Une des nombreuses manifestations populaires du 11 décembre 1960 à Alger 11 dEcembre 1960, manifestation de révolte extrême et populaire algérienne contre l'occupation et la répression de l'expédition française permanente, et pour une Algérie libre et indépendante. Le souvenir des journées de décembre 1960 sont symbolisées historiquement par la date du 11 DECEMBRE 1960. Ces journées sont impérissables pour la génération qui a vécu cette époque, les enfants, les adolescents et les jeunes (filles et garçons), parvenus, alors à une maturité certaine qui leur est propre à l'âge de l'enthousiasme juvénile, à l'âge de l'inquiétude patriotique et qui avaient saisi depuis quelque temps, le message du FLN, comme d'autres avant eux, en 1957, avaient rejoint les Maquis Algériens de l'honneur et de la gloire. Les jeunes hommes et les jeunes filles voilées ou non, ont crié leur colère, leur ras-le-bol de la guerre d'Algérie, guerre injuste, guerre coloniale, contre le peuple algérien. De partout, venus de la Casbah, de Bab-el-Oued,... la manifestation spontanée, populaire et grandiose, drapeau national algérien brandi en tête - expression pleinement, fortement pacifique - ici et là en Alger, a été soudainement et sauvagement réprimée dans le sang, notamment à Belcourt, le quartier populaire, où Albert Camus, prix Nobel, avait longtemps vécu avec sa mère. Ce rappel historique de la lutte de Libération nationale algérienne ne peut laisser indifférents, hier comme aujourd'hui, les vrais Justes, en quelque lieu qu'ils se trouvent. Nos populations des villes et des campagnes ont, du dimanche 11 décembre au dimanche 18 décembre 1960, manifesté avec courage, éclat et fermeté pour l'indépendance de l'Algérie à l'annonce d'une part, de la venue du général de Gaulle à Alger, d'autre part, de la délibération à l'ONU, le 19 décembre 1960, de la «question algérienne». Ces manifestations ont ainsi prouvé au monde l'adhésion des Algériens au FLN et à l'ALN, de même qu'elles ont été déterminantes dans la capitale Alger et ses quartiers à forte densité populaire totalement nationaliste: Belcourt, Clos Salembier (auj. El Madania), El Qaçba, Climat de France (auj. Oued Koriche), Kouba, El Harrâch, Birkhadem,... D'abord pacifiques, ces manifestations formées d'hommes et de femmes de tout âge, d'adolescents et de jeunes enfants criant des slogans de soutien à la politique d'indépendance de l'Algérie, puis, face aux ripostes meurtrières des Ultras de «l'Algérie française» et à la répression sanglante de l'armée et de la police de l'administration coloniale, elles se sont vite transformées en un soulèvement insurrectionnel, poitrines nues offertes au sacrifice suprême pour que vive l'Algérie libre et indépendante... «Cent trois martyrs et des centaines de blessés seront dénombrés parmi les manifestants, sauvagement réprimés par les forces coloniales» rapporte la presse internationale en décembre 1960. On y a compté des civils, des personnes âgées, des femmes et des enfants, tels que Farid Maghraoui, 10 ans, premier chahid du Clos Salembier... Ce douloureux événement - historique et glorieux - a été rapporté ou évoqué dans des pièces poétiques en vers libres, le genre libérant la parole et conforme à l'urgence à dire l'actualité et à la décrire: la souffrance, la détermination et l'espoir populaire du peuple algérien y ont gagné en authenticité. Commémorant le cinquante quatrième anniversaire de cet événement, voici de nouveau proposés quelques extraits de poèmes (d'hier ou d'aujourd'hui) comme autant de modestes et émouvants hommages-témoignages. AUJOURD'HUI 11 DECEMBRE Une fleur s'élève dans mon jardin / Sur la tombe de mes souvenirs / Aujourd'hui 11 Décembre / Les fleurs sont matinales / Souvenirs ô incendie dans les coeurs endoloris / Viens! que je reconnaisse moi aussi ma mère ma soeur mon épouse / Au fond de ce trouble transparent qui baigne ma mémoire / Aujourd'hui 11 Décembre / Viens! silhouette fragile, mère Zeïneb / Vacillante mais debout mais souriante sur ton corps étendu / Crevé par les échardes broyé par les aciers / Aujourd'hui 11 Décembre / Viens! ma jeune soeur au visage pourpre / Promise au bonheur de l'Algérie future / Ton fiancé pour un baiser tomba dans tes bras brisés / Aujourd'hui 11 Décembre / Viens! mon épouse aux clartés multiples / Pénètre dans mon temple constellé d'amour / Et dis-moi quel souffle t'anima et quelle couronne portes-tu? / Aujourd'hui 11 Décembre / Et je vois dans l'arrière brouillard un printemps / Des champs et des champs de fleurs blanches / Et