Les tenants de la sphère informelle auront tout à gagner en intégrant le circuit bancaire C'est le début d'un combat de gladiateurs qui opposera un Exécutif jusque-là frileux au puissant lobby de l'informel qui a gangrené toute l'économie nationale. En voulant s'offrir une omelette- et en temps de crise-, le gouvernement algérien a eu la main trop molle pour casser les oeufs. L'opération consistant à récupérer l'argent de l'informel et l'intégrer dans le circuit bancaire, annoncée par l'Exécutif en août dernier, souffrait d'une intransigeance et de l'autorité de l'Etat ainsi que de mesures de coercition pour contraindre les récalcitrants à s'y appliquer. Sans grand bruit, le couperet est tombé hier d'une manière presque inattendue. Un délai de 15 mois a été accordé aux barons de l'informel pour intégrer le circuit bancaire. Au-delà de ce délai, l'Etat va sévir. Selon la Banque d'Algérie, à partir du 1er janvier 2017, «les personnes disposant de fonds informels et n'ayant pas souscrit au programme de Mcfv feront cependant l'objet de redressements fiscaux avec l'application des pénalités et sanctions prévues en la matière». C'est la première fois que la Banque d'Algérie se montre aussi intransigeante dans ce dossier si compliqué mais il fallait s'y mettre. L'Algérie étant l'un des rares pays au monde qui fonctionne avec une économie bicéphale: une informelle avec une masse d'argent liquide d'environ 1300 milliards de DA et une économie formelle souffrante en ces périodes de vaches maigres. Par cet ultimatum, le gouvernement ouvre un front de bataille avec le puissant lobby de l'informel. Déjà qu'il a concédé ce que les experts appellent une amnistie fiscale déguisée, il n'y a plus de place à la mollesse et à la frilosité. En tout cas, le bras de fer ne datera pas de cette annonce puisque les tenants de la sphère informelle auront tout à gagner en intégrant le circuit bancaire. Les jours à venir seront difficilement gérables en termes de ressources financières. Le gouvernement sera contraint, malgré lui de frapper dans le tas, quitte à faire des dégâts quand il s'agira de la stabilité et de la paix sociales. C'est donc le début d'un combat de gladiateurs qui opposera un Exécutif jusque-là frileux au puissant lobby de l'informel qui a gangrené toute l'économie nationale. Tellement puissant qu'il arrive jusqu'à bloquer l'application sur le terrain des décisions du gouvernement. Une véritable toile d'araignée qui enveloppe toute la sphère économique nationale. L'Algérie a besoin de cette ressource interne estimée à quelque 13 milliards de dollars qu'elle veut intégrer dans le circuit bancaire pour faire face au choc externe. Une initiative censée donner l'occasion aux tenants de l'économie parallèle de s'insérer dans la légalité via le circuit bancaire, en s'engageant à payer une taxe forfaitaire libératoire de 7%. Pour l'heure, l'opération ne démarre pas en trombe et il y a des raisons objectives pour cela. L'administration fiscale évoque en effet, un début plutôt timide de ce programme. Faisons l'hypothèse charitable que cette attitude est due au fait que l'opération a été lancée durant une période de congé. C'est ce que confirme d'ailleurs le directeur général des impôts, Abderrahmane Raouia expliquant que «l'opération a débuté durant un mois de vacances, on ne peut pas parler d'engouement (de la part des détenteurs de fonds informels) en ce qui concerne nos services, par contre certains sont venus solliciter des informations pour voir comment ça se passe et toutes les explications leur ont été données». Pour d'autres experts économiques, le problème n'est pas celui des banques et de leur mobilisation. La faille se trouve dans la manière même avec laquelle cette mesure a été énoncée. Les économistes y décèlent «l'aspect antibancaire dans la mesure où elle ne comporte aucun nouveau service ou amélioration de prise en charge des clients en vue de convaincre les détenteurs d'argent hors circuit formel», mais là c'est un débat d'experts...