Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Ces deux questions lancinantes concernent les réseaux dormants des groupes armés à Alger. Jusqu'à quel point peuvent-ils rester«endormis» avant de sévir? Qui est la ou les personnes chargées d'établir les liens, de donner les directives et tracer la stratégie à suivre à partir des maquis? Autant de questions qui s'imposent d'elles-mêmes pour essayer de décrypter les codes terroristes avec un maximum de précaution. Il y a deux semaines, le général- major Fodhil Chérif présentait à la presse une «prise» de choix: un certain Boumehdi Djelloul, alias Abou Oubaïda. Cet ancien caïd des GIA, resté près de sept années dans la proximité de Zouabri, a fait une série de révélations, aussi intéressantes les unes que les autres. Dans l'une d'elles, il a affirmé que, avant sa capture par les militaires, le GIA prévoyait de transposer la guérilla urbaine dans la capitale par l'intermédiaire des attentats à la bombe et à la voiture piégée. Ces attentats cibleraient les endroits publics d'Alger, tels les arrêts de bus, les marchés, etc. L'ancien chef de la katibet El Aouaouka ajoutait que «Antar Zouabri, le chef, était encore à la tête de katiba El Khadra et des autres katibet du GIA, dont le nombre n'excède pas 45 éléments armés, et qui se déplacent dans le triangle de feu, Médéa-Blida-Aïn Defla». Zouabri avait prévu pour Alger «un plan spécial à savoir envoyer quatre hommes y répandre un climat de terreur et de panique par le biais d'attentats dans des lieux publics, et qui seraient médiatisés à l'excès.» Boumehdi ajoute aussi que ce groupe destiné à investir Alger, devait contacter d'abord un certain Hayder, qui vit dans la capitale et représente le trait d'union avec les autres hommes, agents dormants par excellence, affilié au GIA. Qui est ce Hayder? De toute évidence il s'agit d'un nom d'emprunt, un nom de guerre, et il sera fort difficile aux services de sécurité de savoir qui se cache derrière. Car il est de notoriété publique que les organisations terroristes telles que le GIA procèdent par une symbolique très spécifique, et utilisent des noms, des codes, qui renvoient souvent à des images mentales précises qu'elles seules saisissent, en premier. Ce plan fut, hélas pour Zouabri, retardé, mais pas complètement oublié. L'attentat d'hier en est-il le début? Espérons que non, car, alors, ce serait entrer réellement dans un autre cycle de désordre politicosocial dont les effets sur la société tout entière seraient très néfastes. Il est certes établi que le GIA, - les connaisseurs de la nébuleuse terroriste le montrent du doigt quant à l'attentat de mardi à Tafoura - n'a plus toute sa capacité de nuisance des «années fastes du terrorisme», situées entre 1993 et 1997. Mais cela ne change en rien les données à saisir. Un groupe de quatre personnes peut tout aussi bien être extrêmement nuisible s'il procède de façon rigoureuse, hermétique et épisodique, c'est-à-dire s'il n'est pas tenté par les effets pervers d'une médiation enivrante. Le Fida, entre 1993 et 1995, avait été tout aussi pauvre en matière d'effectif, mais il était d'une efficacité exceptionnelle. Aucune force ne rendra au GIA sa capacité de nuisance. C'est une évidence. Toutefois, le danger persiste. Et pour peu que les conditions sociales s'y prêtent, la machine infernale peut se remettre à fonctionner. La fin de l'été avait coïncidé avec un attentat terroriste commis au Tennis club de Zeralda. Selon les dernières révélations de Boumehdi, c'était la «Seriat el bahr», sorte d'escadron de la mer, qui en fut l'auteur. Cet attentat, c'était aussi un signal, un code qui disaient que le terrorisme frappait aux portes d'Alger. Les inondations de Bab El-Oued, du 10 novembre et la véritable hécatombe qui s'en est suivie, ont fait le lit d'un retour brusque du terrorisme. Sur la pointe des pieds, certes, mais qui risque de s'inscrire dans la durée.