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FAUX BARRAGES, MASSACRES, ATTENTATS A LA BOMBE
Publié dans L'Expression le 07 - 02 - 2002

La nouvelle flambée des actes terroristes - 40 assassinats en deux jours - met en avant, et de prime abord, cette évidence : les groupes armés ont procédé à de profondes mutations dans leurs structures internes, leurs moyens et leurs visées.
La première chose à saisir est la suivante : l'instauration de l'Etat théocratique est évacuée définitivement, et il est pratiquement impensable de dire qu'un seul terroriste sensé croit encore - en ce mois de février 2002 - à cette perspective.
Ce premier point est très important, il y a lieu encore de douter que le terrorisme en Algérie soit aveugle, ou qu'il se livre des luttes fratricides. Tout le monde aura remarqué cela : tous les groupes armés ont agi, au moins depuis quelques semaines, en bloc monolithique. A l'Est, à l'Ouest, au Centre et dans les Hauts-Plateaux, ils ont frappé de concert. A l'unanimité, à mort. Là, il est difficile de parler d'illogique. Il y a, quelque part, un lien qui unit, une logique respectée, un deal à trouver. Le Gspc, entre Boumerdès et Tébessa (avec leurs diverses fractions), le GIA entre Blida, Médéa et Aïn Defla, les groupes de l'Ouest, El-Ahoual ou les Houmat eddaâwa essalafia, ou encore ceux qui, à Tiaret et Relizane, ont fait allégeance au Gspc, tous ces groupes, et d'autres sous-groupes encore, qui échappent aux appellations et aux sigles jusque-là connus, frappent et élaborent d'autres stratégies lorsqu'il s'agit de faire pression en accentuant, dans le temps et dans l'espace, les actes terroristes. Là, toutes les animosités, toutes les différences s'effacent au profit d'un retour en force commun.
L'autre grande spécificité des nouveaux groupes armés concerne la faiblesse de leur concentration et leur importance dans une aire d'activité réduite. Ceux-ci, désormais, privilégient la guérilla urbaine, les réseaux dormants et les groupes de soutien dans les villes et les agglomérations. Cette attitude rend presque sans effet les grands ratissages militaires, du moins sans grande incidence sur le terrain.
Ces petits groupes de cinq à huit procèdent de nuit sur des axes routiers proches des agglomérations urbaines, et peuvent, à la levée du jour, se fondre dans la foule des villes, ou se terrer dans des caches, en attendant la nuit.
Il arrive que de tels groupes se connectent pour perpétrer des massacres importants, mais c'est là un choix rare et exceptionnel. Les groupes armés les plus importants, activant dans le triangle Médéa-Blida-Aïn Defla, n'excèdent pas à la plus haute estimation, douze ou quatorze personnes - exemple: la katibat El-Khadra de Zouabri et ses 14 éléments.
Le fractionnement des groupes armés en poignée d'hommes permet agilité dans le déplacement (mouvement perpétuel), rapidité dans les actions à mener, vitesse de repli et commodité des caches, même réduites.
La crise kabyle a aussi mis à nu cette vérité: les groupes armés savent très bien gérer les situations les plus tendues pour les récupérer. En profitant des situations sécrétées par les zones de turbulences, ils créent de nouveaux foyers de tensions, amplifient les données, en propagent les portées et arrivent à mettre les protagonistes face-à-face et à profiter de l'ensemble de la crise dont les fils, ainsi enchevêtrés, deviennent quasiment inextricables.
La stratégie de la lutte antiterroriste doit, aujourd'hui, agir et vite. Or, le temps qu'elle met à se planifier, puis à se mettre en place, permet aux groupes armés d'en élaborer une autre. Et ainsi de suite. Le renseignement, qui a fonctionné au quart de tour entre 1995 et 1997, dans les grandes villes, doit être remis en marche. Or, là aussi, il faut que le renseignement trouve dextérité, audace et hommes de terrain à sa dimension, sinon il serait d'une inanité désarmante. Les plans de vigilance élaborés, durant le ramadan dernier, par exemple, ont permis de réduire la marge de manoeuvre des groupes armés, aussi bien en ville qu'en dehors des agglomérations. Le combinatoire des forces de sécurité ne doit être ni fixe ni à liaison systématiquement verticale, pyramidale, afin de répondre à l'«extrême mouvance» qui agit sur le terrain.
Selon un haut responsable de l'armée, «il y a effectivement des plans d'action antiterroristes. Ces stratégies, qui ne sont plus au stade de la réflexion, sont mises à l'épreuve du terrain, afin d'en apprécier la teneur». Les stratégies de la lutte antiterroriste doivent mettre à contribution dix années de tâtonnements, de résultats en dents de scie et d'instabilité des équipes qui s'en étaient chargées. Car, en face, il y a au moins la logique implacable des derniers irréductibles, dont le nombre, entre 400 et 600, importe moins que les mutations adoptées après chaque déroute.


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