Le dégel entre l'Algérie et le Maroc n'en poursuit pas moins son immuable progression. Le moins que l'on puisse dire c'est que Rabat vient de se faire sérieusement «moucher» par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Dans un rapport rendu public hier devant le Conseil de sécurité de l'ONU, Annan a en effet «dénoncé la violation par le Maroc de l'accord militaire signé entre Rabat et le Polisario», rappelant que «le Maroc a procédé à l'installation d'infrastructures et d'équipements ainsi qu'à des manoeuvres militaires pourtant interdites par cet accord». Le Maroc avait même tenté d'accorder des concessions de prospection pétrolière à des firmes internationales au niveau des territoires occupés, avant d'être stoppé dans ses entreprises face au tollé mondial soulevé à cette époque. Loin d'être tendre envers Rabat, à cause de ses nombreux dépassements et entraves à l'application du droit international, Kofi Annan ajoute que «la Minurso, arrivée en fin de mandat au mois de mars passé, a relevé de graves dépassements concernant le respect de l'accord en question». Il en va ainsi, à simple titre d'exemple, pour «l'installation continue de nouveaux radars et moyens de surveillance par l'Armée royale marocaine dans plus de 40 sites sur toute la longueur du mur de défense, le perfectionnement de ceux qui sont déjà en place alors que l'accord en question interdit le renforcement du matériel dans les zones soumises à des restrictions». Idem pour«la construction d'une deuxième section du mur de défense par l'Armée royale marocaine, (communément dénommé mur de la honte) alors que ce même accord interdit toute amélioration de cette infrastructure, en particulier la construction de nouvelles lignes de défense (sable, pierre ou béton)». Le rapport, véritablement accablant pour le Makhzen, dénonce également «les manoeuvres à tirs réels, effectuées par l'Armée royale marocaine, allant parfois jusqu'aux zones soumises à des restrictions». C'est pourquoi le mandat de la Minurso sera prorogé de six autres mois, devant s'étaler jusqu'au 31 octobre prochain. D'ici à cette date, il faut s'attendre à ce que la situation progresse dans le sens positif. C'est ce que supposent de nombreux experts qui relèvent que le Maroc ne s'est jamais trouvé dans une situation aussi critique vis-à-vis du Conseil de sécurité de l'ONU, en plus de la grave crise interne, tant sécuritaire que sociale et politique, à laquelle il doit faire face. Le Conseil de sécurité de l'ONU, et en dépit de la démission fracassante de son représentant personnel pour le Sahara occidental, l'américain James Baker, n'en démord pas en continuant de défendre la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui dans des conditions démocratiques idéales, et sous l'égide de la Minurso. A ce propos, Kofi Annan a mis en avant sa disponibilité «à aider les parties à parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable». Cela non sans déplorer au passage qu' «une telle solution demeure bloquée, soit pour des raisons de fond, soit parce qu'il n'est pas recouru aux voies existantes pour rechercher un terrain d'entente». Contrairement aux assertions marocaines, le rapport note la bonne volonté du Front Polisario, qui a permis la libération de nombreux détenus marocains, mais aussi des visites familiales entre les réfugiés, fuyant l'oppression de l'armée de sa majesté, et les citoyens demeurés otages derrière le mur de la honte et dont beaucoup ont été contraints de prendre la nationalité marocaine. Le dernier exemple en date concerne le détenu sahraoui Ahmed Mahmoud Haddi, alias El Kainnan, qui vient de rejeter officiellement, depuis la prison Carcel Negra à El Aaiun occupée, la nationalité marocaine, réitérant, dans une lettre ouverte, son attachement au droit inaliénable de son peuple à l'autodétermination et à l'indépendance. Face à ce pressing international, l'ambassadeur marocain permanent auprès de l'ONU, Mohammed Bennouna, a été contraint d'aller vers des concessions en déclarant ce jeudi que son pays «est prêt à entrer en négociation avec toutes les parties concernées sous les auspices de l'ONU». La position habituelle du Maroc consistait à rejeter toute implication de l'ONU, et à vouloir négocier directement avec l'Algérie, laquelle a toujours rejeté une pareille éventualité. En parallèle, le dégel entre Alger et Rabat, lui aussi rendu nécessaire par la nécessité de relancer le processus d'édification de l'Uma, bloqué par le Maroc à cause de la question sahraouie, se poursuit à un rythme relativement soutenu. C'est pourquoi le président Bouteflika a reçu hier à Jakarta, en marge des travaux du sommet afro-asiatique, le Premier ministre marocain, Driss Jettou. Cette audience intervient à la suite du double sommet Bouteflika-Mohamed VI, tenu à Alger, en marge du sommet arabe, et de la suppression des visas algériens imposés aux Marocains en attendant que l'ouverture des frontières suive.