Le mois sacré est devenu la période où une partie de la population se remplit le ventre et où l'autre remplit ses caisses. Pour savoir que le mois de Ramadan approche, on n'a pas besoin d'avoir un calendrier ni de lire la presse ou d'écouter la radio. Il suffit de faire un tour du côté de nos marchés et de demander les prix de nos fruits et légumes. Et là celui qui a l'habitude de faire le marché constatera que les prix passent du simple au double quand ce n'est pas au triple. La pomme de terre a été vue à 50 DA et l'oignon à 45 DA. L'agneau à 800 DA et le poulet à 260 DA alors qu'il n'y a pas longtemps il était à 130 DA. On peut poursuivre cette liste jusqu'à épuiser tous les ingrédients dont on a besoin pour préparer un repas tout juste moyen. Lorsqu'on interroge nos responsables sur ces hausses qui donnent le tournis à l'occasion de chaque Ramadan, ils répondent que l'Etat n'a plus aucun contrôle sur les prix en raison de l'économie de marché. Un argument qui ne convainc plus personne parce que lorsque l'Etat veut imposer une discipline, il y parvient. Il y a beaucoup de produits dont les prix sont fixes, qu'il vente, qu'il neige ou qu'il pleuve. Imaginons un peu que les boulangers augmentent le prix du pain sous prétexte que la levure est importée et que son prix élevé a des retombées sur le prix de revient de la baguette de pain. Eh bien non! Tout est calculé de manière à ce que le prix du pain soit stable. Il en est de même pour le lait, le yaourt, les biscuits dont les prix ne changent pas durant ce mois sacré. Au-delà de ces hausses des prix, il y a lieu de s'interroger sur les origines de cette tradition désormais ancrée chez nous et qui consiste à consommer sans retenue durant ce mois. Ce qui encourage les commerçants de tout bord à redoubler d'ardeur pour renflouer leurs caisses. A tel point que nous avons vu des ateliers de mécanique générale et de droguerie se transformer en quelques jours en magasin de zlabia et de kelbellouz. Comment, grand Dieu, ces commerçants font-ils pour changer d'activité en quelques jours et reprendre l'activité initiale juste après le mois de Ramadan? Renseignement pris, ils n'ont pas besoin de changer de registre de commerce mais juste d'obtenir une petite dérogation délivrée par l'APC. Une dérogation. Ah, la jolie trouvaille qui permet de piétiner les lois et les décrets! C'est l'une des nombreuses raisons qui font que tant de choses vont de travers chez nous. Le mois de Ramadan est aussi le moment le plus propice que choisit la direction du contrôle des prix et de la qualité pour ressasser qu'elle ne peut pas accomplir un travail efficace en raison d'un problème d'effectifs et de véhicules. Ce qui est une sorte d'encouragement pour tous les commerçants véreux qui voient à travers le mois de Ramadan l'aubaine de l'année. Un mois de piété, nous dit-on, où l'on vend même de la viande d'âne.