L'Egypte se trouve dans l'oeil du cyclone Face à la profondeur de la crise sociale, économique et sécuritaire, la fable islamiste n'a pas duré longtemps au pays des Pharaons. Le géant arabe d'une région au rôle géopolitique central trébuche et fait un saut dans l'inconnu. Hier, le décor était chaotique dans une Egypte scindée en deux parties inconciliables: les pro et les anti-Morsi. Des avions de combat survolaient le ciel et de nombreux blindés étaient déployés. Au moins trois manifestants ont été tués au Caire dans des échanges de tirs entre partisans de Mohamed Morsi et soldats. Les tirs, qui ont eu lieu aux abords d'un bâtiment de la Garde républicaine, une unité militaire, notamment chargée de protéger la présidence, ont aussi fait de nombreux blessés. Des centaines de milliers de manifestants pro-Morsi ont appelé à manifester en masse pour cette journée intitulée «vendredi du refus», afin de défendre la légitimité de l'ex-chef d'Etat renversé mercredi dernier par les forces militaires. Les Frères musulmans ne «désarment pas». Leur guide suprême, Mohamed Badie a affirmé que les partisans du président déchu Mohamed Morsi, issu de sa confrérie, resteraient mobilisés «par millions» jusqu'au retour du chef d'Etat islamiste renversé par l'armée. «Nous resterons dans les rues par millions jusqu'à ce que nous portions en triomphe notre président élu», a-t-il lancé devant une foule mobilisée, chauffée à blanc et auréolée de son statut de victime. Alors que des centaines de milliers d'islamistes en délire réclament «le retour du président élu», les nouvelles instances dirigeantes agissent: le président par intérim Adly Mansour a décidé hier, de dissoudre la chambre haute du Parlement (choura), dominée par les islamistes et de nommer un nouveau chef des services de renseignement. La chambre haute qui assumait la totalité du pouvoir législatif après la dissolution l'an dernier de la chambre des députés, était acquise au président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans et renversé mercredi dernier par l'armée. M.Mansour a aussi nommé un nouveau chef du renseignement, Mohammed Ahmed Farid. M.Mansour, président de la Haute cour constitutionnelle, a été nommé par les militaires après la déposition de M.Morsi mercredi avant de prêter serment jeudi. Ces décisions précipitées risquent de faire monter la tension d'un cran. On enregistre, depuis hier, de graves dérapages: deux policiers tués dans le Sinaï par des hommes armés et des affrontements entre partisans et opposants du président déchu et entre pro-Morsi et forces de l'ordre ont éclaté, hier, à travers l'Egypte. En plus des trois morts annoncés au Caire, dans le Nord-Sinaï, les partisans de M.Morsi ont attaqué un bâtiment gouvernemental à El-Arich, a indiqué Mena, ajoutant que les forces de l'ordre avaient tiré en l'air pour les disperser. Avant l'aube, des violences avaient éclaté dans la péninsule où un soldat a été tué et deux blessés dans des attaques simultanées de militants islamistes contre des postes de police et militaires. A Ismaïliya, l'armée a tiré en l'air pour disperser des partisans du président déchu qui attaquaient un bâtiment des douanes. Dans la deuxième ville du pays, Alexandrie (nord), la police antiémeute a déployé des renforts et tiré des grenades lacrymogènes pour mettre fin aux affrontements entre pro et anti-Morsi dans le quartier de Sidi Gaber. Dans la province de Beheira, des heurts ont fait six blessés. A Suez, des islamistes ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre avant que ces derniers ne parviennent à disperser un rassemblement aux abords du canal. Le camp adverse a réagi en appelant à des manifestations massives pour «défendre la révolution du 30 juin». Soutenue par une grande partie de la population, par l'opposition et par de hauts dignitaires religieux, l'armée bénéficie d'un sursis, mais qui ne saurait durer plus longtemps. Les perspectives sont très délicates et la phase de transition s'annonce cruciale pour l'Egypte. Coincés dans leur notion de Umma et assimilant la société à une communauté de croyants qu'ils avaient exclusivement vocation à mener vers le bien, la fable islamiste n'a pas duré longtemps. La profondeur de la crise sociale et économique a amené dans les rues des millions de mécontents. Ainsi chute en Egypte, un président impopulaire, mais régulièrement élu. C'est tout le système de fonctionnement démocratique qu'il faut réinventer.