Les troupes turques en route vers Idlib Un diplomate européen de haut rang avait résumé récemment la situation de fort belle manière: «Pour les Russes, (la stratégie) est simple. Mettez les tous à Idlib, et alors ils auront tous leurs oeufs pourris dans le même panier!» Comme nous l'avions annoncé dans notre précédente édition, l'armée turque est entrée à Idlib, en territoire syrien, avec un convoi militaire composé de troupes spéciales, d'engins blindés, de véhicules de transport de troupes et d'engins de chantier. Le but avoué de l'opération est de commencer à instaurer la zone de désescalade mettant fin aux combats dans cette zone, contrôlée par les terroristes de Fath al Cham et d'autres groupes, selon l'accord conclu à Astana, au Kazakhstan, par les trois parrains du cessez-le-feu. La Russie et l'Iran, alliés du régime syrien, et la Turquie soutien de la rébellion ont, en effet, obtenu cet accord fixant quatre zones de désescalade dont une à Idlib. L'objectif d'Ankara reste, avant tout, de faire barrage à la progression, dans le nord de la Syrie, des milices kurdes des YPG, soutenues par les Etats-Unis, et que la Turquie classe parmi les groupes terroristes. Ainsi, l'état-major turc a-t-il annoncé que «les travaux d'installation des postes d'observation» dans la province frontalière d'Idlib ont commencé jeudi dernier, information confirmée peu après par le président Recep Tayyip Erdogan qui a souligné la conjonction «des troupes turques avec l'Armée syrienne libre», une faction rebelle adoubée par Ankara. Après une courte mission d'observation, le 8 octobre dernier, les postes sont donc opérationnels pour que soit menée la mission de surveillance «suivant les règles d'engagement négociées à Astana. Cet accord dispose que la Turquie pourra installer 14 postes d'observations à partir desquels 500 soldats seront à pied d'oeuvre dans la province d'Idlib, jusqu'ici dominée par la coalition Tahrir al Cham, dont Fath al Cham, alias al Nosra (al Qaïda), représente la faction dominante. Selon l'Osdh, une ONG basée à Londres, l'opération turque s'est faite en coordination avec Tahrir al Cham, après une mission de reconnaissance commune. Seule province syrienne à n'être pas encore investie par l'armée arabe syrienne, Idlib a accueilli, durant toute l'année 2016, les nombreuses factions terroristes défaites par Damas, notamment à Alep, Palmyre et Homs. Pour Ankara, la priorité est désormais de stopper les tentatives d'incursion des YPG kurdes dans la zone frontalière, voire même de les déloger de leur base actuelle d'Afrine. Un haut responsable du groupe rebelle Liwa al Moutassem qui participe aux côtés de la Turquie à ce déploiement a confirmé hier que le but «est de couper la voie aux séparatistes kurdes». Tout en bénéficiant d'un soutien des Etats-Unis, les YPG ont pour mission «officielle» de combattre Daesh alors que la Turquie les accuse de connexion avec les séparatistes kurdes du PKK, en guerre contre Ankara depuis 1984. Réagissant à cette menace, les YPG ont tôt fait d'avertir sur leur compte twitter que «La Turquie n'est pas du tout intéressée par Idlib, mais par un siège d'Afrine (qui) pourrait déclencher le feu d'une nouvelle guerre dans la région». L'accord d'Astana est bel et bien en train de mettre le feu aux poudres dans la région frontalière syro-turque d'Idlib et dans celle de Deir Ezzor plus proche de la frontière irakienne où les FDS, une autre coalition arabo-kurde, tentent de s'implanter malgré l'avancée de l'armée arabe syrienne. C'est ce qui a d'ailleurs provoqué, depuis le début de l'année, de vives tensions entre les groupes terroristes ayant culminé avec la volonté d'hégémonie de Fath al cham qui a dynamité ses alliés d'hier. Et c'est la coalition de Jaich al-Fateh (Armée de la conquête) qui regroupait principalement le Front al-Nosra (l'actuel Fath el-Cham), Ahrar al-Cham, Jund al-Aqsa et Failaq al-Cham qui en a fait les frais. Les intérêts militaires ne pouvaient suffire face aux divergences idéologiques profondes et le rôle de la Turquie qui soutenait ouvertement le puissant rival Ahrar al Cham, avec des soldats et des conseillers, a aggravé les divisions. Défait, Ahrar al Cham a laissé le champ libre à Al Nosra et aux YPG, tandis que Damas se réjouit de voir tous ses ennemis d'hier s'étriper à Idlib, peu de temps après leur regroupement dans cette zone où le drapeau d'Al Nosra est en train de flotter, contre toute attente, poussant la plupart des troupes rebelles à se démarquer du groupe terroriste que la coalition internationale combat au même titre que Daesh, du moins officiellement. Un diplomate européen de haut rang avait résumé la situation de fort belle manière: «Pour les Russes, (la stratégie) est simple. Mettez les tous à Idlib et alors, ils auront tous leurs oeufs pourris dans le même panier!» Les Etats-Unis ont averti des dangers d'une telle situation qui verrait l'armée arabe syrienne et ses alliés russe et iranien reprendre leurs bombardements. Voilà pourquoi l'ONU se démène afin d'obtenir un accord politique et un cessez-le-feu qui permettrait d'éviter, prévient l'organisation internationale, que Idlib ne soit «la prochaine Alep».