«Nous avons comme tradition d'inviter des gens dont on sait qu'ils sont cinéphiles et qui ne font pas nécessairement partie du monde du cinéma.» Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes Le Festival de Cannes a finalisé sa liste de jury et de ses sélectionnés pour la 65e édition du Festival, et là encore on est une nouvelle fois déçu par la complaisance et le copinage des responsables de ce festival qui continue à ignorer les compétences artistiques des artistes algériens. Aucun film algérien en compétition et aucun cinéaste algérien dans aucun jury du Festival: c'est dire que l'Algérie n'a pas de cinéma et qu'elle n'a pas de représentativité culturelle et historique dans l'Hexagone. Seul le repenti Merzak Allaouche est inscrit dans la Quinzaine des réalisateurs avec un film inabouti et cela grâce à ses relations très étroites avec le nouveau délégué de cette section du Festival: Edouard Waintrop. Mais le plus aberrant dans l'histoire est que le délégué général du Festival de Cannes a choisi de mettre un grand couturier, en l'occurrence Jean Paul Gaultier, dans le jury de cinéma et ignorer encore et toujours Mohamed Lakhdar Hamina, double lauréat à Cannes en 1966, avec le prix de la première oeuvre pour Vent des Aurès et en 1975 la Palme d'Or du festival, pour son film Chronique des années de braise. Une arrivée dans le jury qui est mal vue par certains critiques et cinéastes français. Une polémique qui a obligé Thierry Frémaux à réagir et prendre la défense du couturier français: «C'est important car ces gens vont juger la crème du cinéma mondial. Il faut qu'il ait une légitimité pour qu'un cinéaste ne se dise pas «c'est quoi ce palmarès rendu par des gens dont je ne reconnais pas la légitimité?». Sur quelle base un couturier peut-il juger des films - surtout quand il s'agit d'un festival aussi grandiose que Cannes - et est-ce qu'un cinéaste peut intégrer un jury de défilé de mode? Non, je ne pense pas. On a justifié l'invitation du couturier parce qu'il avait déjà travaillé dans le cinéma. Il a entre autres habillé les actrices Victoria Abril dans Kika de Pedro Almodovar, en 1994, et Milla Jovovich dans le 5e Elément de Luc Besson, en 1997. En 1995, il a été nominé au César des Meilleurs costumes pour La cité des enfants perdus de Caro et Jeunet. Mais quand on a été animateur de télévision, réalisateur de documentaires ou encore membre du jury du concours Miss France, peut-on intégrer un jury d'un aussi grand festival? Mais tout cela mérite-t-il d'ignorer un réalisateur, installé déjà à Cannes depuis des années, pas besoin de le mettre au Ritz, et qui a monté les marches à plusieurs reprises depuis 1966. A Cannes on choisit les membres du jury selon la circonstance, pas selon la compétence. Hiam Abbass, actrice, réalisatrice palestinienne, qui n'a jamais dénoncé ouvertement les massacres de Ghaza, figure dans ce jury. Il y a encore Raoul Peck, réalisateur, scénariste, producteur haïtien, ex-responsable du Fonds du Sud en France, qui a été placé pour avoir eu une pensée pour l'Ile détruite par la colère naturelle et meurtrie par la pauvreté, la misère et la haine des hommes. Malgré cette distance avec l'art et le cinéma réel, le Festival de Cannes sera surtout et toujours le rendez-vous indétrônable des paillettes, des stars, du haut lieu et bien sûr de la mode et la nuit bien arrosée. [email protected]