Ses partisans le présentent comme un «garant de la paix» et de l'ordre social dans un pays de 20 millions d'habitants. Trente ans de paix pour ses partisans, trente ans que le Cameroun «sombre» pour ses détracteurs: Paul Biya célèbre demain le 30e anniversaire de son accession au pouvoir en 1982. «Paul Biya, notre président, le père de la Nation», dit une chanson à sa gloire qui souligne l'éternelle jeunesse de cet homme «toujours chaud» de 79 ans. «Nous sommes un des rares pays au monde avec le même dictateur depuis 30 ans», s'insurge Joshua Osih, vice-président du Social democratic front, le principal parti d'opposition. Il dénonce les atteintes aux droits de l'homme et la corruption et parle d'une dégradation économique. «Cela fait 30 ans que nous espérons voir un meilleur Paul Biya (et) un meilleur Cameroun (mais) ça fait 30 que le pays sombre», se désole M.Osih. Deuxième président camerounais depuis l'indépendance le 1er janvier 1960, après Ahmadou Ahdijo, M.Biya est installé depuis le 6 novembre 1982. En terme de longévité au pouvoir, il est dépassé seulement par Teodoro Obiang (Guinée Equatoriale) et José Eduardo dos Santos (Angola) avec 33 ans, ainsi que Robert Mugabe (Zimbabwe), 32 ans. Alors que son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), se prépare à célébrer l'anniversaire, Biya ne semble pas prêt de passer la main. Réélu en 2011 pour sept ans lors d'un scrutin très contesté par l'opposition, rien ne l'empêche de se représenter en 2018, car l'Assemblée nationale, dominée par le RDPC, a supprimé en 2008 la limitation du nombre de mandats présidentiels. Le bilan de la longue présidence de M.Biya «est globalement positif (même s'il) a été contrarié par moment par l'actualité mondiale», assure Hervé Emmanuel Nkom, membre du comité central du RDPC, en faisant allusion à la crise. «Le pays est en construction et l'histoire retiendra que M.Biya a été le président de la liberté d'expression et du multipartisme», souligne-t-il, évoquant «un boom» des partis politiques et des médias sous son mandat. Ses partisans le présentent comme un «garant de la paix» et de l'ordre social dans un pays de 20 millions d'habitants. «C'est un président ouvert» qui n'a pas empêché «la marche vers la construction du bien-être social», estime M.Nkom. Lors de son accession au pouvoir, l'ex-Premier ministre Biya promettait de rompre avec les pratiques de Ahidjo, assurant vouloir instaurer démocratie et politique de «rigueur et moralisation» pour faire face à la corruption. Il y a échoué, assure l'opposition. «Aucune de ces promesses n'a été tenue», regrette l'avocat et opposant Me Jean de Dieu Momo, candidat à la présidentielle de 2011. Le Cameroun a été classé à deux reprises par Transparency International comme pays le plus corrompu du monde, relève-t-il. «Son long règne a été marqué par des violations graves et répétées des droits de l'Homme», selon lui. M.Momo mentionne des «exécutions extra-judiciaires après le putsch manqué du 6 avril 1984» et «le meurtre, l'arrestation et l'emprisonnement illégal de plusieurs centaines de jeunes» lors des «émeutes de la faim» de 2008. La répression avait fait 40 morts, selon un bilan officiel, au moins 139 d'après des ONG. Au plan économique, le Cameroun était un pays à revenu intermédiaire, un des plus prospères d'Afrique en 1982, mais il «est aujourd'hui un pays pauvre très endetté», déclare Joshua Osih. Le taux de croissance de l'économie camerounaise est passé de 13% en 1981, à 3,8% en 2011. Un tiers des 20 millions de Camerounais n'a pas accès à l'eau potable et à l'électricité, une personne sur quatre vit avec moins de 1,1 euro par jour. Le chômage touche jusqu'à 30% de jeunes dans certaines grandes villes, selon des économistes. «Le pays n'arrive pas à exploiter un potentiel pourtant reconnu», estime l'universitaire Mathias Nguini Owona, en critiquant «la faible efficacité» gouvernementale.