Le président rwandais, Paul Kagame, est arrivé hier en France pour sa première visite officielle depuis le génocide de 1994 afin de rebâtir une relation toujours marquée par le contentieux autour du rôle joué par la France avant et pendant les massacres. M. Kagame était attendu hier en début d'après-midi et doit aussitôt rencontrer des membres de la diaspora à Aubervilliers, en banlieue parisienne. Aujourd'hui, après avoir donné une conférence dans la matinée, il doit déjeuner avec Nicolas Sarkozy. Cet entretien sera consacré «au développement du partenariat entre nos deux pays et à l'approfondissement de notre coopération» a indiqué l'Elysée samedi en ajoutant que «les principaux dossiers régionaux et internationaux seront également évoqués». Cette visite répond à celle du président français en février 2010 à Kigali. Nicolas Sarkozy avait alors reconnu «une forme d'aveuglement» de la France pour n'avoir pas «vu la dimension génocidaire» du régime rwandais hutu que Paris soutenait à l'époque, et dont les éléments extrémistes allaient orchestrer le massacre de plus de 800.000 personnes, en grande majorité d'origine tutsi, entre avril et juin 1994. Ces propos avaient été salués par le régime de Paul Kagame, issu de la guérilla du Front patriotique rwandais (FPR) qui a pris le pouvoir en juillet 1994. Censée parachever cette réconciliation, la venue de Paul Kagame fait cependant grincer des dents en France, notamment chez les militaires. Kigali a longtemps accusé les militaires français de complicité de crimes de génocide en ayant, sous couvert de l'opération Turquoise déployée en juin 1994, d'avoir permis la fuite de milliers de génocidaires hutus, protégés de l'avancée du FPR par l'établissement d'une zone humanitaire. Allant plus loin, un rapport parlementaire rwandais a affirmé en 2008 que la France a participé à la formation des génocidaires et accuse ses soldats d'avoir directement pris part aux massacres. «Une insulte» pour le général Jean-Claude Lafourcade, patron de l'opération Turquoise, qui «n'accepte pas que la France accueille sur son territoire un homme qui insulte l'honneur de l'armée française». Fait rare, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, poste qu'il occupait en 1994, sera en déplacement dans le Pacifique au moment de la visite de Paul Kagame. Certains diplomates à Paris s'interrogent aussi sur l'opportunité de cette visite, alors que l'évolution du régime Kagame le ferait s'éloigner, selon eux, de la démocratie et de la défense des droits de l'homme. Kigali attend en tout cas des investissements français plus conséquents au Rwanda, dans l'énergie, les infrastructures et le tourisme. M. Kagame doit conclure sa visite demain par une rencontre avec le patronat français.