«Il est inadmissible d'instrumentaliser la justice pour interdire les activités politiques d'un parti agréé par les lois de la République.» C'est en ces termes que le président du Syndicat national des magistrats, Me.Raïs El-Aioune, a qualifié l'interdiction par le parquet d'Alger de la tenue du congrès extraordinaire du FLN «quel que soit le lieu, public ou privé, ou dans les locaux du parti à travers tout le territoire national», lors d'une conférence de presse animée, hier, au siège du syndicat sis à Bir Mourad Raïs, en présence de Me.Khaled Bourayou, Miloud Brahimi et Nordine Taleb ainsi que de Abdelhak Brerhi, membre du Cnsr et Cnsl. «Le plus incroyable dans cette affaire, c'est que l'audience s'est déroulée dans des conditions inhabituelles, voire douteuses, à savoir la nuit. Dans le cas d'extrême urgence, le premier responsable de la cour d'Alger se devait d'être avisé. Dans un système judiciaire fonctionnant normalement et indépendant, cette affaire aurait exigé l'information du premier responsable de la cour, d'autant plus que les affaires de référé doivent impérativement passer par lui», a-t-il ajouté sur sa lancée. «En convoquant ce point de presse, je tiens à dénoncer toute cette machination qui a souillé la justice, instrumentalisée à des fins personnelles. Mais aussi pour remettre les choses dans leur contexte réel tout en rendant un grand hommage à Me Zitouni pour avoir dénoncé cette cabale initiée à son insu», a rappelé le conférencier avant de revenir sur la genèse de l'affaire. «A aucun moment de cette journée, je n'ai vu cette affaire inscrite quelque part. Je n'en savais strictement rien. Nous sommes devant une situation où les procédures légales et normales ont été clairement violées», a déclaré auparavant Zitouni à la presse. «Dans la soirée de mercredi, j'ai quitté le tribunal à 18h, tandis que le président de la cour, M.Zitouni, n'est parti qu'aux environs de 19h. Mais avant de quitter les lieux, il avait remarqué la présence de greffiers dans les couloirs.» En leur demandant le pourquoi de leur présence à cette heure tardive, Zitouni a eu cette réponse laconique: «On nous a informés qu'on doit traiter une affaire urgente et importante, alors nous attendons.» Sans trop y donner d'importance, il quitte les lieux. «Et ce n'est que le lendemain qu'il apprend que la cour qu'il préside a rendu un jugement sans qu'il en soit informé», rappelle le président du Syndicat national des magistrats. Non seulement, le premier magistrat de la cour n'a nullement été informé de ce qui se tramait au tribunal en cette soirée de mercredi, mais n'a pas été consulté non plus sur la désignation du magistrat qui a pris cette décision, en l'occurrence Mme Benyoucef, qui avait présidé la section délits de presse au tribunal d'Alger au début des années 1990, «ce qui est une atteinte à la procédure légale et du jamais vu dans l'histoire de la justice». Sur l'éventualité de l'annulation de la décision rendue par Me Benyoucef, Raïs El-Aioune a déclaré: «Personne ne peut annuler cette décision, seul le président de la cour est apte à le faire.» Au sujet de la capacité du magistrat à prendre une telle décision, Zitouni avance: «Cette magistrate figure parmi d'autres de ses confrères que j'ai désignés pour ce type de procédure. Mais dans le cas qui nous intéresse, l'affaire est importante non seulement par son contexte particulier, mais aussi par la gravité du dossier. Mes attributions me confèrent en l'occurrence la possibilité de désigner un magistrat autre que ceux déjà prévus. Mais n'étant pas informé, je n'ai procédé à aucune désignation.» Dans le même ordre de procédure, la notification, lorsqu'elle est faite après les heures légales, exige pour être considérée comme régulière, et selon les articles 172, 459 et 463 du code de procédure civile, une autorisation expresse du président du tribunal. Or, ces derniers ont été totalement ignorés. «Cette affaire, expédiée clandestinement dans l'enceinte du palais de justice, après les heures de travail normales, est un complot judiciaire», a déclaré à la presse Me Bourayou, interrogé sur la conformité de la procédure. «Tous les ingrédients du complot sont là. La préméditation, la résolution de mener à terme le stratagème. Le président de la cour a été délibérément exclu parce qu'il est sans obédience et parce que l'on craignait peut-être qu'il ne cautionne pas la décision», a-t-il affirmé. Ce qui démontre totalement son caractère politique à l'instar de la campagne de harcèlement contre la presse et les libertés d'expression.