ces calices chargés de tant de femmes me font fièrement gémir / Aujourd'hui 11 Décembre. (Kaddour M'Hamsadji, Aujourd'hui 11 Décembre 1960, in Oui, Algérie.) LE PEUPLE DE DECEMBRE (À la petite Mériem qui avait 7 ans et 2 mois à l'époque) De la lumière, du soleil / des couleurs, des vertiges / des cris, des mouvements / des danses / des défis, des coups de feu / des hurlements, des plaintes / de la lumière, du soleil / des inscriptions, des hystéries / des barricades, des flammes / Le Monoprix et les magasins / de Belcourt / sont brûlés, dévastés. / Ils sont noirs / comme les yeux de la certitude. / Le Clos Salembier. / Le Climat de France / répondent à l'appel du peuple / hommes, femmes et enfants / sont pieds nus dans les rues / armés de bâtons et de barres de fer. / La petite Mériem / avait une balle / dans la cuisse / et le soleil / se pose à l'horizon / les mères, les pères / et les fils de la Casbah / habillés n'importe comment / allant n'importe où / chantant n'importe quoi / étaient présents à l'appel / le peuple de la Casbah / apporte ses fleurs à la révolution. / Les zouaves, les paras / regardaient effrayés / cette force, cette dynamique / foncer sur eux / rue Randon / Ils ont tiré / ils ont tiré sur le peuple. / Mohamed le Noir / le porte- drapeau / tombe le premier, criblé de balles / de la lumière, du soleil / du sang plein les vêtements / et plein les haïks et les robes / de nos mères de nos femmes / et de nos soeurs. / [...] La petite Mériem / avait une balle / dans la cuisse et le soleil / se pose à l'horizon / Je pose un espoir / sur Décembre / une fleur / sur le peuple / un soleil / sur Mériem / un avenir / sur la Certitude. (Laadi Flici, Le Peuple de Décembre, in La Démesure et le Royaume.) SERMENT Je jure sur la raison de ma fille attachée / Hurlant au passage des avions. / Je jure sur la patience de ma mère / Dans l'attente de son enfant perdu dans l'exode. / Je jure sur l'intelligence et la bonté d'Ali Boumendjel / Et le front large de Maurice Audin / Mes frères mes espoirs brisés en plein élan. / Je jure sur les rêves généreux de Ben M'Hidi et d'Inal. / Je jure sur les silences de mes villages surpris / Ensevelis à l'aube sans larmes sans prières. / Je jure sur les horizons élargis de mes rivages / À mesure que la plaie s'approfondit hérissée de lames. / Je jure sur la sagesse des Moudjahidine maîtres de la nuit. / Je jure sur la certitude du jour happée par la nuit transfigurée. / Je jure sur les vagues déchaînées de mes tourments. / Je jure sur la colère qui embellit nos femmes. / Je jure sur l'amitié vécue sur les amours différées. / Je jure sur la haine et la foi qui entretiennent la flamme / Que nous n'avons pas de haine contre le peuple français. (Bachir Hadj Ali, Serment, in Chants pour le 11 décembre et autres poèmes.) DECEMBRE 60 Pour nous libérer nous avions tout essayé / La patience, le silence et les cris / Puis l'injustice a délié nos langues À mesure que la colère s'anime. / Nous sommes allés jusqu'aux armes / En labourant la fragile espérance. / On croyait que la vérité était dans l'oubli. / Nos mères meulaient le grain et nos colères. / Jaillissent en Décembre les youyous des femmes / Et sur les terrasses le bruit des casseroles / Enfin le monde a vu en nous des hommes / Nous qui étions si jeunes et si candides. (Abderrahmane Zakad, contribution, 03.11.2012) JAMAIS PEUPLE [...] Jamais peuple pour sa passion, / Après avoir gravi les collines / Et découvert le flot des larves voraces / [...] Jamais peuple pour cette passion ne fut / Autant puni par les profanateurs / et ne lança sous tous les cieux pareils hymnes / De feu et de fureur, de lave et de levain. / Jamais sang plus désarmé, plus farouche / À la recherche des plaines symphonies / Comme les sources désirent les embouchures / Ne gronda aussi longuement, / Volcan sous les kermesses des vanités / N'obsédera par ses fanfares comme sous leurs rafales, / Les veilles des menteurs / Et les midis des démons. / Liberté, liberté, tes messagers qui, en sang, abordent maintenant / Les rivages fiers de nos fronts après la tornade. [...] Ils te diront nos larmes et nos armes / Le désastre de nos corps et la gloire de nos coeurs. (M'hamed Aoune, Jamais peuple, in Eclatez l'aube.) ALGERIE Les graines noires / Qui ont pris vos vies / Les graines noires / sont devenues olives / Les graines noires / Qui ont troué vos ventres / Ne sont plus en acier / Vos enfants en témoignent / Vous êtes morts / Et nous irons arroser / Les oliviers. (Nadia Guendouz, Algérie, in Espoir et parole.)