Ouvrant la compétition dans la section documentaire, c'est le très beau film Les 18 Fugitives qui marqua samedi la cérémonie d'inauguration du festival qui se tient à la salle El Mouggar jusqu'au 19 décembre... C'est en présence du ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, que s'est déroulée la cérémonie d'ouverture de la 6e édition du Festival international du film engagé d'Alger qui verra rentrer en lice 10 documentaires et neuf films fictions, issus de différents pays. En présence des membres du comité de sélection et après avoir salué la mémoire de Maâmer Mokrane l'un d'entre eux, disparu cette année, le ministre de la Culture a salué ce festival qui, a-t-il estimé, «apporte un plus au paysage cinématographique algérien et ce, après avoir pris part, notamment aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa et récemment au Festival du film méditerranéen de Annaba» et d'ajouter: «Ce festival s'impose de par les images que nous venons de voir lors de la bande-annonce et qui mettent en exergue des pays encore en proie au colonialisme et qui cherchent encore leur indépendance. Tous ces films traitent des problèmes de notre humanité et ce festival est porteur de message de paix, mais aussi se veut un examen pour restituer le cinéma en Algérie et faire revenir le public dans les salles.» Un autre hommage a été rendu par ailleurs à Malik Aït Oudia disparu l'an dernier et qui, deux ans auparavant, présentait au sein même de ce festival son documentaire Les sept moines de Tibhirine. Après les photos d'usage et la présentation du jury, place au premier film documentaire en compétition. Il s'agit en fait d'un film palestinien. Car, comme nous le savons, le soutien à la Palestine est le cheval de bataille, si ce n'est un sacerdoce, au sein du Festival international du film engagé. Nul besoin de dire que le choix était judicieux et bon pour cette soirée d'ouverture qui verra ainsi la présentation du film Les 18 Fugitives de Amer Shomali et Paul Cowan. Ecrit par ce dernier, le film revient sur les pas du jeune Palestinien Amer, réfugié en Syrie, qui évoque pour nous l'histoire abracadabrante qui s'apparente vraiment à un conte pour enfant, celle des 18 vaches qui furent, il y a 20 ans, l'élément déterminant qui a déclenché une vaste opération de boycott des produits israéliens dans le village de Beit Sahour, en Cisjordanie. En effet, un groupe d'activistes composé d'intellectuels et de militants ont pris la décision de produire eux-mêmes du lait, malgré le fait qu'ils ne savent même pas traire une vache. Après l'achat de 18 vaches dans un kibboutz israélien et leur transfert en contrebande jusqu'à leur village, les apprentis éleveurs se forment et apprennent à produire ce lait qui sera distribué dans toute la région de Bethléem. Pourvus de volonté farouche et confiants en leur avenir, ils construisent aussi un jardin populaire et se mettent à fabriquer à partir de ce lait de l'Intifada bien de bonnes choses, bien décidés à contrecarrer l'armée israélienne qui se met de ce fait, à traquer cet animal que la population va cacher, car accusé soi-disant d'être dangereux et portant atteinte à la sécurité de l'Etat d'Israël». Ces vaches que l'on découvre sous un aspect animé, parlant comme nous tous, et douées d'un caractère trempé, forment eux aussi un patchwork de personnages associés à un militantisme politique avéré certain. Outre les vaches et les habitants du village, le film donne aussi la parole aux militaires israéliens et aux activistes qui ont lancé la coopérative, leur famille, leurs amis. Les 18 Fugitives est un film drôle et touchant car désarmant par tant de candeur dans le contenu, mais si orignal de par la forme hybride qui compose son récit qui mêle photos d'archives, bande dessinée et images animées, mais aussi témoignages vivants de ces gens qui ont connu cette histoire et autres qui rappellent combien est âpre et injuste cette occupation israélienne que les accrords d'Oslo sont venus ternir et renforcer. Il y a de l'humour, mais aussi un certain sentiment d'amertume qui se décline en filigrane à la fin du film que vient contrebalancer les certitudes dantesques du jeune Amer en affirmant à propos d'une vache qui a pris la fuite quand les autres se sont fait attraper par l'armée israélienne: «Moi j'ai choisi de croire qu'il existe une vache blanche quelque part qui vit dans une grotte.»... Ainsi l'espoir, lui, n'est pas mort et la Palestine vivra toujours...