Usés et las des contraintes financières du Ramadan, les Algériens ont, «pour un instant», oublié leurs différends et se sont pardonnés. L'idéal serait que le pardon perdure au sein de notre société, espèrent la plupart des citoyens. C'est ce qu'insinuaient et recommandaient avec insistance, les imams lors des prêches de la prière de l'Aïd. Abondant dans ce sens, les imams ont recommandé aux croyants de «réapprendre à aimer leurs prochains, à répandre le bien sans hypocrisie, sans animosité et velléité, à soutenir les démunis et faire preuve de citoyenneté afin que la paix s'installe au sein de l'Oumma». Ces recommandations sont venues rappeler aux croyants que la religion est une courroie de transmission de bienfaits et d'amour et que la fraternité ressentie durant cette journée devrait «être entretenue quotidiennement». Avant la prière, les artères de la capitale étaient désertes. Alger avait l'apparence d'une ville fantôme. Dès 9h, une marée humaine s'est déversée dans ses artères pour se livrer à des accolades. Tous, sans distinction, s'étreignaient sans complexe. Des gendarmes et des policiers en service, kalachnikov en bandoulière, enlaçaient des citoyens et des enfants en bas age. Paradoxalement, des repris de justice ou autres délinquants enlaçaient et embrassaient des policiers ou autres gendarmes. Des scènes surprenantes qui n'ont pas échappé aux regards des curieux qui se sont livrés ironiquement, à des commentaires. Le grand nombre de mendiants rencontrés dans les rues pour quémander n'ont pas, non pu, échappé aux regards de citoyens déçus par le spectacle. «La pauvreté gagne progressivement du terrain» lancent, amèrement, les citoyens sur un ton mettant en évidence leur impuissance à les aider. Un phénomène largement dénoncé par les instances de consultations du Cnes et par un rapport des Nations Unies indiquant que «près de 6 millions d'Algériens sont classés pauvres». Quelques personnes sans scrupules et usant de complaintes, se sont fallacieusement improvisées en démunis pour récolter «la fitra fixée à 70 DA». Les scènes d'accolades ont été suivies par des réunions de famille autour du «premier petit-déjeuner après le mois de jeûne». Un moment de délectation partagé par tous les membres de la famille. Le premier jour est consacré aux visites familiales comme le veut la coutume. Cette entreprise a été éprouvante pour la plupart des pères de famille au vu du manque de moyens de transport et des bouchons générés par des milliers de véhicules. Les forces de l'ordre qui géraient la situation affichaient le sourire aux lèvres mais ne baissaient pas leur garde. La vigilance était de mise. La première journée de l'Aïd El Fitr a été, d'autre part, caractérisée par un élan de solidarité à l'initiative de certaines associations caritatives et de mécènes. Les cadeaux distribués aux malades au sein des hôpitaux, aux démunis de Diar Errahma et aux jeunes enfants peuplant les centres sociaux a permis à ces derniers de vivre, un instant, «la joie d'être l'objet de telles attentions». «Pourvu que cette attention soit permanente», ont espéré ces exclus. Très tard, encore, dans journée, de petits groupes se livraient à des conciliabules pour «commémorer les rixes et différends survenus durant le mois de Ramadan». Le deuxième jour, les familles ont envahi les cimetières pour se recueillir sur les tombes de leurs proches décédés. C'était un moment de grande émotion qui forçait la compassion. Les enfants chichement accoutrés étaient dans une totale insouciance et ne pouvaient comprendre la douleur de leurs parents et ceux venus effectuer «la Ziara». Derrière l'enceinte des cimetières, l'ambiance était différente. La joie régnait et les enfants habillés de toutes les couleurs enjolivaient les rues et «renflouaient les caisses des commerçants de jouets et autres gâteaux». Des ballons de diverses couleurs et les explosions de pétards attisaient l'atmosphère de fête. «Serait-ce possible que notre pays vive, dans les jours à venir, la même ambiance de liesse et de rapprochement?» se sont interrogés les fêtards. C'était, en tous les cas un des objectifs des imams lors de leurs prêches et un des souhaits les plus profonds de la population algérienne. Pour cela, estiment les citoyens, il est impératif que «la conviction et l'amour fraternel gagnent les coeurs des Algériens afin que le pardon s'installe définitivement parmi la population». Une option difficile à imaginer au vu du décor politique et des mues attendues ainsi que des intrigues entretenues dans les coulisses des institutions en charge de la gestion des affaires du pays. Dans ce contexte, l'Aïd n'aura duré que deux jours.