Les Algériens n'ont pas confiance en leur bâtisse et ils ont raison Bab El Oued nous a enseigné l'importance d'un bulletin météo et Boumerdès, la construction parasismique. Jour pour jour, dix années se sont écoulées depuis cette terrible nuit du 21 mai 2003 quand les citoyens de la paisible ville côtière de Boumerdès et ses environs, ont été surpris par un violent tremblement de terre. Dix ans plus tard, les séquelles de ce terrible drame ont-elles été effacées par le temps? Les souvenirs de ce drame se sont-ils estompés des mémoires? A voir la réaction des citoyens à une simple secousse tellurique qui aurait à peine donné le sourire à un Japonais, on peut dire que les séquelles psychologiques sont loin d'être guéries. Il y a encore un long travail de sensibilisation à faire dans ce sens. Avant-hier, une secousse de magnitude 5.5 sur l'échelle de Richter, a plongé la ville de Béjaïa dans un chaos indescriptible. Effarés, paniqués, des milliers de Béjaouis sont sortis dans la rue, craignant l'effet des répliques. Les fonctionnaires ont quitté leurs bureaux, les commerçants, leurs magasins et les élèves ont déserté leurs écoles pour prendre place dans les parkings, les espaces verts et au pied des immeubles. Avec une pareille magnitude, 5.5, la situation de panique aurait certainement arraché un large sourire à un Japonais. Mais «chat échaudé craint l'eau froide». Cette situation renseigne au moins sur une chose: les Algériens n'ont pas confiance en leur bâtisse et ils ont raison. On a vu des bâtiments s'effondrer comme des châteaux de sable lors du séisme de Boumerdès engendrant quelque 3000 morts et des milliers de blessés. 100.000 habitations touchées C'est à ce prix douloureux que l'Algérie fait son apprentissage de prévention des catastrophes naturelles. Ne dit-on pas qu'à quelque chose malheur est bon? Les catastrophes peuvent être à l ́origine des grandes orientations à mettre en oeuvre pour sauver des vies humaines. Durant la période qui s ́étale entre 2001 et 2005, des milliers de personnes ont trouvé la mort suite à des catastrophes naturelles et industrielles. Pour saisir l ́importance d ́un plan Orsec, évaluer la valeur d ́un bulletin météorologique et comprendre qu ́il faut nettoyer les voiries, il a fallu subir la catastrophe de Bab El Oued, en octobre 2001. Plus de 800 personnes ont péri suite à des inondations et des coulées de boue. Il a fallu que le violent tremblement de terre secoue Boumerdès, pour qu'on comprenne l'importances des constructions parasismiques. Une autre douloureuse occasion d ́apprentissage. D ́abord, les normes antisismiques appliquées dans la construction ont été revues et font l ́objet d ́une stricte application sous peine de sévères sanctions. Le vide de la législation relative aux assurances a été comblé, mais on ne s'assure toujours pas.... Que faut-il attendre encore? Dix ans se sont écoulés depuis cette funeste journée où les dégâts étaient immenses. Car, la tragédie était de taille: un séisme de 6,8 degrés sur l'échelle de Richter faisant 1391 morts et 3444 blessés, outre des dégâts matériels énormes. Ce n'est pas tout, cette catastrophe naturelle, dont l'épicentre était situé à Zemmouri El Bahri, a touché près de 100.000 habitations, dont plus de 10.000 furent complètement détruites, parallèlement à une multitude d'équipements publics dont la destruction fit que la «vie s'arrêta à Boumerdès pour quelque temps». Mais la rente pétrolière aidant, l'Etat a mis la main à la poche, dès le lendemain du séisme par la mobilisation de tous les moyens matériels et humains à même d'assurer une prise en charge «immédiate» des sinistrés. Une enveloppe de plus de 78 milliards de DA a été dégagée dans l'urgence. Parallèlement, la wilaya avait bénéficié d'un programme d'urgence conséquent pour la réalisation de 8000 logements destinés au relogement des sinistrés. Une partie de ces logements a été