuse le qualificatif de prostituée. Elle affirme, néanmoins, ne jamais regretter son geste «du moment que je sais qu'à la fin de mon cursus, j'aurai de fortes chances de trouver un emploi et je peux espérer encore plus». Salma nous apprend, en outre, l'existence de proxénètes dans l'enceinte même des résidences universitaires.
«Ce sont d'anciennes étudiantes qui ont pu décrocher un job ici à Blida ou même à Alger et à qui on a octroyé des chambres. Cela, sous les yeux bienveillants des agents de sécurité qui cautionnent leurs pratiques.» A noter dans cette optique que ce phénomène se passe dans la plupart des cas au vu et au su des responsables des résidences universitaires. Cependant, il existe comme un pacte tacite entre eux et ces anciennes étudiantes.
Le casse-tête chinois
Par ailleurs, ce qui est frappant dans cette histoire, c'est le nombre d'étudiants et d'étudiantes qui viennent tout juste de débarquer à l'université et qui n'ont pas bénéficié de chambres à la cité universitaire. On ne comprend vraiment plus rien lorsqu'on apprend que des chambres sont inoccupées et que des étudiants cherchent chaque soir où passer la nuit. Y a-t-il un capitaine dans le bateau pour contrôler et mettre un terme à cette situation dramatique ? Assurément pas.
Ce problème se répète indéfiniment. Et avec la masse estudiantine qui arrive, l'on se demande comment le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique compte régler ce problème. Et comment, par-là même, l'Office national des œuvres universitaires (Onou) compte le gérer. C'est, en effet, un véritable casse-tête chinois.
Cela en dépit des assurances de Rachid Harraoubia qui affirme que son département «réceptionnera quelque 70 000 places pédagogiques et un nombre important de lits». Toutefois, la situation demeure telle quelle. Autre phénomène qui apparaît au grand jour et qui vient s'ajouter à la ribambelle de fléaux secouant l'université : les vols. En effet, lors de la grève déclenchée l'année dernière à l'université Saâd Dahleb, les étudiants affirment que plusieurs agressions physiques ont eu lieu à l'intérieur même de la fac.
Ces violences, nous affirme-t-on, sont perpétrées par des individus étrangers à l'université. Ainsi donc, l'université algérienne n'arrive toujours pas à s'extirper de la mélasse. Pourtant, selon un analyste, «l'étudiant coûte à la collectivité 100 000 DA par an, soit en moyenne cinq à sept fois moins que le coût d'un étudiant en Europe». Une situation à méditer.


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