L'Expression: Dans votre intervention, vous avez affirmé que le développement dans la bande sahélienne est l'une des stratégies qui pourraient assécher le terrorisme. Comment cela est-il possible? Mohamed Bazoum: En effet, il faut dire que pour réussir à asseoir la sécurité et la stabilité dans les pays de Sahel, le Niger a soutenu et soutient encore que le développement constitue l'une des solutions idoines pour contrer le terrorisme dans cette région du Sahel. Le développement demeure donc l'un des défis majeurs que ces pays doivent, ensemble, relever pour assécher enfin les fléaux du terrorisme et celui de la criminalité. Pour cela, il faut qu'il y ait une étroite et efficace complémentarité entre les efforts consentis par les pays du champ (Algérie- Mali, Mauritanie, Niger) et les partenaires extrarégionaux. Cela dit, le soutien des partenaires bilatéraux, notamment les cinq pays membres du Conseil de sécurité, les bailleurs de fonds et les organisations régionales et internationales, invités à cette Conférence, est déterminant. La lutte contre le terrorisme et la grande criminalité au Sahel exigent de ce fait, des pays concernés d'initier dans l'immédiat, des programmes de développement dans la région. Des programmes qui sont devenus, faut-il le dire, plus que jamais des défis à relever. Ces projets d'investissement doivent être de nature à créer d'autres conditions radicalement différentes de celles qui prévalent aujourd'hui. Ils doivent d'abord être conçus et définis au préalable en vue de leur mise en oeuvre. Cette conférence est une très bonne opportunité qui s'offre à nous aujourd'hui, pour arrêter avec nos partenaires extrarégionaux, en l'occurrence l'Union européenne, le gouvernement américain, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque africaine et la Banque islamique, des stratégies de développement et donc de lutte contre le terrorisme et la criminalité. Ces stratégies ne s'articuleront pas seulement sur des questions sécuritaires mais surtout sur les questions de développement. Vous comptez sur les partenaires extra-régionaux pour asseoir une stratégie de développement pour la région du Sahel, où est le rôle des pays concernés? En tant que pays du Sahel, nous devons concevoir des plans de développement intégrés de la sous-région, mais nous avons besoin de bailleurs de fonds traditionnels et des organisations régionales et internationales, qui sont présents ici, dans la Conférence, pour financer ces stratégies. Il ne faut pas se voiler la face, nous manquons cruellement de financements. Car, il s'agit, comme je l'ai dit dans mon discours, d'assécher le terreau sur lequel se sont développées des vocations terroristes, jusqu'à présent. Et j'ai dit également dans mon discours que ces vocations ne sont pas seulement doctrinaires ou spontanées, mais elles sont le fait des influences qui se sont exercées sur un certain nombre de jeunes à partir de la tentation d'argent. Profitant des besoins de jeunes, le terrorisme a élargi ses foyers parmi les catégories juvéniles. C'est pour ces raisons objectives que nous considérons que le développement va jouer le rôle de rempart devant la mouvance terroriste dans la région du Sahel. Quelle est la nature du partenariat que vous attendez des Occidentaux? Les offres de partenariat et de coopération sont claires et précises. Nous demandons une coopération correspondant aux besoins des pays de la région, tels que définis par eux-mêmes. Nous au Niger, nous avons une stratégie de développement. D'ailleurs, nous travaillons actuellement sur un plan de développement intégré, qui concerne non seulement le Niger mais aussi la sous-région sahélienne. Cette stratégie est en phase de finalisation. Le Mali a, également, annoncé son plan de développement des régions du Nord, l'Algérie a certainement quelque chose, la Mauritanie pareillement. Et d'ici quelques mois, nous devons confronter nos plans de développement et faire une fusion de tous ces plans, qui vont être la stratégie de développement de la région sahélo-saharienne qui répondra aux besoins du combat que nous menons contre le terrorisme. Cette stratégie doit être donc soutenue et appuyée par nos partenaires extra-régionaux. Y a-t-il une volonté de la part des partenaires extra-régionaux de prêter main-forte aux besoins exprimés par les pays du Sahel? En effet, les prémices sont là. Leur présence avec nous lors de la Conférence d'Alger et leurs déclarations en sont une preuve qui renseigne sur leur bonne volonté. Aussi, il faut souligner que l'objectif même de la présente conférence est surtout de dégager une vision et une stratégie commune du partenariat entre les pays du champ et leurs partenaires extra- régionaux pour contribuer à la mise en oeuvre de la stratégie régionale unifiée, arrêtée lors des Conférences d'Alger en 2011 et de Bamako en 2010. Au cours de votre intervention, vous avez mis l'accent sur le soutien que les Français doivent fournir au Niger. Pourquoi spécialement la France? Vous savez que la France a de grands investissements dans le domaine minier au Niger, notamment dans l'exploitation des gisements d'uranium. Aujourd'hui, après les enlèvements qui ont visé les ouvriers étrangers de ces exploitations, le Niger doit recevoir un soutien de la France, un soutien financier pour assurer et financer les opérations de sécurisation des lieux. Le Niger n'a pas les moyens financiers pour faire face à la menace terroriste qui pèse sur les zones d'exploitation de l'uranium. Et la France est le premiers pays concerné dans ce domaine précis. Des informations soutiennent que des convois de voitures conduisant des proches d' El Gueddafi sont arrivés au Niger. Confirmez-vous ces informations? Actuellement, il y a, en effet, des convois de véhicules, qui traversent la frontière nigérienne emmenant des Libyens pro-El-Gueddafi sur notre sol. Jusqu'ici, nous avons enregistré 5 convois de voitures dont le nombre varie entre 8 à 10. Et nous savons qu'il y a parmi les réfugiés à bord de ces voitures l'un des proches d'El Gueddafi.