réceptionnée, une autre....le sera prochainement, selon les services de la wilaya. La même source affirme que 6900 familles dont les habilitations étaient siglées dans la catégorie «rouge» ont bénéficié de logements neufs réalisés au titre de ce programme, tandis que 3300 autres ont été destinataires d'aides financières dans le cadre de la reconstruction individuelle. L'Etat a, par ailleurs, restauré 85.738 logements endommagés à des degrés divers, tout en accordant des subventions et aides directes à des sinistrés afin de procéder eux-mêmes à la réhabilitation de leurs logements. Avec un effort aussi colossal, il y a toujours des séquelles, il y a toujours des habitants dans des chalets. 96 sites ont été mis en place au lendemain du séisme où furent installés 15.000 chalets destinés à l'accueil provisoire aux familles sinistrées. Certes, il y a eu des relogements massifs, mais des vestiges demeurent. Il a fallu libérer ces chalets pour qu'on comprenne toute la complexité d'une opération de relogement. Boumerdès est désormais classée zone rouge Les pouvoirs publics ont-ils tiré des leçons? Pas si sûr, quand on voit toutes les manifestations à chaque distribution de logements. Les chalets libérés furent réaffectés dans un cadre social pour devenir par la suite «un vrai casse-tête» pour la wilaya, au vu de leur «dégradation avancée et du préjudice causé à leur environnement immédiat sur le plan esthétique», déplore-t-on à la wilaya de Boumerdès. Selon la commission ad hoc chargée du suivi de la situation des chalets installés, dans l'urgence, au lendemain du séisme de 2003, «une majeure partie de ces chalets n'est plus viable». Un bureau d'études spécialisé a procédé, depuis 2010, à une enquête sur terrain pour déterminer la situation exacte de ces chalets, tandis que la cellule de suivi de la wilaya a, de son côté, fait un recensement exhaustif des chalets inoccupés, tout en déterminant également la situation juridique des assiettes abritant ces chalets. L'opération est inscrite au titre d'un plan visant l'éradication définitive de ces chalets afin d'en récupérer l'assiette foncière estimée à 342 ha pour l'implantation de projets d'utilité publique. C'est depuis 2012 que la wilaya de Boumerdès a entamé la destruction effective de ces chalets après le relogement de leurs occupants (une majorité de cas sociaux auxquels s'ajoute un petit nombre de sinistrés). A ce jour, 515 unités (chalets) ont été détruites à travers les communes de Boumerdès, Ouled Hadadj, Bordj Menaïel, Cap Djinet, Issers, Legata et Dellys, selon les données fournies par la wilaya. Suite à cette catastrophe naturelle, la wilaya de Boumerdès fut classée «zone sismique de 3e degré», fait ayant induit une «réadaptation» de la totalité des projets qui y étaient en cours de réalisation ou en phase de lancement. Selon la direction du logement et des équipements publics (Dlep) «ce séisme est également à l'origine de la délimitation des zones traversées par -une ligne sismique- et de -son épicentre-, qui sont désormais prises en considération dans l'élaboration de tous les Plans d'aménagement urbain, (Pdau) de la wilaya, qui font l'objet de révisions, à ce jour». Les géologues affirment que «l'écorce terrestre s'est surélevée de 40 cm par rapport au niveau de la mer sur le littoral de la wilaya de Boumerdès suite à ce séisme». Au Centre national de recherche appliquée en génie parasismique, on ajoute que ce phénomène n'a pas été suivi d'un reflux des eaux. «Ce fait a été confirmé par des recherches approfondies, réfutant l'hypothèse du repli de la mer vers l'intérieur (selon la croyance populaire)», a ajouté la même source, affirmant que «cet important mouvement subi par l'écorce terrestre tout le long du littoral allant de Boudouaou El Bahri à Dellys, visible à l'oeil nu, est une résultante de ce séisme qui a atteint une amplitude de 6,8 degrés sur l'échelle ouverte de Richter.»