La démarche du Royaume intervient alors qu'il demeure l'unique et dernier pays colonisateur d'un territoire d'Afrique inscrit sur la liste de l'ONU des 17 pays qui restent à décoloniser. La démarche du souverain marocain pour revenir au sein de la famille africaine a emprunté un itinéraire tortueux, chaotique. Intrinsèquement, elle n'a rien de catholique. Elle intervient dans une conjoncture explosive après que le Maroc a décidé de violer le cessez-le-feu conclu en septembre 1991 avec les dirigeants sahraouis. «En date du 11 août 2016, les forces d'occupation marocaines ont procédé au Sahara occidental, et à plusieurs reprises, à traverser le mur militaire marocain vers la zone d'Alguergarat, située dans le secteur de la 1ère Région militaire sahraouie», avait écrit le Front Polisario dans une lettre récemment adressée au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies Ban Ki-moon. Depuis, c'est le face-à-face qui risque de déboucher sur un affrontement armé. Quelques jours plus tard, vers la mi-septembre, une nouvelle tombe. Comme un couperet. Elle concerne l'affaire de l'accord agricole signé en 2012 entre le Maroc et l'Union européenne. Dans les conclusions rendues par l'avocat général de la Cour européenne de justice a jugé que le Sahara occidental n'est pas un territoire du Maroc. «Le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Maroc et, partant, contrairement à ce qui a été constaté par le tribunal, ni l'Accord d'association UE-Maroc ni l'Accord de libéralisation ne lui sont applicables», a écrit Melchior Wathelet. Dans ses recommandations aux magistrats de la Cour européenne qui doivent rendre leur décision finale dans environ deux mois, l'avocat général de la Cjue fait constater qu'aucun Etat membre de l'UE ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. C'est dans ce contexte, qu'une dizaine de jours après que soit émis cet avis de ce haut magistrat de la Cour de justice de l'UE que le Maroc décide de présenter officiellement sa demande d'adhésion à l'Union africaine après avoir claqué la porte de la défunte OUA (Organisation de l'unité africaine en 1984 pour avoir accueilli en son sein la République sahraouie qui deviendra par la suite membre fondateur de l'UA. Le conseiller du roi Mohammed VI des Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri a «informé» le président de la Commission, le Dr Nkosazana Dlamini Zuma, de la demande officielle du Maroc d'adhérer à l'UA, lors de leur rencontre, le 22 septembre 2016, pendant une réunion bilatérale en marge de la 71ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, indique un communiqué de la cellule de communication de l'Union européenne répercuté par une dépêche de l'APS datée du 23 septembre. «Le Royaume du Maroc a officiellement soumis une requête en vue d'accéder à l'Acte constitutif de l'Union africaine, et de la sorte en devenir un membre», ajoute la même source. Que cache cet intérêt soudain du monarque marocain à l'Afrique? Celui de bafouer, sans aucun doute, la légalité internationale pour officialiser sa mainmise sur le Sahara occidental, de fracturer l'Union africaine avec comme arrière-pensée affichée d'en éjecter un de ses membres fondateurs. «L'UA, resterait-elle, en déphasage avec la position nationale de ses propres Etats membres, puisqu'au moins 34 pays ne reconnaissent pas ou plus cette entité? Même parmi les 26 pays qui s'étaient placés dans le camp de la division en 1984, seule une stricte minorité d'une dizaine de pays subsiste», a écrit dans sa missive adressée le 17 juillet au président en exercice de l'UA, le Tchadien Idriss Deby, à l'occasion de la tenue du Sommet de l'Union qui s'est tenu à Kigali pour faire part de son souhait d'adhésion à l'Union africaine. «L'UA demeure solidaire avec le peuple sahraoui et réaffirme avec force son droit à l'autodétermination», lui avait rétorqué la présidente de la Commission de l'UA, Dlamini-Zuma. Le Sahara occidental: «C'est le dernier avant-poste de l'occupation coloniale en Afrique, qui doit être démantelé dans l'accomplissement de la vision des pères fondateurs, à lutter pour une Afrique pleinement indépendante et souveraine», avait déclaré Robert Mugabe, président du Zimbabwe et ex-président de l'Union africaine, lors de la cérémonie de célébration des 52 ans de la fondation de l'OUA. Une déclaration qui décrète l'impossible retour du Maroc au sein de la famille africaine tant qu'il ne se résoudra pas à plier bagage du Sahara occidental.